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Le LÂche Complot Contre La VÉritÉ

Une révélation du journal Le Quotidien dans son édition en ligne sur l’arrestation de rebelles dans Dakar, parmi lesquels Ousmane Kabiline Diatta, en prélude à la manifestation de la coalition d’opposition Yewwi askan wi (Yaw), a été à l’origine d’une énorme levée de boucliers et d’une polémique sans nom pour reprocher à ce journal d’informer sur des faits non avérés. 

Une telle révélation, confirmée quelques jours plus tard par le porte-parole du gouvernement sénégalais, M. Oumar Guèye, avant d’être le point principal d’une conférence de presse du procureur de la République, Amady Diouf, a valu au Quotidien tous les procès d’intention. Cette situation, aussi regrettable qu’elle puisse être, renseigne beaucoup sur l’arrivée, dans notre pays, d’une ère de post-vérité. 

Concernant les détracteurs du journal Le Quotidien, il faut se faire à l’idée similaire émise par Ray Bradbury sur les livres. Ce canard est vu comme le «fusil chargé d’à-côté» qu’il faut décharger pour battre en brèche l’esprit.

Les faits ne comptent plus, leur réalité est discréditée tant qu’ils ne répondent pas aux convictions et logiques de penser des individus. La «post-vérité», pour reprendre la philosophe Myriam Revault d’Allones, correspond à un état où «les faits objectifs ont moins d’importance que leur appréhension subjective». Un discours est considéré vrai ou faux par sa capacité à conforter les individus dans leur conviction, quelle que soit la réalité factuelle. 

Cette tendance a gagné la scène politique et les espaces publics un peu partout dans le monde, avec l’avènement des vagues populistes dont Donald Trump est le symbole parfait. Les interprétations ont le dessus sur les faits vécus, le discours politique ne se vaut que par sa qualité à faire appel aux émotions et ressentis qui priment sur les faits. Ce qu’on a vu au Sénégal, avec l’arrestation de rebelles avant la manifestation du 8 juin de Yaw, constitue un exemple patent d’une valorisation des opinions sur la réalité. Toutes les entreprises sont bonnes pour distordre une vérité qui n’arrange pas ou qui dérange, conduisant à une posture dans laquelle on a du mal, en société, à s’accorder sur ce qui est vrai ou faux.

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Les individus sont cloisonnés dans des espaces ou caisses de résonance reprenant le discours auquel ils adhèrent. Ainsi, le sens commun, à partir duquel une société repose, se perd et on laisse émerger des îlots de faits alternatifs. On tue le principe de «pitié» chez Rousseau, assimilable à une forme de «décence commune» à partir de laquelle les rapports sociaux sont structurés sur la base du réel et du faux. Les nombreuses sorties de politiciens et de médias pour tenter de discréditer l’information sur les rebelles appréhendés sont des classiques dans la transformation des vérités dérangeantes en «opinions», bien que leur ancrage sur des faits avérés ne souffre d’aucun doute. On va préférer se mentir, refuser d’accorder du crédit à ce qui est dit, que de confronter les vérités de face. 

La sortie du coordonnateur du Forum civil, Birahim Seck, dans la foulée de cet événement, pour se faire promoteur d’une novlangue prohibant l’usage du mot «rebelle», atteste à juste titre de notre basculement dans un monde d’interprétations qui dissout la vérité objective et tangible comme principe. Par quel autre mot peut-on qualifier Ousmane Kabiline Diatta, un ennemi domestique du Sénégal, qui ne le refuse pas ? On ne peut interdire à des politiciens d’user de la langue à la manière qui leur sied, car l’exercice continu de la politique ne s’encombre pas de la recherche de la vérité. 

Toutefois, voir des pans entiers d’une société tenter de rendre inopérant le discours vrai, pour ne pas froisser leurs convictions, est symptomatique d’un avènement de réalités alternatives. Le Sénégal est arrivé au stade où des «îlots de réalités» contraires, voire antagonistes, cohabitent dans l’espace public. 

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La jonction est dure à trouver entre tous ces mondes alternatifs. Pour preuve, tous les débats publics virent aux invectives, injures, menaces et postures radicales. Un tour sur les réseaux sociaux des différentes coalitions politiques du pays ou des médias montre une fragmentation des opinions et réalités perçues par les individus de ce même pays qu’est le Sénégal. Il est assez dramatique que l’émotion ait pris le dessus sur la raison dans le discours public et la marche de notre pays, mais il est davantage plus regrettable que la vérité perde son sens ou qu’elle ne soit plus partagée. 

La propension à crier partout au complot est caractéristique de notre pays à chaque révélation majeure sur la vie de la Nation. Le vrai complot est celui contre la vérité, auquel toute la société contribue par passivité, voire par lâcheté. Le ministre de l’Intérieur, Antoine Diome, avait été conspué pour avoir souligné l’infiltration des évènements de mars 2021 par des forces occultes. On dirait qu’on n’aura pas appris grand-chose de nos ides de mars en matière de vigilance sur les questions de sécurité nationale, au vu de ce dernier épisode. Il serait bien que tous baissent leurs œillères pour regarder la vérité en face. A défaut, notre pays est à l’image d’un motard embarqué dans une course folle, pris du syndrome de «tunnel vision». 

Rivé sur son guidon, ne voyant qu’une échéance politique majeure, en perdant de vue tout ce qui l’entoure. Sa chute peut être fatale.

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