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A La DÉcouverte Du Prince Des ArÈnes, Zassou Ndiaye De YÈne Dialaw

Je parlerai souvent dans cette page de personnes qui ne font pas toujours la une des médias mais qui n’en restent pas moins de grands hommes ou éminentes dames parce que passeurs d’idées, de générosité, d’ambitions ou tout simplement d’amitié entre les hommes. Je parlerai d’hommes et de femmes qui ne sont pas riches matériellement parlant mais qui le sont de leur humanité, de leur grandeur d’âme, de leur générosité de cœur et d’esprit. Cela dit, témoigner n’est pas facile. C’est un exercice difficile au motif que connaître l’homme dans toutes ses facettes n’est pas chose aisée.

C’est à ce point vrai que l’ancien président guinéen Sékou Touré disait à juste raison que « L’homme c’est l’inconnu, connu ! » C’est dire ! Mais l’essentiel et le plus fondamental pour moi c’est que, quand le tribunal de ma conscience va m’interroger et me questionner, je n’aie pas honte de moi-même pour avoir dit des choses mensongères.

 Plaise à Dieu que, dans cette belle activité à laquelle je vais me livrer de temps à autre, je ne puisse dire que la vérité. Cela dit, il est temps qu’on rompe définitivement avec cette fâcheuse habitude sénégalaise qui consiste à ne célébrer les gens qu’à sa mort. Nous tous, nous rappelons ce mot teinté d’aigreur et d’agacement de ce célèbre tambour-major pour dire à la face du monde qu’il ne souhaiterait pas à sa mort bénéficier d’un hommage posthume. Il ajoutait que si les gens veulent le célébrer, qu’ils le fassent de son vivant ! Il n’avait pas tort ! Mais bon, le Sénégal étant ce qu’il est…

Nous savons tous ce qu’on a fait après la mort de ce tambour-major, de son …fameux cri du cœur. Il avait eu droit à des hommages appuyés de partout avec, comme suprême consécration, son nom au fronton du Grand Théâtre. Y a problème, mais allez comprendre nos « sénégalaiseries ».

M’inscrivant radicalement à contre-courant de cette façon de faire à la « sénégalaise », j’ai décidé de faire focus sur un homme que je connais assez bien pour avoir vécu dans sa maison pendant de longues années. Directeur du Centre de Promotion et de Réinsertion de Yène (CPRS), j’ai pu nouer des relations fortes avec les jeunes de la zone.

Et parmi ces derniers, un fils de Zassou à qui je fis part de mon désir de trouver un logement. Il s’en ouvrit à son père qui venait de terminer la construction d’un deuxième bâtiment. Son accord obtenu, je regagnais avec ma famille la maison de Zassou. J’y ai vécu une dizaine d’années au cours desquelles pas une seule fois, je n’ai senti mon statut … d’étranger. Zassou me considérait comme son propre fils. Il me confiait toutes sortes de secrets et m’associait à tout ce qui se faisait dans sa famille. La preuve, quand il s’est décidé à octroyer un terrain à chacun de ses enfants, il m’a appelé au téléphone pour me dire que moi aussi j’avais mon lot là-bas.

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Zassou est un homme entier qui ne sait pas tricher. Il ne dit que la vérité contrairement à beaucoup de Sénégalais qui n’ont aucun respect pour la parole donnée. Hélas !!! Vingt ans de présence active à Yène Dialaw m’ont conféré la connaissance des hommes et femmes qui habitent cette localité. Mais qui est ce Zassou Ndiaye que les férus de lutte d’un certain âge connaissent bien pour avoir marqué d’une pierre blanche son passage dans l’arène ?

Le célèbre défunt reporter, Alassane Ndiaye Alou (ANA), dans une de ses envolées lyriques dont lui seul avait le secret, disait de Zassou qu’il était un artiste né. Fasciné par la belle allure et la prestance de cet athlète qui ne laissait personne indifférent, ANA s’était écrié un jour au micro : « Zassou serait un footballeur, il ferait alors partie des meilleurs ailiers droits d’Afrique ». Cet hommage venant de la part de ce journaliste émérite vaut son pesant d’or. Zassou, un surnom qui a fait les beaux jours de l’arène sénégalaise, est le diminutif de « Zassoumane ».

A une certaine époque, les hommes qui avaient fière allure et qui savaient s’habiller classe, étaient appelés « Zassoumanes ». Casquette « Edgan » vissée sur la tête — rares sont les personnes qui à l’époque pouvaient se procurer ce gadget —lunettes noires fumées, Zassou faisait tomber en pâmoison certaines femmes. Il était le chouchou de ces dames.

 

Au commencement était un dandy ou « Zassoumane »

 

Son véritable patronyme est Boubacar Ndiaye. Un homme qui a su, au travers de comportements à la fois responsables et dignes, se frayer une place enviable dans la mémoire collective. Avant d’en arriver aux combats qu’il a livrés et autres, je voudrais m’intéresser un peu à la jeunesse de Zassou.

Comme beaucoup de garçons de son âge, il a fait ses premières humanités au « daara » de Baye Seydina Yada à La Somone. Il y a passé quelques années avant de retourner dans son village natal. Aux côtés de son père, il se mit au travail de la terre.

