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Trois Pistes D’action ConcrÈtes Pour Combler Les Lacunes En MatiÈre De DonnÉes Sur Le Genre

Trois Pistes D’action ConcrÈtes Pour Combler Les Lacunes En MatiÈre De DonnÉes Sur Le Genre

Moins de la moitié des données nécessaires au suivi de l’ODD 5, « Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles », sont disponibles. Les données sur le genre sont bien plus que des données ventilées par sexe. Selon la Division de la statistique des Nations Unies, elles comprennent des données concernant exclusivement ou principalement les femmes et les filles, couvrent un large éventail de questions et réalités socio-économiques, et donnent un aperçu significatif des différences existant en matière de bien-être entre les femmes et les hommes, les filles et les garçons. Lors de l’élaboration de politiques publiques, si l’on ne parvient pas à saisir et à mesurer les problèmes liés au genre à l’aide de données solides et actualisées, les plus vulnérables de la société resteront au bord du chemin. Avec des données sur le genre en quantité et qualité suffisantes, on peut élaborer des politiques plus équitables qui tiennent compte du facteur genre, contribuant ainsi à une prospérité économique durable pour tous.

Selon le Tracker de l’ODD 5 d’ONU Femmes, les perspectives en matière d’égalité des sexes sont moroses. À l’échelle mondiale, un pays sur 15 n’est pas en voie d’atteindre cet objectif pour au moins un tiers des indicateurs de l’ODD 5. En outre, seuls 13 % des pays dans le monde disposent d’un budget dédié aux statistiques sur le genre. Toutefois, des progrès sont à noter. En mars 2022, le Lesotho a lancé sa nouvelle Stratégie nationale de développement de la statistique. Celle-ci a été élaborée conformément aux exigences en matière de données émanant d’autres cadres tels que l’Agenda 2063 de l’Union africaine et l’Agenda 2030 des Nations Unies, notamment en termes d’alignement aux besoins de développement et aux politiques nationales. Pour ce faire, le Bureau des statistiques du Lesotho a travaillé avec chaque ministère pour déterminer leurs préoccupations liées au genre et leurs besoins en termes de données. De telles initiatives au niveau national constituent des pas importants vers l’atteinte de l’ODD 5 et permettent de combler les disparités correspondantes en matière de données.

Au niveau mondial, cependant, les données sur le genre manquent chroniquement de financements, malgré les appels et engagements de la communauté internationale à augmenter les investissements. Pour la période la plus récente pour laquelle des données sont disponibles (2015-2019), les engagements financiers de la communauté internationale du développement pour les données sur le genre se situaient, en moyenne, entre 217 et 272 millions d’USD par an. Sur la période de 2017-2019, sept partenaires internationaux du développement – la Banque mondiale, l’UNICEF, la Suède, le Royaume-Uni, la Fondation Bill & Melinda Gates, l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture et la Suisse – représentaient près de 80 % du financement total.

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Il est certes possible de mobiliser davantage de financements internationaux concessionnels pour les données sur le genre jusqu’en 2030. En un mot, les budgets doivent être substantiellement augmentés et dépensés de manière efficiente, compte tenu du manque global d’investissements dans les statistiques nationales. Toutefois, pour combler le manque de financement des données sur le genre, l’Aide publique au développement (APD) n’est qu’une partie de la solution. Tous les pays ont signé l’ODD 5 et sont responsables de la réalisation de cet objectif et de ses cibles, de sorte qu’une mobilisation efficace des budgets nationaux pour les statistiques de genre sera également primordiale. Il est grand temps de passer des plaidoyers et diagnostics à des actions tangibles permettant des investissements pour une égalité des sexes informée par les données.

Alors, comment les pays, les acteurs du développement et les autres partenaires peuvent-ils accélérer le rythme pour fournir un financement plus efficace des données sur le genre ? Notre analyse et les leçons tirées des bonnes pratiques, ainsi qu’une série d’événements organisés par PARIS21, ONU Femmes, Open Data Watch et Data2X, montrent que des progrès tangibles doivent être réalisés, et ce  selon trois approches concrètes :

1.            Défendre, soutenir et viser un financement systémique pour les statistiques sur le genre, en veillant à ce que les politiques de coopération pour le développement et celles au niveau national les considèrent comme une priorité intersectorielle.

