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Financement De La Relance En Afrique Et Crises Sociales En Perspective

Financement De La Relance En Afrique Et Crises Sociales En Perspective

La 54ème session de la Conférence des ministres africains des Finances, de la Planification et du Développement économique (CoM2022) vient de se tenir à Dakar sur le thème : « Financement de la relance de l’Afrique : trouver des solutions innovantes ». Organisée par la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) et le Gouvernement du Sénégal, ouverte par le Président en exercice de l’Union africaine Macky Sall, elle a réuni, entre autres, des experts financiers, des entrepreneurs, des responsables d’Etat et des organismes financiers supranationaux (Banques Centrales).

Le thème en lui-même est assez illustratif de la situation économique des pays d’Afrique marquée par une récession économique due à la pandémie, aggravée ensuite par une récession mondiale imputée au conflit mettant aux prises deux pays majeurs dans l’approvisionnement mondial en énergie, en produits alimentaires et en engrais, ce dernier étant indispensable à l’agriculture intensive moderne, la Russie et l’Ukraine. L’invasion de l’Ukraine par la Russie et les sanctions économiques et monétaires consécutives des pays occidentaux contre cette dernière, en particulier celles touchant aux instruments financiers du commerce international ont, en effet, abouti à une hausse des prix de ces matières essentielles entrant dans la production des biens industriels, agricoles échangés dans le monde. Le thème de la conférence se rapportait aux opportunités de « financement de la relance en Afrique » dans le contexte chaotique actuel de l’économie mondiale. L’Afrique a besoin de relancer son économie mais elle ne dispose pas de ressources suffisantes dans un contexte de relance économique aux USA et dans les pays européens pilotés par leurs banques centrales respectives (FED aux USA, et BCE en Europe).

La dépendance des économies africaines au marché mondial s’est avérée encore plus forte qu’imaginée, ainsi que leur « addiction » aux ressources financières de leurs partenaires financiers traditionnels pour la couverture de leurs besoins de financement. Les plaidoyers des chefs d’Etat africains pour le relèvement substantiel des parts du continent sur les DTS (droits de tirages spéciaux) du FMI ou pour l’effacement de la dette ne trouvent pas pour l’instant d’échos favorables auprès de leurs pairs européens qui parlent plutôt de « rééchelonnement» pour la dette et promesses d’intervention pour les Droits de Tirage Spéciaux.

Dans son rapport du 13 avril 2022 sur l’état des économies subsahariennes déjà secouées par le choc « COVID » avec la perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales et la récession économique consécutive, la Banque Mondiale met l’accent sur la montée des cours mondiaux des matières premières qui s’est amplifiée avec le conflit russo-ukrainien, accompagnée d’une réduction des flux financiers étrangers vers l’Afrique. Les économistes de cette institution prévoient que, faute d’un « vigoureux plan de relance » pour faire repartir la machine, le Continent risque de perdre les efforts, les résultats et les gains de dix années de croissance économique continue. Or, les volumes de financement du développement, qui ont permis cette croissance économique tirée par les infrastructures, se sont contractés depuis près de deux ans suite à l’irruption du COVID avec la réorientation des ressources disponibles vers l’éradication de la pandémie et le maintien de l’économie mondiale. Cette situation de rareté des ressources financières pour la relance en Afrique explique le besoin pour les experts africains de réfléchir à des solutions endogènes, face au repli du monde occidental sur ses intérêts propres de lutte contre la récession.

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L’âpreté de la situation de déficit financier se reflète d’ailleurs dans les propos étonnants du Président Macky Sall, lorsqu’il évoque dans le discours d’ouverture de cette conférence l’état de «fatigue générale de l’économie africaine, après plus de deux ans de crise liée à la pandémie, aggravée depuis février par l’impact de la guerre en Ukraine ». A notre sens, ce propos généraliste ne saurait s’appliquer de façon indifférenciée à tous les pays africains si l’on sait que les situations économiques ne sont pas identiques pour tous les pays.

Où trouver les ressources financières nécessaires au financement de la relance des économies africaines ?

Les experts passeront certainement en revue des disponibilités par pays, et les possibilités offertes par les Banques centrales et les Etats de réfléchir à des stratégies communes. La solidarité devrait être promue en matière d’allocation de ressources des Etats pétroliers tirant profit de la hausse du prix du pétrole (Nigéria, Angola etc.) vers les Etats importateurs de pétrole frappés par l’inflation et en particulier la hausse des produits à la consommation. L’UA, les Experts de l’Agenda 2063, les banques centrales, les opérateurs privés devraient esquisser des solutions, et les Etats manifester la volonté politique de les mettre en oeuvre.

Au niveau interne des Etats, l’heure devrait être à la réflexion sur la qualité de la dépense publique, les modes d’endettement, les politiques et stratégies d’investissement assises sur la qualité du service public, mais également la culture d’un retour sur investissement apte à tirer à la hausse les recettes publiques, enfin l’efficacité et la transparence de la gestion de la chose publique. L’expérience a prouvé que la réalisation d’infrastructures, lorsqu’elles sont marchandes, ne crée généralement pas en retour de capacité d’autofinancement suffisante pour relancer de façon endogène le secteur concerné. Cela est particulièrement vrai concernant les projets PPP.

