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Le « concert de casseroles » appelé par Ousmane Sonko pour protester contre la politique du régime actuel, s’est tenu mercredi sur l’étendue du territoire national. Rivalisant de créativité et d’ardeur, des percussionnistes composé de jeunes gens et jeunes filles mais aussi de pères et de mères de famille ont envahi l’espace public un laps de temps, accompagnés de klaxons, de sifflets et divers autres instruments sonores et laissé libre cours à l’expression de leur désaccord avec la politique du Président Macky Sall en matière d’emplois et de baisse du coût de la vie.

Ainsi, d’une manifestation pour la réhabilitation des candidats écartés de la course aux suffrages populaires, on est passé à une autre centrée cette fois sur les conditions de vie actuelles des populations. Gageons que les manifestations à venir seront du même ordre en termes de revendications, ce qui va beaucoup compliquer la tâche au Président du pays. La hausse des prix de produits alimentaires de base enclenchée depuis la crise du Covid et qui se poursuit avec le conflit géopolitique actuel en Ukraine, est en effet rude, voire insupportable pour les populations.

Pour cause, en cinq mois, les prix de l’huile, du pain, du sucre, du café, du lait, de la farine, de la tomate etc. ont augmenté, participant à la dégradation du pouvoir d’achat des Sénégalais faute d’indexation de leurs revenus sur l’inflation ou de subventions suffisantes pour maintenir le pouvoir d’achat. De surcroît, la campagne agricole d’hivernage, source de sécurité alimentaire pour les populations rurales, est menacée par le déficit d’engrais en provenance de Russie et d’Ukraine.

Bref la conjoncture économique est loin d’être favorable au pouvoir du Macky Sall. Cette situation, qui n’est pas propre au seul Sénégal, pose fondamentalement le problème des plans de développement des pays d’Afrique conçus dans le cadre d’une insertion au marché mondial par le biais de l’exportation en l’état brut de nos matières premières, et de la couverture de nos besoins en produits alimentaires par l’importation et non par le développement agricole. C’est ce schéma qui a « corseté » l’Afrique depuis les indépendances, dans des budgets nationaux inopérants pour le développement d’infrastructures, parce qu’insignifiants, faute de valeur ajoutée suffisante dans les produits d’exportations. Emerger économiquement dans ces conditions est une gageure.

En Afrique, la satisfaction des besoins de nourriture, de santé, d’éducation des populations, d’emploi des jeunes est peu couverte. Les revenus tirés de l’exportation des matières premières ne génèrent pas suffisamment de recettes pour alimenter les budgets sociaux et créer ou susciter la création d’activités génératrices d’emplois pour les jeunes. Au plan démographique, l’Afrique, c’est 15 % de la population mondiale mais paradoxalement elle ne participe qu’à hauteur de 2,6 % d’un commerce mondial d’où est retirée l’essentiel de la richesse des nations.

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Le défaut d’une approche d’ensemble du développement économique du continent y est pour beaucoup. Il s’explique par la stratégie de balkaniser le continent pour mieux le diviser et exploiter ses richesses au gré des intérêts des grandes puissance et de leurs multinationales. Pourquoi acceptons-nous encore de croire à des plans de développement économique à l’échelle de micro-Etats pour la plupart, sans ressources financières et humaines permettant de faire face aux besoins de transformation des richesses du sous-sol dont la plupart des Etats sont pourvus ? Pourquoi autant de plans d’émergence que de micro-pays ?

 Le Sénégal a longtemps été considéré comme un pays pauvre, dépourvu de ressources minières, hormis le phosphate. D’un jour à l’autre, on y a découvert de l’or, du gaz, du zircon, du fer, de l’uranium, du pétrole et du gaz. Du coup, le pays devient riche potentiellement, la condition nécessaire étant la valorisation de ces produits à leur juste prix. Qu’est-ce qui donc empêche cette valorisation ? A cette question, il nous est répondu que le pays n’a ni la technologie, ni les ressources humaines et encore moins les ressources financières pour les exploiter et les transformer.

On ajoute que, dans cette configuration, il était préférable de se spécialiser dans la perception de rentes et laisser les multinationales rompues à l’exploitation minière, prendre les risques et faire au mieux. C’est dans cette configuration que le Sénégal a exporté son or vers la Suisse pour une valeur de 115,756 milliards de Fcfa pour la période de janvier à Avril 2022, (statistiques du commerce extérieur de juin 2022 de l’ANSD) soit près de 83 % du total des exportations du Sénégal en direction des pays de la communauté européenne (139,135 milliards de fcfa sur la même période).

Le phosphate, transformé en acide phosphorique, composante de la fabrication d’engrais et utilisé dans l’industrie, est exploité par des privés indiens et exporté en totalité vers leur pays. Il en va de même pour le pétrole et le gaz déjà évoqués dans de précédentes contributions. Aujourd’hui, la configuration géopolitique change. L’Afrique est convoitée par les puissances traditionnelles d’Europe et les Etats Unis, mais également par les puissances émergentes dont la Chine, l’Inde, la Russie, la Turquie etc.

Pas de salut économique pour les Etats africains sans politiques économiques créatrices d’emplois !

