Que va-t-il se passer au Sénégal, ce vendredi 17 juin ? Nul ne sait. Sauf à avoir le génie de lire dans une boule de cristal. Génie ? Laissons plutôt la voyance aux voyants. Parlons des faits : le préfet de Dakar a interdit la manifestation de ce jour. Yewwi Askan Wi a décidé de la maintenir. Les opposants ne sont pas convaincus par les arguments de l’administration motivant sa décision par « des risques de troubles à l’ordre public » et « une violation de l’article L.61 du code électoral ». Un dialogue de sourds s’est installé. Quand l’un des protagonistes, le préfet en l’occurrence, appelle au respect de la loi, l’autre, comprenez la coalition YAW, renvoie, elle aussi, son interlocuteur au respect… de la loi. Et pourtant, chacune des parties le sait : la même loi ne peut pas dire une chose et son contraire. La vérité est que de part et d’autre, les acteurs de la scène politico-administrative ne s’entendent sur presque rien.
« Nous manifesterons avec ou sans autorisation », défie sans trembler Yewwi Askan Wi. Et pour faire chorus dans l’escalade verbale en attendant l’épée et le sang : « On a la loi avec nous, on a la justice avec nous et on a l’autorité avec nous », lance sans ciller un responsable de la majorité, Benno Bokk Yakaar. C’est clair maintenant comme l’eau de roche. Ils s’amusent à se faire peur. Ils ont fini par semer la peur dans la cité. Manifester ou ne pas manifester. Ce qui aurait dû être une banalité dans une démocratie est devenu un sujet de friction. Or une démocratie sans démocrates est une fiction. Une république sans républicains est une illusion. Les études sociologiques et de science politique nous aident à comprendre. En effet, elles arrivent toute à la même conclusion : l’accès aux ressources est un enjeu majeur dans la lutte pour la conquête et la conservation du pouvoir. En est-on arrivé, dans notre pays et chez nos politiciens, à ce stade suprême de l’égoïsme par opposition au patriotisme ? Le tout pour moi et rien pour l’autre a-t-il pris le dessus sur le don de soi, l’altruisme ? Des questions légitimes au regard du jusqu’au-boutisme dont fait preuve la classe politique.
Loin du vacarme attendu à Dakar, le Sud du pays devait polariser les attentions avec l’arrivée du chef de l’Etat à Kolda. Bien dommage que cette visite ait été reportée au motif du respect de la période de précampagne et pour éviter toute accusation de campagne électorale déguisée. Permettez-nous d’objecter que l’agenda du président de la République ne doit pas souffrir des aléas électoraux. Et d’ailleurs, n’étant pas candidat, sa visite aurait été une bonne occasion d’être au contact du pays profond. Les Koldois sont bien sénégalais. Imaginons le scénario qui aurait pu être écrit ce 17 juin : l’opposition à Dakar, le pouvoir à Kolda.
Vol, viol, violence, offense, rébellion, insurrection… Toutes les armes, conventionnelles comme non conventionnelles, sont utilisées dans la bataille. La fin justifie les moyens. Ôte-toi de là que je m’y mette !
A l’image de la lutte avec frappe, ce sport bien de chez nous, les hommes et femmes politiques du pays se sont transformés au fil des années en promoteurs de l’insulte et de la haine avec comme conséquence, la mort. Les 14 jeunes tués dans les émeutes de mars 2021 en sont la preuve. Qui se souvient encore de ces pauvres victimes de la bêtise des vivants ? Personne. Au contraire, la danse du Scalp se poursuit. Gaiement et allègrement. Jusqu’aux prochains sacrifices humains ? Fatalement, si la retenue n’est pas au rendez-vous. Il n’y a qu’une chose à faire pour que le scénario du pire ne se réalise pas : le respect du jeu démocratique.