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Hommage À Mon Ami Journaliste Ousmane Kaba

A la faveur de ma revue matinale des grands titres ou « unes  » de la presse nationale offerte en mosaïque, je déchiffre une ligne noire porteuse d’une information à me couper le souffle annonçant le décès en Belgique de Ousmane KABA, jeune frère de M. Sidiki KABA, Ministre des Forces Armées. Cette nouvelle pour moi à la fois douloureuse et inattendue me replonge aussitôt dans le film d’un royaume d’adolescence vécu dans la joie et l’insouciance avec mon ami et frère Ousmane Kaba, au milieu des années soixante dans cette belle région orientale. Journaliste émérite, Ousmane Kaba a sublimé par sa voix les auditeurs de TV5 et de la défunte AFRICA N°1.

Feu Ousmane Kaba a aussi travaillé pour les Nations Unies, comme Assistant spécial du Représentant Spécial du Secrétaire général à la Mission de maintien de Paix en Centrafrique, dirigée par le Général Lamine Cissé. Sa riche carrière avait également fait de lui un ami du Zaïre/RDC dont il connaissait bien la classe politique de la fin des années Zaïre et du début des années RDC, avec ses multiples rebellions.

Fiers d’être parmi les élèves admis au prestigieux examen national de l’entrée en sixième de juin 1966, le Collège régional d’Enseignement Général (CEG) nous ouvrait grandement son portail sous le regard de surveillants attentionnés nous conduisant en rang vers les bancs de cette inoubliable classe de 6ème A. C’est là que nous nous sommes connus. Ce beau et prestigieux Collège à l’architecture à la fois simple et généreuse d’espace avec sa grande clôture en grillage bien tendu, offrait aux passants une vue parfaite sur la vie quotidienne de ce lieu d’animation pédagogique.

Dans l’immense cour de récréation rocailleuse, peu ombragée s’épanouissait malgré la chaleur ardente, une pépinière de cadres en germination. Ce type d’établissement moyen était destiné à l’accueil d’élèves parmi les meilleurs de la région orientale. Valises en main, en quête d’un savoir utile, ils venaient bénis des prières et bénédictions de familles laborieuses des terres fertiles au bord des berges et méandres du fleuve Sénégal, au pied de l’âpre rocher de Bakel la soninké, ou des doux villages malinké, peul et bassari, nichés au bas des collines fraîches arrosées par les chutes du lointain et merveilleux Kédougou. Parmi nous et du fond du disque dur d’un cœur juvénile et de ma mémoire à l’épreuve de la force de l’âge, resurgissent des souvenirs et noms indélébiles comme : Ousmane Kaba , Seni Douta Sané, Fanta Kanté, affectueusement appelée Fifi, Fatou Diop Ndiaye, Marième Baldé , Mamadou Diallo, Yoro Sylla, Louis Dessert, Demba Mangassy, Astou Ndiaye, Ahmed Iyane Dieng, Ndiack Sarr, Daouda Tall, Sourakhé Ndiaye, Abdou Tall (Boy Treize ) Hamedine Diop, Abdou Fall, Marie Cissé, Hawa et Aïssatou Sidibé venues des lointaines collines de Kédougou…etc. Sacrilège !

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Je sais que des noms et visages manquent au répertoire de nos amitiés fraternelles. Quelques identités remarquables de la 6ème B me font un clin d’œil : Oumar Babacar Diarra, Lansana Cissokho, Karim Kébé, Cheikhna Cissé, Fadiara Sylla, Moustapha Senghor, Samba Diop etc. Une pensée pieuse pour ceux arrachés à notre affection comme : Le petit et souriant Amadou Tandjigora (Trés tôt), Niokhor Faye, Alioune Gade Fall, Kamoye Bathily, Yabou Samb, Mame Ngoné Sèye. Ils nous sourient sans doute, telle une constellation d’étoiles lumineuses dans un coin du ciel.

