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SantÉ, Le DÉni Gouvernemental Permanent

SantÉ, Le DÉni Gouvernemental Permanent

Affronter la réalité est bien plus difficile que de garder les yeux grands fermés (eyes wide shut).

Depuis toujours, notre pays vit au rythme de fautes médicales répétitives, de moins en moins acceptées par l’opinion publique. Parmi les plus récentes ayant retenu l’attention de la presse, on peut citer l’affaire dite Aïcha Diallo à l’hôpital de Pikine, les décès de nouveau-nés lors de l’incendie du service pédiatrique de l’hôpital Magatte Lô de Linguère et au début de ce mois, le décès malencontreux d’une femme enceinte à l’hôpital Amadou Sakhir Mbaye de Louga. Ce dernier drame est venu exacerber le bouillonnement social sans précédent que connaît le secteur de la Santé et de l’Action sociale, ce qui lui a conféré une résonance particulière.

Et pour cause ! Car face à l’ampleur de la clameur publique, le chef de l’État et son ministre en charge de la Santé ont choisi de faire du directeur de l’hôpital concerné et de certains membres de son personnel, les boucs émissaires d’une situation, dont ils ne sont que très marginalement responsables.

De fait, depuis le début de mise en œuvre des plans d’ajustement structurel dans notre pays, au milieu des années 80, tous les services publics connaissent une lente descente aux enfers,  particulièrement notre système sanitaire,  qui végète dans une crise profonde, à laquelle les gouvernements successifs n’ont encore pu apporter de solution satisfaisante. Face à cette situation imputable au premier chef aux pouvoirs publics, les syndicats de travailleurs, les organisations communautaires et les associations de consommateurs n’ont pas toujours été à la hauteur. Ils ont, la plupart du temps, assisté, impassibles, au désengagement de l’État dans le financement du système sanitaire,  dissimulé derrière la construction de quelques infrastructures imposantes, qui s’avèrent presque toujours être des coquilles vides sans personnel suffisant ni équipements conformes.

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Il y  a aussi l’instauration des politiques de gratuité, certes pertinentes sous certains rapports, mais insuffisamment élaborées, car souffrant d’un ciblage inadéquat, avec de forts relents populistes et électoralistes. Cela a entraîné la réduction drastique des recettes issues de la participation financière des populations aux soins à cause de l’absence règlement diligent et intégral de la dette hospitalière. Les administrateurs des services de santé, adeptes de la nouvelle religion de rentabilité à tout prix, ont – de ce fait – adopté une démarche agressive visant à pressurer les pauvres usagers pour faire face à leurs charges.

Peu à peu, on a assisté à une privatisation déguisée du système hospitalier, jetant aux orties l’humanisme et l’éthique, faisant l’apologie d’une culture d’entreprise et rendant les services de santé, de moins en moins accessibles aux personnes à faibles revenus.

C’est sur cette toile de fond d’iniquité, à l’origine d’inégalités sociales en santé, qu’on observe une dégradation continue du service public, au détriment des usagers et des prestataires de soins, dont des conditions de travail sont exécrables.

Parallèlement, on a constaté que l’administration centrale et divers lobbies imposaient leur diktat aux structures hospitalières, prétendument autonomes, à travers un pool de directeurs d’hôpitaux, encadrés par des personnalités dites qualifiées, souvent issues des cercles du pouvoir. Les conseils d’administration finissent, donc, par devenir de véritables caisses de résonance des intrigues ministérielles à cause d’une sous-représentation des travailleurs et des usagers / consommateurs.

Il arrive que ces derniers, dans une démarche de power-sharing, loin de s’opposer à la mal-gouvernance ambiante, bénie par la tutelle, la cautionnent, faisant preuve de complaisance envers des mesures préjudiciables à une gestion vertueuse des structures sanitaires (primes hospitalières exorbitantes pour certaines d’entre elles, parfois redondantes avec celles étatiques, recrutements familiaux, clientélistes ou politiciens, non-respect du code des marchés…). Les rares récalcitrants, qui ont osé dénoncer ces cas de collusion manifeste au sein des conseils d’administration, ont été victimes d’affectations arbitraires (Cheikh Seck, Guy Marius Sagna…).

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Il n’est dès lors pas étonnant, que la qualité des soins et l’élévation du plateau technique ne soient pas au premier plan des préoccupations des autorités sanitaires, ce qui donne lieu à ces drames qui suscitent, de plus en plus, l’indignation des masses populaires.

En effet, notre pays se trouve dans un contexte marqué du double sceau d’essor des luttes syndicales unitaires (transporteurs, enseignants) et d’impulsion des exigences citoyennes, qui deviennent de plus en plus pressantes. On a ainsi pu constater, lors de la longue grève dans le secteur de l’Éducation, l’intrusion des élèves et de leurs parents dans le processus revendicatif pour exiger que leurs intérêts d’usagers du service public soient pris en compte.

De la même façon, on est en train d’assister à un développement de la démocratie sanitaire, se traduisant par la création de nouveaux collectifs citoyens (celui de Louga et celui dénommé « Patients en Danger »…). Ils initient des pétitions très populaires, organisent des conférences de presse et des marches pour l’amélioration de l’accueil et de la prise en charge des usagers des structures de soins.

Cela devrait inciter le gouvernement sénégalais à prendre en compte l’éveil citoyen en cours dans tout le pays et à rompre avec cette redevabilité à deux vitesses, qui épargne les autorités gouvernementales chargées du pilotage des politiques publiques, tout en sacrifiant de simples exécutants du niveau opérationnel.

Il faudrait, à notre avis, instaurer un débat fructueux sur notre système sanitaire, regroupant la société civile, dont les représentants syndicaux et les associations d’usagers/ consommateurs, les acteurs politiques, les personnalités religieuses …etc., en posant le diagnostic et en indiquant des pistes de solution.

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