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Les Institutions FinanciÈres Internationales, Les Etats Africains Et L’afrique

Le directeur de Département Afrique du FMI a entrepris une tournée sur le continent à l’effet de s’enquérir sur le terrain de l’état des économies africaines touchées par les chocs exogènes du Covid et de la guerre en Ukraine.

Au terme de cette tournée, M. Selassié a tiré des conclusions et formulé des recommandations sur lesquelles nous souhaiterions nous attarder quelque peu, en nous adossant bien entendu au rôle que ce partenaire joue depuis près d’un demi-siècle auprès de nos gouvernants en matière de conseils de politiques publiques et de financement des besoins à court terme de notre économie. « Le FMI n’a jamais été aussi engagée pour l’Afrique » a-t-il soutenu d’emblée.

Au regard de la situation actuelle, nous pensons qu’il aurait été mieux indiqué de parler de l’aide du FMI aux Etats africains pris individuellement, plutôt qu’à une Afrique dont nous appelons de tous nos vœux l’intégration économique de ses composantes. L’aide aux Etats a souvent abouti à une sorte de sédimentation de la dette.

Hélas, malgré les importants concours financiers du FMI et de la Banque mondiale durant près d’un siècle, les bilans des Etats africains sont en deçà des attentes, pour ne pas dire peu reluisants, en termes de développement économique.

Faute de pertinence dans les emplois des ressources empruntées, et du fait de l’exigüité des marchés intérieurs, les Etats bénéficiaires finissent généralement par demander des annulations de dette pour réenclencher un nouveau cycle. Cela a été le cas après l’initiative PPTE (Pays pauvres très endettés). C’est le cas actuellement après le COVID.

L’aide ou l’investissement en faveur du continent en tant que tel, ne devrait être évoqué que lorsqu’il s’agit de programmes communs d’infrastructures de désenclavement, de promotion du marché régional, de création de monnaie, d’éducation, de formation ou de politique de santé.

L’une des principales causes de l’inefficience des prescriptions des institutions de Bretton Woods tient, selon nous, à l’absence de viabilité économique de la majorité des Etats africains dont les produits arrivent sur un marché mondial où les prix leur sont imposés, parce que formés en dehors d’eux.

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L’échange inégal amplifié par le peu d’envergure de nos Etats, donc de nos productions respectives, a été décrié par tous, de Léopold Senghor (détérioration des termes de l’échange) aux tenants de la théorie de la dépendance (Samir Amin, Ander Gunder Frank etc..).

Toutes les organisations africaines créées depuis près de 50 ans pour unifier le continent, en particulier sur le plan économique, se sont avérées inefficaces faute de volonté politique des chefs d’Etat, aidés en cela par un certain désintérêt des populations.

Jaloux de leurs prérogatives et sidérés par l’étendue de leurs pouvoirs s’apparentant à ceux des rois d’avant, les chefs d’Etat post indépendance ont vite fait de ranger dans les tiroirs les rêves de leurs prédécesseurs tels que Kwamé Nkrumah du Ghana, Namdi Azikiwe du Nigeria, Jomo Kenyatta du Kenya etc.

Nous devons à la vérité de dire que les pères du NEPAD à savoir Abdel Aziz Bouteflika, Thabo Mbéki, Hosni Moubarack, Olusegun Obasanjo et Abdoulaye Wade se sont lancés dans la direction de l’intégration économique. Cependant, malgré les promesses faites à ces dirigeants lors du sommet du G8 de Gleneagles en 2008 et la création de structures dédiées comme le PIDA avec l’implication des banques africaines de développement (BAD) dans l’exécution, les choses sont restées en l’état.

L’idéal aurait été que des structures comme la CEDEAO ou l’UA, accompagnées par les banques de développement africaines (BCEAO, BAD) et vigoureusement soutenues par les bailleurs de fonds, puissent initier et réaliser des projets d’infrastructures de désenclavement financées avec la garantie des Etats riverains.