Dans ce Collège, nous avions bénéficié de l’encadrement d’enseignants compétents pour l’essentiel de la coopération française ou du Peace Corps américain. Ils avaient des noms à forte consonance pédagogique comme : Mrs Azouleye, Rouquet, Colado, Leverre, Bourgouin, Pascal, William Tilton, Linda Loven et Galle Day. Particulièrement élégants, Frederick Badiane nous faisait partager en lecture quotidienne, la misère de Scott, personnage central de la « Mare au Diable » de Georges Sand, tandis que le poète Sirima Cissokho à la barbe ronde, de retour au pays natal, exaltait notre sens de l’honneur par la récitation des plus beaux passages du Cid de Pierre Corneille, jetant ainsi les bases de nos humanités grécolatines. Ces deux maîtres étaient les rares professeurs africains de cette belle période du début de notre indépendance. Ces éducateurs talentueux et respectés habitaient tous de belles villas administratives de la calme « Cité des hautes herbes » bâtie entre, le vaste domaine de l’Eglise, le service médical dit « Trypano » et la cité des HLM 1 dans la partie nord de la ville à la lisière d’une brousse de type savane. Taquins à volonté, turbulents par tempérament et par excès d’énergie adolescente nous formions une bande de copains joyeux, travailleurs et doués que seules les exigences traditionnelles du crépuscule qui tombe pouvaient momentanément séparer. Que d’aventures périlleuses, avons-nous vécu ensemble dans l’allégresse du bonheur simple de nos jeux d’enfants. Ousmane et moi partagions le même table-banc. Très habile, il m’avait souvent fait punir parce que c’est moi que le Maître prenait en flagrant délit, réagissant à sa provocation. Mais, ces excitations en salle de classe avaient plutôt raffermi notre affection réciproque et bâti une amitié fraternelle sur de nombreux souvenirs en commun.

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Ousmane, Douta et moi avions une complicité qui avait fait d’eux mes premiers amis du quartier fondateur du « Dépôt » et moi leur frère « Azna » à qui ils venaient souvent rendre visite, traversant la belle et verte vallée fossile du Mamacounda aux versants encore abrupts, accédant ainsi sur la rive gauche , aux premières maisons du quartier jumeau du « Pont » chez le père Amadou Bouna Fall dit Damel, adjoint puis secrétaire général de la gouvernance de la région Orientale d’avril 1960 à juin 1982. Le Mamacounda, réceptacle naturel des abondantes eaux pluviales ruisselant des plateaux Est et Ouest, parfois pavé de nénuphars, est ponctué d’un chapelet d’ouvrages de ponts vigoureux, derniers vestiges du projet d’urbanisation de la ville coloniale la plus orientale du pays.

Plus tard, après la réussite au Bac en 1974, le destin me fît rencontrer à nouveau mon ami d’enfance Ousmane, pour une courte durée dans le grouillant l’amphithéâtre (2501 baptisé Abbé Boilat), en première année d’études d’histoire et géographie de l’Université de Dakar. Il n’a ensuite pas pu résister à l’envie de suivre la trajectoire de ses frères Omar et Sidiki KABA , «SK » pour les copains, un des rares originaires de la ville de Tamba Counda, pensionnaires du prestigieux Lycée Van-Vollenhoven de Dakar. Sidiki, fierté pour la famille du père Feu Moustapha Kaba, grand commerçant, dignitaire de la capitale orientale, s’était inconsciemment imposé comme modèle pour Ousmane. C’est ainsi qu’il choisit de poursuivie ses études en Côte d’Ivoire à la nouvelle Université d’Abidjan.

Précoce par son élégance vestimentaire, Ousmane avait déjà le verbe haut, la syntaxe recherchée, le propos bien articulé, expression notable d’une relative estime de soi et d’un apprentissage de la rigueur. J’ai été particulièrement heureux de savoir que sa grande rigueur intellectuelle et morale, sa vaste culture humaniste ont été mises au service d’une prestigieuse carrière de journaliste en Belgique et à l’échelle internationale. On a ainsi pu lire, avec bonheur, dans la presse en ligne des témoignages éloquents de la reconnaissance de son talent et de son engagement humanitaire par ses pairs en ces termes : « un certain esprit de ce qu’aurait dû être le journaliste d’un continent en deçà de ce qu’il a été pour le monde et de ce qu’il est aujourd’hui ». Puisse Allah (SWT), le Maître absolu, dans sa miséricorde infinie reconstituer pour l’éternité dans un coin de son paradis firdaws, cette belle classe.

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A toute la grande famille Kaba de Tamba Counda, à tous les camarades et amis anciens et actuels élèves du CEG baptisé du nom du grand Imame Ratib Thierno Souleymane Agne, à toute la population de Tambacounda et de la région orientale, à son épouse et à ses enfants, à la jeunesse de Tamba Counda à qui Ousmane s’offre en référence, à ses nombreux amis du monde, en particulier ceux d’Afrique, je présente mes sincères condoléances.

Repose en paix « Koto Ousmane » à côté de notre chère sœur Saran. Que la terre hospitalière de notre Tamba Counda, la plus belle gare ferroviaire du Dakar–Niger, te soit douce et légère.

ABABACAR GAYE FALL (AZNA)

EMAIL : BABSGFALL@GMAIL.COM

 







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