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Et ce n’est qu’en 1944 que le futur « Zassou » se décida à venir à Dakar pour la première fois. Il y exerça de petits boulots pour quelque temps. Mais l’appel du royaume d’enfance, pour reprendre les mots du poète, se fit pressant et notre homme retourna donc au bercail. En 1947, nouveau retour à Dakar. Il travailla successivement aux Grands moulins de Dakar, au Port et à l’ONCAD. Il fit un bref passage en Guinée-Conakry en 1949 où il apprit à conduire les grands engins. De retour à Dakar, son objectif premier, c’était d’avoir un permis de conduire. Il finit par l’avoir en 1954.

Les années passant, le virus de la lutte s’introduisit en lui : « Mon premier combat, je l’ai livré contre Ousmane Mbengue de Mbao. Après ma victoire, j’ai perçu un cachet de 10. 000 fcfa ; mon adversaire, 5000 fcfa. A l’époque, Madi (Ndlr, votre serviteur), ces sommes constituaient une petite fortune. Pour le combat de revanche, il prit le dessus sur moi et empocha 15000 fcfa ; quant à moi, je reçus 5000 fcfa. » Son cachet le plus important dans l’arène, c’était contre le champion sérère Landing Diamé. Il avait touché 100. 000 fcfa.

Côté satisfaction toujours, Zassou se rappelle ce geste d’une grande dame de la place qui avait pignon sur rue : « A l’issue d’un combat épique dont j’étais sorti victorieux contre un adversaire de taille, cette femme distinguée dont je tairai le nom et appartenant à une certaine classe sociale m’avait offert à la surprise générale un bracelet en or massif. » Je remis la parure à mes accompagnants. Ils s’étaient empressés d’aller la vendre sans même m’en informer : « L’argent, je n’ai jamais fait une fixation dessus. Je le distribuais comme je le recevais ! » Un drame homme, on vous dit, ce Zassou.

Zassou, en prince de l’arène, avait des supporters et des fans dans tous les milieux. Mais comme on dit, toutes les belles choses ont une fin. En 1963, il se se résolut à abandonner définitivement la lutte. Auparavant, il s’était payé une voiture 4 chevaux : « De Toubab Dialaw à Yène Todd, j’étais le premier à disposer d’une voiture. C’était en 1960 ! Le bâtiment que j’ai construit dans la même période, orné de fleurs, suscitait la curiosité des passants. Certains Blancs n’hésitaient pas à s’introduire dans la maison pour admirer le panorama » nous raconte avec fierté le vieux champion.

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Après avoir quitté le milieu de la lutte, Zassou s’est lancé dans transport de marchandises avec son camion. Ce n’est qu’au tournant du millénaire, après 2000, qu’il vendit ce camion pour prendre une retraite bien méritée. En inactivité, Zassou s’investit dans le Social. Il reçoit chez lui des hommes et femmes qui viennent de tous les horizons, orientant et prodiguant des conseils tirés d’une vie bien remplie. D’une bonté sans pareille, Zassou, pour aider ses parents lébous, a morcelé son vaste champ pour en faire des terrains à usage d’habitation distribués gratuitement. Votre serviteur a eu la chance d’en recevoir un. Sans avoir rien demandé !

 Zassou n’en avait vendu que quelques parcelles. Le produit de cette vente est allé à différentes mosquées de la zone. Elles ont reçu des sommes tournant entre 1.000.000 et 1.500.000 francs. Quand on connait la relation fusionnelle du Lébou avec la terre, on comprend mieux la grandeur morale de cet homme. Il pouvait se faire beaucoup d’argent mais il a préféré investir dans le champ du Social en permettant à une dizaine de mosquées en construction d’achever leurs travaux. Zassou, en homme bon et au grand cœur, ne pouvait pas ne pas recevoir de son vivant l’hommage de ses pairs. En 1999, il a été élevé à la haute distinction honorifique dans le milieu lébou de Ndèye Ji Réew.

C’était en présence de feu Bassirou Diagne, grand Serigne de Dakar, de l’ancien ministre socialiste Alassane Dialy Ndiaye, des notables et hautes autorités coutumières. Que dire pour le mot de la fin ? C’est la lutte qui a révélé au monde Zassou. Ce sport de combat est resté une passion pour lui. Et ce témoignage qu’il a porté sur deux anciens grands champions vaut le détour: « Mbaye Guèye, Tigre de Fass, fut un lutteur impressionnant par son courage physique exceptionnel. Il croyait dur comme fer qu’il pouvait terrasser tout lutteur qui se présentait devant lui. Quant à Robert Diouf, il fut un technicien hors pair qui pouvait se sortir de toutes les situations désespérées, tellement il maitrisait toutes les arcanes de la lutte. »

 Dieu fasse, dans Son infinie bonté, que nous soyons tous là pour célébrer le centième anniversaire de Zassou, cet homme foncièrement bon pour lequel j’ai énormément de respect, d’estime et de considération.

Madi Waké TOURE
tmadi70@yahoo.fr







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