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Souvent le partenariat public-privé est à l’origine de la dispersion du cash-flow, qui va vers les frais de gestion et les marges de l’opérateur, la part du gérant du patrimoine servant à rembourser les emprunts ayant servi à financer le bien. C’est le cas dans notre pays pour le secteur de l’eau potable, pour l’Autoroute à péage, et ce sera également le cas pour le BRT et le TER même si la rentabilité sociale de tous ces investissements dans les infrastructures ne saurait être discutée. Il ne s‘agit pas de raisonner en nombre d’heures perdues ou gagnées car, pour raisonner ainsi, il faudrait que le trafic de marchandises soit concerné et identifié. La question se rapporte plutôt à la capacité propre de renouveler les infrastructures par des ressources propres ou en suffisance pour amoindrir la charge des frais financiers sur l’exploitation. La solution serait de limiter les durées des PPP, de veiller à la répartition contractuelle équitable des revenus générés par l’exploitation, et de préparer au plus tôt la substitution des techniciens sénégalais aux techniciens de la société délégataire de la mission de service public.

La rentabilité sociale, c’est bien, mais la rentabilité financière aussi doit être considérée !

Autrement, les investissements seront toujours financés par les modes usuels (Banque Mondiale et autres partenaires financiers) sans participation de fonds propres du détenteur de patrimoine, ce qui ne ferait que rendre la dette plus pesante dans l’exploitation via les intérêts à payer, impacter négativement le prix du service final et contraindre l’Etat à subventionner. Par conséquent, à notre sens, lorsque la rentabilité sociale est avérée, il ne faudrait pas perdre de vue la rentabilité financière sans laquelle il n’y a pas de financement endogène permise. Il en va de l’investissement direct étranger comme du Partenariat Public Privé.

Faute de trouver des solutions à la prompte relance des économies, des crises sociales pourraient surgir, surtout en cas de conflit russo-ukrainien tirant en longueur. D’après le Fonds monétaire international, les prix devraient augmenter de 12,2 % en Afrique subsaharienne en 2022, du fait notamment de la guerre en Ukraine. Au-delà de l’abaissement des performances économiques, la Banque Mondiale n’exclut pas dans son rapport la survenue de troubles sociaux en ces termes : « Les personnes pauvres et les populations vulnérables seront les plus touchées, en particulier dans les zones urbaines.

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Dans le contexte actuel d’instabilité politique accrue, on peut craindre que davantage de troubles civils n’éclatent du fait de l’inflation entraînée par les prix de l’énergie et de l’alimentation ». Pour conjurer cette sombre perspective, l’institution met l’accent sur la nécessité du « développement de programmes de protection sociale au-delà des filets de protection sociale, pour renforcer la résilience économique et la capacité de faire face aux chocs, en particulier pour les ménages pauvres et vulnérables ».

Au Sénégal, l’accroissement de revenus sur les métaux exportés pourraient-ils couvrir les augmentations sur le pétrole, le gaz et l’engrais ? Jusqu’où ira la politique de subvention si les ressources budgétaires correspondantes venaient à faire défaut ? Cette recommandation de la Banque Mondiale dans ce contexte d’une grande fébrilité politique et sociale aurait-elle un lien avec la décision du Président Macky SALL de faire un Cash Transfert exceptionnel d’un montant global de 43 milliards de francs CFA en faveur des 542.956 ménages répertoriés dans le RNU ?

En toutes hypothèses, si l’on sait qu’un ménage sénégalais compte en moyenne 9 personnes, cette allocation toucherait environ 4 886 604 sénégalais considérés comme pauvres sur une population de 17 738 795 individus projetés en 2022, soient 27 Sénégalais sur 100. Ces ménages pauvres sont prévus pour recevoir environ 80 000 FCFA remis à leur chef. Cette allocation exceptionnelle est-elle suffisante ou non dans le contexte actuel de forte hausse du coût de la vie ? Dans l’absolu, la réponse est non !

Mais, pour être pertinent, il faudrait pouvoir tenir compte de la situation de trésorerie au niveau de l’Etat et des subventions allouées aux secteurs générateurs de hausse généralisée de prix comme les produits pétroliers durant les chocs enregistrés par l’économie ces dernières années. Bien entendu, cela ne saurait soustraire les autorités de l’Etat à leur responsabilité de veiller à une répartition judicieuse des ressources mises à leur disposition par la représentation nationale. La situation n’est pas sans risque à court terme dans notre pays. Des difficultés d’ordre politique et social se profilent. Des voix officielles s’élèvent dans l’opposition pour envisager une possible « cohabitation » politique à l’issue des élections législatives de juillet prochain. Tout étant possible en démocratie, les parties en présence devraient se pencher sur ce scénario pour ne pas rester sans ressources face à des situations qui n’auraient pas été prévues, du fait de l’impréparation des acteurs politiques et de leurs conseils.







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