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Le Trop-plein

Le Trop-plein

A la question de savoir s’il ne craignait pas le vide dans la vie politique après son retrait, le Général De Gaulle avait répondu qu’il redoutait qu’il y ait «hélas le trop-plein» plutôt que le «vide». La vie politique sénégalaise actuelle a réussi la prouesse d’avoir les deux : un trop-plein qui cache un vide abyssal en termes d’idées et de débats. Je suis sûr que la Législature de 1978, avec le Ps, et le Pds qui entrait pour la première fois dans l’Hémicycle, marquera plus l’histoire par la qualité des débats et sa contribution à l’évolution de notre democratie que la quinzaine de listes et les milliers de politiciens qui se bousculent au portillon, en 2022, pour siéger à l’Assemblée nationale.

Lors de cette législature, la première de l’ère du multipartisme après le Parti unique de fait, le Sénégal avait des institutions démocratiques embryonnaires, mais des hommes politiques d’une grande qualité. Aujourd’hui, nous avons des institutions solides, mais des hommes politiques médiocres et sans relief. De 1960 à 2000, il existait au moins un débat politique, des débats sur les orientations politiques ou économiques dans le pays, mais depuis 2000, le débat est devenu trop personnel. Et c’est cette absence de débats d’idées, de débats politiques, qui est la principale cause du trop-plein et de la banalisation du politique. «Les grands esprits discutent des idées, les esprits moyens des évènements et les petits esprits des gens», disait Thomas Henry Buckle. Notre démocratie a besoin de grands esprits comme ceux de la Législature de 1978, qui posaient déjà de grands débats comme le contrôle de constitutionnalité des lois, le statut de l’opposition et l’équité de traitement dans les médias publics, qui ont fait avancer notre système démocratique.

Il faut se garder de confondre vitalité démocratique et vide politique qui est consubstantiel au trop-plein, qui fait que la politique n’est plus un combat entre les élites, arbitré par un peuple qui tranche lors des élections. Quand dans un pays de 17 millions d’habitants, il y a cent personnalités qui vont retirer des dossiers de candidatures à la Présidentielle avant le filtre du parrainage, ce n’est plus de la vitalité démocratique mais un trop-plein causé par le vide en matière d’idées, de projets de société ou de programmes. Se prendre pour l’homme providentiel par narcissisme ou confondre légitimité médiatique et légitimité politique est infiniment plus facile que d’avoir des idées pour le pays. Pour les élections législatives de juillet, nous assistons à la même chose. Malgré le trop-plein de listes, nous n’aurons pas de vrais débats car tout sera réduit à des querelles de personnes ou à des ambitions personnelles.

L’absence de débats d’idées est en train de désubstantialiser notre démocratie où de façon anachronique les hommes politiques jouent aux matamores et gladiateurs. Aujourd’hui, qui connait les idées et la position des nos hommes politiques sur la question de la sécurité et du terrorisme, alors que notre pays est devenu le dernier rempart ? Qui connait une théorie ou une doctrine économique d’un homme politique ? Qui connait les réflexions et propositions d’un homme politique pour sortir les écoles et universités de la crise ? Qui a jamais entendu un homme politique proposer des solutions pour gagner la paix en Casamance après que l’Armée a gagné la guerre ? Par contre, on connait les opinions de tous les hommes politiques sur le parrainage et le fichier électoral. Ce sont les seuls points où il y a un véritable débat entre la majorité et l’opposition. Ils en débattent tellement qu’on a l’impression que le ministère de l’Intérieur est devenu le ministère des Elections, seulement parce que la question de la sécurité, qui est la mission la plus importante de ce ministère, ne passionne pas les politiques. Qui connait les idées ou la politique sécuritaire de ces hommes qui aspirent à nous gouverner ?







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