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L’afrique Et La Perspective D’un Nouvel Ordre Économique Mondial

L’afrique Et La Perspective D’un Nouvel Ordre Économique Mondial

Les deux mois de la confrontation russo-ukrainienne dont les « buts de guerre » ne semblent pas encore atteints produisent des effets économiques importants sur l’économie mondiale qui s’imbriquent au fur et à mesure.

Considérée par la Russie comme une brève opération chirurgicale destinée à « dénazifier » l’Ukraine, cette « opération spéciale » donne l’impression de se transformer en guerre de longue durée. Ce qui laisse craindre une récession économique mondiale accompagnée de bouleversement géostratégiques, militaires, mais également un renouvellement des relations économiques et monétaires internationales.

Les sanctions prises en réaction par les Etats Unis et l’Europe principalement pour étouffer l’économie russe (embargo pétrole et gaz, et exclusion des banques russes du système bancaire Swift) tardent à produire des effets susceptibles de dissuader la Russie de poursuivre la guerre. En attendant, ces sanctions ont entraîné la hausse quasi-générale de l’inflation dans le reste du monde, du fait du renchérissement des matières premières stratégiques comme le pétrole, le gaz, les céréales, l’aluminium etc. traditionnellement importés d’Ukraine et de Russie par l’Europe. Dans cette nouvelle configuration générée par le conflit et les sanctions, l’Afrique ne parle pas d’une seule voix. Or, il est urgent que le continent élabore une stratégie pour anticiper le nouvel ordre mondial qui se profile.

Les pays africains producteurs d’or noir, de par le fait qu’ils soient membres de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole), défendent avec bonheur une politique de maintien de leurs revenus en fonction de l’ordre et de la demande mondiaux. Il s’agit essentiellement de l’Angola, du Gabon, de la Guinée équatoriale, du Nigeria, de la République du Congo, de l’Algérie et de la Libye. Ces pays sont en mesure de compenser la hausse des factures de leurs produits d’importation par le surcroît de recettes publiques que leur offre l’augmentation du prix du pétrole générée par les sanctions contre le pétrole russe. Les autres pays africains non producteurs n’ayant pas de recettes extérieures de cette nature, parce qu’exportant des produits très concurrencés sur le marché mondial, subissent la hausse des prix sur les biens alimentaires avec des ressources budgétaires propres insuffisantes pour « subventionner ».

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Le renchérissement du pétrole affecte le coût de l’énergie qui, avec le celui du transport, se transfuse rapidement sur l’ensemble de l’économie, créant par voie de conséquence un surcroît d’inflation (importée). Pour contrôler la hausse rapide de l’inflation afin de prévenir la récession économique, les pays de différentes régions du monde ont généralement augmenté le coût de l’argent (taux d’intérêt) via leurs banques centrales (taux directeurs), pour décourager la distribution de crédit au niveau des banques primaires (hausse des taux d’intérêts appliqués aux prêts). Le resserrement du crédit est prévu pour ralentir les investissements des entreprises dont les coûts de production augmentent du fait de la hausse des intérêts bancaires, mais aussi les emprunts des particuliers pour les biens de consommation (voitures, équipements ménagers etc.).

 Selon la BCEAO, la Banque centrale du Canada a relevé, courant mars et avril 2022, son taux directeur de 50 points de base au total pour le porter à 1,0 %. L’institution estimerait que l’invasion de l’Ukraine par la Russie serait source d’inflation partout dans le monde avec un effet baissier sur la croissance. En zone CFA, le rythme haussier de l’inflation s’est accentué. La BCEAO, dans sa Note de conjoncture pour les pays de l’Union d’avril 2022, fait état d’une « accélération du rythme de progression du niveau général des prix, imprimée essentiellement par la composante «Produits alimentaires» et, dans une moindre mesure par la composante « transport », et d’une probable accélération du rythme de progression du taux d’inflation pour les prochains trimestres de 2022.

La BCEAO maintient sa politique « accommodante » tandis que la BEAC augmente de 50 points son taux directeur !

Malgré les mesures prises en Europe et aux Etats Unis d’augmenter les taux d’intérêts pour contrecarrer l’inflation, la BCEAO poursuit sa politique « accommodante » mise en place lors de la pandémie, faite de soutien aux économies via des taux directeurs faibles incitant les banques à faire du crédit aux entreprises et aux particuliers, mais aussi d’injection de fortes liquidités dans l’économie. Le maintien de cette politique accommodante profite surtout aux Etats qui, au même titre que les entreprises, interviennent sur les marchés monétaires et financiers (marchés des titres publics) pour leurs besoins de capitaux et de couverture des déficits budgétaires.

