«Notre sort est lié à la mer.» Ainsi parle le président Macky Sall à l’inauguration de l’Ecole de la Marine nationale. Ce serait un bon sujet à l’examen de sortie de l’Ecole de Guerre. Il aurait permis aux officiers de réfléchir sur comment l’Angleterre, cette si petite terre sur une carte, a pu devenir la seule thalassocratie de l’histoire, avec un empire où le soleil ne se couchait jamais. La réponse est simple : grâce à sa marine. Cette marine qui a permis à l’Angleterre, lors de la guerre des Malouines, de se projeter sur des milliers de kilomètres pour aller battre l’Argentine qui revendiquait ces îles situées sous ses fenêtres, si l’on peut s’exprimer ainsi. La protection naturelle de la mer, le courage et le savoir-faire de sa marine ont toujours été le plus grand rempart pour la défense de l’île, qui n’a plus jamais connu d’invasion depuis les Normands de Guillaume le Conquérant.
Napoléon et encore moins Hitler ne réussiront à prendre pied sur l’île défendue par de vaillants marins comme l’Amiral Nelson, qui anéantit la flotte de Napoléon à Aboukir et ce qu’on appelait l’invincible Armada espagnole à Trafalgar, faisant de l’île la maîtresse des océans. Un pays en quête de puissance n’investit jamais à perte dans sa marine.
Si les Etats-Unis sont une puissance mondiale, c’est entre autres grâce à leur marine qui leur permet de se projeter n’importe où dans les océans du monde. Les Etats-Unis ont investi massivement dans leur marine quand ils ont eu une ambition mondiale, en passant de la «18e place après le Chili dans l’entre-deux guerres à la première place mondiale après-guerre», selon Kissinger dans son livre Diplomatie. Le sort de l’Angleterre a toujours été lié à la mer, ce qui fera dire à Winston Churchill que «chaque fois que nous aurons à choisir entre le continent et le large, nous choisirons le large». La dernière fois que l’on a demandé à l’île de choisir, c’était lors du Brexit et elle a choisi le large. L’Angleterre est une île et n’a donc que le large comme horizon. Pour le Sénégal, c’est le contraire, on a à la fois l’océan et le continent.
Macky Sall a partiellement raison de dire que notre sort est lié à la mer. Notre sort est lié à la mer pour des raisons historiques d’abord, parce que la colonisation est venue de la mer avec l’implantation de comptoirs et de villes dans les embouchures et sur la côte (les quatre communes : Gorée, Dakar, Rufisque et Saint-Louis), ensuite c’est devenu économique avec la concentration de l’activité économique et de la moitié de la population sur la côte, pour devenir enfin géographique avec la macrocéphalie de la région de Dakar. Macky Sall a partiellement raison parce que le Sénégal a le choix de regarder alternativement vers le large, comme l’Angleterre, ou vers le continent. Il faut le reconnaître, de Faidherbe à Macky Sall, la logique atlantiste a toujours été prédominante. Et les colons qui avaient lancé le chemin de fer Dakar-Niger étaient dans une logique plutôt continentale, parce qu’ils avaient compris que le Mali est le prolongement naturel du Sénégal sur le continent et le Sénégal, la porte océane du Mali. C’est pourquoi il faut saluer l’idée de Wade de construire un nouvel aéroport à Diass sur le continent, contrairement à Yoff sur la côte, et celle de Macky Sall de construire Diamniadio pour désengorger la côte et nous obliger à regarder vers l’intérieur.
L’Atlantique a été notre passé et est encore notre présent, mais notre avenir est sur le continent. Nous avons tous appris à l’école primaire que Dakar est la porte du continent, mais il faut ajouter la porte de l’Atlantique. L’autre porte qui nous ouvre le continent est Tambacounda. Notre sort est lié à l’Atlantique mais notre prospérité est consubstantiellement liée au continent. Houphouët Boigny l’avait tellement compris qu’il ne voulait pas que la «Côte d’ivoire devienne la vache à lait du Sénégal». Diamniadio et l’aéroport de Diass sont les premiers pas d’une logique continentale. C’est pourquoi Diamniadio ne doit pas seulement avoir pour ambition de désengorger Dakar. Elle ne doit pas être un terminus, mais le point de départ de l’axe Diamniadio-Tamba.