Le premier conflit majeur d’Europe depuis la 2ème guerre mondiale entre la Russie et l’Ukraine a entraîné une série d’effets mettant à mal le système productif, monétaire, logistique et commercial en vigueur dans le monde depuis la chute du mur de Berlin. Devant le désordre mondial actuel devant accoucher, si l’on se fie aux signes annonciateurs, d’une configuration économique mondiale bi- polaire dans laquelle l’Afrique est appelée à participer, la réflexion doit être urgemment enclenchée pour rompre d’avec son rôle traditionnel de pourvoyeur de matières premières et d’acheteur de produits finis.

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En se fiant aux déclarations des dirigeants chinois et russes, la création d’un système alternatif commercial, monétaire, logistique serait imminente. Avec les sanctions infligées qui lui sont en matière de transactions commerciales, la Russie vend aujourd’hui son pétrole à l’Inde et à la Chine, et réorienterait son commerce extérieur vers ces deux pays. Au regard de la situation économique actuelle de l’Europe, et par conséquent de l’euro, cette réflexion s’impose aux décideurs et aux spécialistes des questions économiques et monétaires.

La guerre russo-ukrainienne et, avant elle, la pandémie du Covid sont à l’origine d’une inflation sans précédent en Europe avec comme conséquence des tensions sur la monnaie commune, l’euro, du fait de l’endettement public des pays européens du Sud et de divergences dans les politiques monétaires à mettre en œuvre pour le maintien de la valeur de l’euro principalement face au dollar.

Les mesures drastiques de restrictions budgétaires envisagées par la Commission européenne pour contenir une inflation galopante (8 % actuels pour une limite de 2% à moyen terme) peinent à être appliquées, en raison des tendances souverainistes des populations qui se manifestent par les suffrages obtenus par les partis prônant peu ou prou la sortie de l’Europe.

 L’euro étant ainsi fragilisé par les atermoiements sur la politique monétaire à appliquer, que risque de devenir le FCFA auquel il est lié ? Des voix autorisées n’excluant pas l’éclatement de l’Europe, donc de la zone euro, quel sort sera réservé au Franc CFA ? Quid des réformes en préparation au niveau de la CEDEAO et de l’Uemoa ? Autant de questions qui interpellent les Etats, la BCEAO, ainsi que les économistes monétaristes !

La remarque que l’on peut faire sur le comportement des économies des pays ayant en commun le Fcfa est que les chocs exogènes du Covid et du conflit russoukrainien n’ont pas nécessité l’utilisation des taux directeurs par la BCEAO pour contenir l’inflation, comme c’est le cas pour les banques centrales européennes.

L’inflation dans nos pays est généralement d’origine externe et, par conséquent, non générée par le fonctionnement à l’interne de l’économie. L’extraversion de nos économies est telle que les instruments financiers de politique monétaire, comme les taux directeurs de la BCEAO servant de base aux taux d’intérêts pratiqués par les banques, ont peu d’effet sur le volume du crédit distribué à la clientèle.

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La hantise de la crise bancaire des années 80 a généré une réglementation stricte imposant aux banques des normes de prudence réprimant ce type de crédit. En revanche, le marché financier a été ouvert aux Etats via les bons du Trésor et les obligations d’Etat pour la réalisation d’infrastructure set la couverture de leurs besoins de fonctionnement. Ces titres d’Etat refinancés ou rachetés en cas de besoin par la Banque centrale ont été prisés par les banques du fait leur sécurité et leur liquidité contrairement aux obligations d’Etat et autre bons du Trésor prisés par les banques en raison de leur solvabilité et de leur liquidité. La tendance répressive du système bancaire vis-à-vis du crédit aux PME bloque le développement du tissu économique de nos pays.

L’Afrique, le Sénégal en particulier ne peut « s’en sortir » sans la mise en œuvre de politiques économiques créatrices d’emploi. Les changements à venir dans le système actuel de production et de commercialisation au niveau mondial, les divers systèmes monétaires en voie de création (autour du yuan, de la roupie et du rouble) ou en voie de restructuration dans la zone euro, vont reposer la question de la réforme du Fcfa ou de son abandon en fonction des perspectives communes de développement des états concernés. Il est communément admis aujourd’hui que l’Afrique ne peut plus exporter ses matières premières sans transformation.

Le système actuel crée du chômage et de la pauvreté dont les « filets sociaux » ne peuvent combler les effets. La stabilité du Franc Cfa via un taux d’inflation minimal a toujours été de mise dans la zone, sans qu’elle n’ait impulsé le développement économique par un soutien des banques aux entreprises naissantes évoluant dans des secteurs de croissance ou créatrices d’emploi. Le paradigme d’une stabilité monétaire sans effet sur le développement du tissu industriel et la création d’emploi doit être revu.

La création et le développement d’industries de transformation doivent être encouragés. L’innovation doit être promue dans le sens de la création d’instruments financiers en faveur de la création et du développement par les jeunes de PME africaines. L’accès des start up africaines au marché financier doit être facilité au même titre que cela l’est pour les Etats dans le cadre du marché des titres publics.

Le desserrement du crédit par les banques commerciales pour financer l’entreprise, en particulier les PME, devrait , à notre sens, passer par l’adoucissement des normes prudentielles appliquées aux banques, et le découragement des banques à privilégier les produits de trésorerie générés par l’acquisition de titres publics au détriment des crédits à la clientèle privée.







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