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Cautions

La scène politique du Sénégal s’anime. En une semaine, deux faits majeures ont jailli pour donner de l’éclat à un échiquier qui pâlissait à vue d’œil.

La sortie de Khalifa Sall à Emedia et Ousmane Sonko, reçu par Emballo, président de Guinée-Bissau. Les deux images presque concomitantes, même si leur simultanéité ajoute de l’effet, bouleversent quelque peu, les données politiques en cours.

Dans un fringant habillement de jeune branché, Khalifa Ababacar (auquel il tient, utile précision) apparaît pour la première fois dans les lumineux studios de iTV au siège de E-Media. Il était jovial, détendu, souriant, mordant, taquin même par moment, allant jusqu’à s’excuser d’être moins conventionnel alors que le rendez-vous s’avère solennel.

Il retrouve des visages familiers. Invité de « L’Entretien Spécial » qu’ animent Antoine Diouf et Khalifa Diakhaté sur iRadio et iTV donc, il livre le fond de sa pensée politique, décortique une récente actualité, donne des clés de compréhension d’une série d’actes posés et entrevoit une perspective inédite avec un rôle pivot taillé pour lui.

Sans détours, il a mené la « bataille », sabre au clair, s’offrant même le luxe de convoquer le passé pour railler le présent et donner des gages pour un futur d’affirmation.

En clair, Khalifa Sall a changé pour rester le même sur fond d’une analyse percutante des enjeux politiques avec une habileté non feinte qui montre le nouveau visage de l’ancien ministre et ancien Maire de Dakar. Il récuse d’être « faiseur de roi » quand Antoine Diouf l’accule et se révèle d’une étonnante pugnacité pour s’affirmer, sans l’ombre d’une hésitation dans un « je aimable » en « roi à faire ».

En clair, que personne ne compte sur lui pour « jouer les seconds rôles » à la Poulidor alors qu’en politique tout peut être déterminant, la conjoncture, les circonstances, les forces, les faiblesses, les failles, les acteurs, les facteurs, le mental, le détail et…la chance.

Il a l’avantage d’être le grand frère écouté voire entendu dans son spectre politique sur lequel naviguent de jeunes loups aux dents longues.

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L’arrivée du Nouveau Khalifa doit s’apprécier à cette aune. Il fait tout pour qu’il en soit ainsi. Il raréfie son discours pour permettre à l’opinion de bien mieux le digérer.

Enfant biberonné au socialisme et bourré d’expériences tant dans le parti senghorien qu’au sein de l’appareil d’État, il sait que le temps politique ne se livre pas aisément. Pas plus qu’il ne se délivre ni ne se dénoue facilement. La patience, voilà le socle des réussites par une agrégation de gains et de passifs le long d’un parcours jalonné d’aléas.

Le sien propre en est un exemple. Apprenti dans les épreuves de vie, le voici à l’âge mature, tacticien, stratège, prospectif, économe et redoutable polémiste lorsque les circonstances le dictent.

Feint-on de l’ignorer qu’il se rebiffe avec subtilité pour étouffer les rodomontades. Oublie-t-on qu’il est un acteur de premier plan et non un spectateur, il déjoue les grossièretés et devient l’ultime recours en cas de nécessité absolue pour sortir son camp d’une impasse si ce n’est d’une mauvaise passe.

L’invalidation de la liste titulaire de son alliance constitue une erreur, donc une responsabilité qu’il s’impute et assume sans autre forme de procès. Néanmoins, la lucidité aidant, il parvient à convaincre ses alliés qu’en élection la « politique de la chaise vide » est inopérante, inefficace voire même contreproductive.

D’aucuns chuchotent que les suppléants l’adoubent puisqu’ils voient en lui le « sauveur » pour avoir évacué toute idée de boycott des prochaines législatives dont la campagne a démarré en trombe ce week-end précédent.

Plus de cinquante ans de vie politique active, cela forge un homme qui plus est de l’opposition pour introduire une dose de nuance (et de mesure) dans ses propos (surtout ceux tenus en public) et ne jamais se départir de sa lucidité pour cerner les enjeux et les forces connues et certainement méconnues.

