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Le Verbe Irresponsable De La Division

Le maire de Ziguinchor, Ousmane Sonko, a profité d’une cérémonie de présentation de condoléances à des familles de victimes des manifestations interdites du 17 juin 2022 à Bignona pour théoriser que «Macky Sall a un problème avec la Casamance et les Casamançais». Le premier magistrat de Ziguinchor a évoqué une stigmatisation à l’égard de nos compatriotes de cette région et de son groupe ethnique d’appartenance. Le propos en plus d’être irresponsable, tendancieux et surtout germe de division, en dit beaucoup sur la logique discursive qui anime nos personnalités politiques. On cherche par le verbe à convaincre, délégitimer les rivaux et se légitimer en prenant la parole tout en se fichant royalement des dommages d’une sortie irresponsable. Ce n’est pas son premier coup de glotte assassin sur de supposés sentiments peu nourris du président de la République à l’égard de la Casamance, donc on n’est guère surpris. Si par contre, le projet du maire de Ziguinchor était par son discours, de mettre à mal la Casamance et le premier Sénégalais, il s’est davantage présenté comme un piètre politique et un militant du chaos malgré toute la logique de défense abjecte mise en place par les éternels nihilistes, peinant à voir au-delà de l’adversité politique, le gouffre moral et l’anti-républicanisme sans limite dans lesquels ils s’enlisent. A l’exception du Forum du justiciable, la Société civile sénégalaise se targuant d’être la militante active de l’unité nationale et de l’inclusion républicaine, est bien aphone !

La parole d’un maire est tant représentation qu’incarnation. Sa voix dans l’espace public est la représentation de communautés et de terroirs, son verbe est doté d’une légitimité conférée par des suffrages exprimés toute la durée de son mandat d’élu local. S’il peut se permettre de parler et d’avoir une voix audible et une parole en surplomb, c’est parce qu’il est mandaté par des gens pour faire de tel, en leur nom. C’est dans une telle logique de sacralité de la parole politique que l’irresponsable sortie du député Aliou Dembourou Sow de l’Apr, avec des relents ethnicistes, avait été condamnée de vive voix dans tout le Sénégal pour la menace représentée à notre vivre-ensemble. On se rappelle encore de la verve de nos bons censeurs de la Société civile sur ce dossier ! La parole d’un élu ne doit pas être vendangée, travestie ou détournée en usant de mécanismes de division ou en convoquant toutes les trames de l’ethnicisme, du communautarisme et du régionalisme dans une République unie dans la diversité. On ne peut pas pardonner à Ousmane Sonko son propos irresponsable, séditieux et moteur de haine. Il peut penser qu’il fait mal à un adversaire qui a atteint le stade d’ennemi politique, mais il heurte tout un pays dans ce qu’il a de plus cher : son unité. Peut-être que par sa déclaration, sa logique de fabrication d’un ennemi arrive à maturation.

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Ce projet d’une fabrication d’ennemi afin de pouvoir le tuer avec pleine conscience est à déconstruire sous toutes ses coutures. Le chercheur Pierre Conesa a pu démonter tous les mécanismes par lesquels la création d’un ennemi sur mesure est faite pour justifier toute l’hostilité et l’adversité à l’égard de ce dernier. L’ennemi est la denrée la plus courue en politique aujourd’hui, on vit par lui. Le schéma entrepris à travers le discours du maire de Ziguinchor épouse les contours de la fabrication d’un ennemi qui répond «à un besoin social». Il y a une nécessité de dresser une altérité qu’il faut «noircir et rendre menaçante» pour que l’usage de la violence et tous les excès face à lui soient légitimes, en cas de confrontation. Quoi de mieux que de convoquer l’ethnicisme et le régionalisme dans ce sordide procédé ! Il faut mettre à dos toute une région et ses populations face à une personnalité politique. Les éléments sont bien disponibles, il faut les mettre en place et laisser la mécanique opérer. L’ennemi a un nom, c’est le Président Macky Sall. Le théâtre est la région de Casamance, éprouvée pendant plusieurs décennies par un conflit qui a fini d’exaspérer et de saigner le Sénégal dans toutes ses couches. La hantise de la persécution et de l’ostracisme est dans tous les esprits, réveiller les peurs enfouies des masses fera mouche et renforcera le sentiment d’hostilité. Les populations de Casamance, par un discours fallacieux, sont appelées à se voir comme les victimes de cet «ennemi intime». La voix légitime, en l’occurrence le maire de Ziguinchor, a fini de se dresser comme rempart face à son ennemi tout créé avec la complicité de nous tous. Bonjour les dégâts !

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Sénèque s’interrogeait sur les progrès des «gens à l’âme méchante, dont les erreurs vont toujours en croissant» qu’il ne distinguait guère des enfants à l’exception de leurs attributs physiques. Le progrès de ces âmes au Sénégal se lit comme la formation d’une graisse tendre faite d’insolence, d’irresponsabilité et d’irrévérence dont ils ne cessent de s’enduire et de jeter à toutes les figures pourvu que leur projet ultime se réalise. Ils brillent fort un moment, mais leur lustre finira par les perdre. La «garderie d’adultes» qu’est la scène publique sénégalaise, pour reprendre le mot du journaliste Ibou Fall, a encore de longs jours devant elle si on se permet de jouer avec des cordes aussi sensibles pour du gain politique. Il n’y a plus de doute à se faire, le damné de Satan s’est bel et bien libéré des enfers, il se pavane dans Salem et crie tout haut, dopé par les acclamations de sa suite de sorcières et la passivité de toute une élite politique, intellectuelle, économique et religieuse. Pauvre Sénégal !







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