A notre connaissance, parmi les projets d’infrastructures de désenclavement identifiés par le NEPAD, seul le projet de développement de l’autoroute du « corridor Abidjan – Lagos » est en voie de réalisation.

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Longue de 1 028 kilomètres et devant relier les capitales de cinq États d’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Ghana, Togo, Bénin et Nigéria), elle a pour objet de «promouvoir le commerce transfrontalier, d’intégrer les économies au sein de l’espace CEDEAO, de réduire les coûts de transport, de stimuler le commerce interrégional et de renforcer l’intégration régionale en Afrique de l’Ouest. Last but not least, cette infrastructure routière doit contribuer à accélérer la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf)».

En définitive, contrairement aux dires du représentant du FMI, les Etats africains ne sauraient être « l’Afrique », faute d’homogénéité de l’espace, de libre circulation des biens et des personnes, d’infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires, ferroviaires, reliant les uns aux autres.

Vers un nécessaire désenclavement infrastructurel du continent

Toutefois, il semblerait que l’idée du nécessaire désenclavement infrastructurel de l’Afrique continue à faire son chemin. « Avec les partenaires du G7, nous visons à mobiliser 600 milliards de dollars, d’ici 2027, pour des investissements mondiaux dans les infrastructures », vient de déclarer la Maison Blanche pendant le sommet du mois de juin du G7 à Elmau. D’aucuns ont commenté cette annonce en ces termes : « C’est pour répondre aux projets portés par la Chine en Afrique, et à l’intérêt accru de la Russie pour le continent ».

En effet, faute de fluidité dans le transport africain, quelle efficacité attendre de la Zlecaf si les marchandises restent encore en souffrance, en proie à la qualité des routes et aux tracasseries administratives aux frontières ?

Si le Mali a absorbé 20 % des exportations du Sénégal en 2021, c’est bien parce qu’il est relié à notre pays par la route et le chemin de fer ; par conséquent, investir dans l’amélioration de l’état de la route et du chemin de fer vers ce pays est autrement plus profitable en termes de croissance et d’emplois que la réalisation d’infrastructures de transport à portée locale.

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C’est la libération du marché africain de ses entraves en matière de circulation de biens qui permettra d’enclencher un processus d’accumulation primitive et « densifier » à terme le tissu économique africain.

Pour conclure, citons quelques conclusions d’un rapport intitulé « Des infrastructures de qualité pour l’Afrique du 21ème siècle », élaboré à la demande de Nana Akufo-Addo, président du Ghana, par l’OCDE, le Centre Africain pour la Transformation Économique (ACET) et l’AUDA-NEPAD : « En 2050, l’Afrique comptera 2.5 milliards d’habitants, soit près de deux fois plus qu’aujourd’hui. Face à ce bouleversement, le continent doit de toute urgence accélérer la construction d’infrastructures (routes, ponts, réseaux d’énergie, ouvrages hydrauliques, réseaux numériques, etc.) tout en veillant à leur qualité », selon un nouveau rapport publié par le Centre de développement de l’OCDE et en partenariat avec, Agence de Développement de l’Union Africaine.

Les modèles économiques habituels de réalisation de projets n’ont pas réussi à fournir les services d’infrastructures que requiert la dynamique de la croissance démographique et de l’urbanisation à l’œuvre en Afrique. Trente voire quarante années peuvent s’écouler entre la conception et l’achèvement d’un projet élémentaire, au terme desquelles les infrastructures mises en place ne correspondent plus aux besoins de la population et de l’économie.

Cela suppose de remédier aux lacunes des deux principales approches des partenaires financiers et techniques des pays africains : celle qui vise à aider à renforcer le cadre institutionnel parallèlement à la construction de l’infrastructure, et celle qui a pour objet de développer les infrastructures rapidement, la mise en place des institutions étant considérée comme une question locale et évolutive » (fin de citation).







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