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Parfois, le sourire narquois qu’il affiche en dit long sur la gravité des situations, la naïveté des hommes et la puissance insoupçonnée (à ses yeux) de l’État et de ses incarnations. Comment dès lors va-t-il survivre face aux écueils, aux obstacles, connaissant son intrépidité devant les dangers ? Son habileté en politique entre en ligne de compte

Cette invite à plus de clairvoyance a-t-elle été bien acceptée par Ousmane Sonko, son allié dans Yewwi Askan Wi et non moins leader attitré du Pastef ?

Il a été reçu jeudi dernier à Dakar par le Président Umaru Sissoko Emballo. Lequel agissait également en sa qualité de président en exercice de la Cedeao. Ainsi, il avait prévenu son homologue Macky Sall de son intention de recevoir l’opposant sénégalais Sonko à sa demande.

Macky n’objecte pas. Et Sonko le sait. En outre, il découvre petit à petit les vertus du système, au demeurant incontournable, au niveau régional notamment.

Il épouse la logique du réalisme et comprend mieux maintenant (et de plus en plus) que la géopolitique imprègne les questions domestiques.

Peu importe les démarches entreprises par les uns et les autres pour s’attribuer les mérites, l’essentiel est ailleurs.

La décence voudrait que leurs auteurs plutôt que de se précipiter sous les lambris des médias, daignent garder le silence. Autres temps, autres mœurs…

Combien d’événements tragiques ont été déjoués dans ce pays sans que les artisans ne l’ouvrent bien des décennies plus tard. Mais l’empressement des acteurs d’aujourd’hui n’est qu’un indicateur muet des impatiences qui nous gouvernent.

Le jeune Sonko donc, pour revenir à lui, sait que Bissau a, historiquement, une influence notable sur les événements déterminants dans le sud.

Rien de ce qui se passe en Casamance n’est étranger au voisin bissau-guinéen. Il partage avec notre pays bien des complicités et des intelligences pour être négligé dans la recherche de solutions viables et pérennes.

Dans une approche géostratégique, Ziguinchor dont il est le maire doit nourrir une ambition nodale de hub pour capter toutes les opportunités d’émergence en phase avec la stratégie nationale d’expansion du Sénégal.

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Cette vision, Sonko devrait la faire sienne et par ce biais, se rapprocher du Président de la République, Macky Sall, pour ne pas le nommer, qui doit, lui aussi, davantage s’ouvrir au remuant opposant au nom des intérêts supérieurs de la nation sénégalaise.

À eux deux (et à tous) d’agir ensemble pour l’aspiration du flanc sud à l’éclosion de ses vrais atouts. Chacun d’eux gardant avec justesse sa trajectoire, sa personnalité et son caractère, tout en se montrant disposé à transcender les égos au grand bonheur de la fierté nationale. Là aussi les circonstances et la conjoncture le dictent amplement.

La donne géopolitique reste invariable. En revanche, la modification des règles de jeu est du ressort de dirigeants clairvoyants. A eux de construire dans la durée des dynamiques progressives en posant des actes qui, plus tard, plébiscitent leur passage aux affaires à tous les échelons de responsabilité. Tous les pouvoirs sont finissants. Être tête de file de l’opposition est aussi un pouvoir envié y compris dans son entourage immédiat.

De récents propos du leader du Pastef, mêmes sortis de leur contexte, comme semble le préciser Khalifa Sall ne plaident pas en faveur de la concorde nationale. Face aux épreuves et devant des assistances affligées, un dirigeant doit avoir des nerfs solides et ne pas envenimer des situations déjà complexes, délicates et emmêlées.

Embalo sert-il de caution à Sonko dans la gestion de la crise sur laquelle le jeune leader reste tout de même circonspect ? Khalifa Sall est-il, à ses côtés, la promesse d’une éclaircie, d’une projection apaisée des rapports politiques, d’une adversité rompue aux subtilités ?

Wait and see : les semaines à venir seront édifiantes à plus d’un titre.







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