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En revanche, la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) a augmenté de 50 points de base son taux directeur pour le porter de 3,5 % à 4,0 %, « dans le but de contenir les risques pesant sur la stabilité monétaire de la région », mais aussi, selon le Comité de Politique Monétaire de la BEAC, du fait d’une « faible accumulation des réserves de change » qui n’irait pas de pair avec l’accroissement des importations que génèrerait une offre de crédit bancaire pas cher.

Au plan monétaire, un phénomène assez imprévu s’est produit avec la décision de la Centrafrique d’admettre le Bitcoin comme monnaie légale au même titre que le Franc CFA. Cette décision semble faire écho aux récents propos de Pavel Zavalny, chef de la commission du budget et de la fiscalité de la Chambre des représentants russe, selon lequel Moscou pourrait effectuer des échanges d’énergie en monnaie locale ou en monnaie cryptographique Bitcoin avec des « pays amis ».

Pour l’instant, les réactions des autorités monétaires de la BEAC ne dépassent pas encore les désapprobations verbales et autres demandes d’explication au gouvernement centrafricain. La Chine développe également son propre environnement monétaire numérique avec le e-yuan. C’est dire que des systèmes monétaires centrifuges par rapport à celui basé sur le dollar sont en construction, ainsi qu’un changement de configuration du commerce mondial. Lequel était jusque-là basé sur des spécialisations, à savoir les Etats Unis et l’Europe pour ce qui est monétaire et financier via l’euro et le dollar, la Chine et les pays émergents comme base manufacturière, la Russie comme source d’énergie, d’engrais et de céréales, et l’Afrique comme marché de consommation et fournisseur de matières premières.

Au Sénégal, les subventions sur les produits pétroliers ont coûté environ 146 milliards de FCFA de janvier à juin 2022, ce qui a sans doute contribué à ralentir la hausse des prix intérieurs. La question posée est la capacité de l’Etat à supporter un prix du baril en constante hausse tel que cela se profile avec une guerre dont les prémisses d’une fin prochaine tardent à se faire voir.

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« Une » Afrique mais plutôt « des » Afrique…

Le poids des sanctions afférentes au conflit pourrait aggraver l’endettement de nos Etats, ne pouvant budgétairement supporter des subventions sur la durée d’une guerre qui serait partie pour être longue, selon le président français Emmanuel Macron. Il serait donc souhaitable que la paix soit restaurée dans les meilleurs délais en Ukraine, pour ne pas frayer la voie à une récession mondiale à laquelle l’Afrique ne pourrait échapper.

En dépit de sa position marginale dans le commerce mondial, notre continent se voit en effet glisser dans une récession économique du fait de l’inflation extérieure qui aura fini de désorganiser le faible tissu industriel existant dans sa majeure partie. Dans la mesure où il n’existe pas encore « une » Afrique mais plutôt « des » Afrique, les organisations supra nationales africaines ou panafricaines doivent se mettre à pied d’œuvre pour s’adapter à un nouvel environnement.

La viabilité des économies africaines, à ce stade de l’importance des énergies fossiles, devrait pouvoir être assise sur la réorganisation des pays africains producteurs de pétrole (APPO), à l’effet d’assurer un approvisionnement plus sécure à l’échelle du continent, dans un contexte de transition des combustibles fossiles vers les énergies renouvelables.

Dr Omar Farouk Ibrahim, secrétaire général de l’Organisation des producteurs de pétrole africains, a évoqué de nouvelles perspectives en ces termes : « Parce qu’avec 1,3 milliard de personnes sur le continent africain, nous ne pouvons pas dire que nous n’avons pas de marché. Ce dont nous avons besoin, c’est de le développer et nous verrons que les 7 millions de barils de pétrole que nous produisons chaque jour ne sont même pas suffisants et qu’il ne sera pas question d’exporter. » Tout cela passe bien entendu par des investissements à due concurrence, si l’on sait que l’Afrique est importatrice « nette » de produits pétroliers. L’Europe, les USA, la Russie, la Chine et les pays émergents sont en train de redessiner une nouvelle carte mondiale des chaînes d’approvisionnement en matières premières.

L’Afrique ne devrait pas être en reste







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