Les politiques internationales de développement devraient prioriser, dans le champ de leurs applications, le renforcement des données et des statistiques sur le genre. Dans le cadre de leurs programmes de coopération au développement, peu de donateurs ont des politiques, stratégies ou budgets dédiés aux données sur le genre. Parmi les rares exemples, on peut citer la Suède, qui dans le cadre de sa Politique étrangère féministe a lancé, en 2016, un programme international de formation sur les statistiques de genre afin de permettre aux pays en développement d’augmenter leur capacité à les produire et à les utiliser. Le Canada, depuis 2017, met également en œuvre sa Politique féministe d’aide internationale, qui vise à soutenir l’élaboration de politiques informées par des données grâce à une meilleure collecte et analyse de données sur le genre et au renforcement des systèmes statistiques.

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Au niveau national, le Sénégal et la Sierra Leone entre autres, intègrent les statistiques sur le genre dans leurs Stratégies nationales pour le développement de la statistique (comme l’a fait le Lesotho) afin que les données sensibles au genre fassent partie du système, et ce de façon moins cloisonnée et plus accessible. Ces approches systémiques émergent d’une prise de conscience croissante du fait que les systèmes statistiques produisant des indicateurs sur le genre fournissent également un large éventail d’autres indicateurs nécessaires à la conception, à la mise en œuvre et au suivi des programmes de développement et des ODD. De toute évidence, investir dans les données sur le genre c’est aussi investir dans le plan de développement d’un pays.

Au niveau international, l’Appel à l’action de Berne pour un soutien efficace aux systèmes statistiques nationaux et l’utilisation des données pour le développement, élaboré par le Partenariat mondial pour une coopération efficace au service du développement, peut guider les efforts d’intégration systémique des données sur le genre. En particulier, l’alignement de l’Aide publique au développement pour les données et les statistiques aux politiques et stratégies des pays qui la reçoivent, ainsi qu’une meilleure coordination du financement des données et des statistiques peut efficacement contribuer à combler les lacunes grâce à des systèmes statistiques plus robustes et plus durables.

2. Rendre le financement et les stratégies dédiés aux données sur le genre plus transparents pour des efforts mieux coordonnés, et limiter les initiatives non durables, fragmentées et dupliquées.

Les acteurs du développement doivent mieux suivre et publier les états actuels et prévisionnels de leur financement de statistiques liées au genre, ce qui leur permettra de repérer plus efficacement qui finance les données sur le genre, où, pourquoi et comment. Ce défi est à l’origine d’initiatives telles que la Clearinghouse pour le financement des données au service du développement et les profils de données pour le développement de l’OCDE.

Le fait de disposer d’un guichet unique pour suivre les flux de financement des données sur le genre et orienter la prise de décision en matière d’investissements améliorera la coordination et permettra de mieux rapprocher l’offre et la demande de données. La Clearinghouse est la première plateforme au monde à fournir des informations, aux niveaux international et national, sur les flux de financement des données et des statistiques. En collaboration avec l’OCDE et PARIS21, la Clearinghouse modélise également la demande des pays en développement et leurs besoins en matière de financement des données sur le genre, analyse les effets de ce financement, et élabore des profils nationaux et régionaux.

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3.            Inciter et assurer, au plus haut niveau de gouvernement, un soutien politique pour les données sur le genre, basé sur de solides analyses économiques.

Des études montrent que les pays qui ne reconnaissent pas l’importance à long terme d’un système statistique national robuste reçoivent moins de financement dédié. Au Rwanda et aux Philippines, les deux gouvernements ont défendu l’importance du développement des systèmes statistiques. Ce haut niveau d’engagement provenant d’élus a permis à ces deux pays de collaborer avec de multiples donateurs et de mettre en œuvre leurs stratégies malgré leurs capacités initiales relativement faibles. En Sierra Leone, le directeur général de « Statistics Sierra Leone », le Professeur Osman Sankoh, est un ardent défenseur des statistiques sur le genre, qui soutient la création d’une unité nationale de statistiques sur le genre, comme cela a été mentionné lors de l’événement « Solution in Scarcity : Un financement intelligent pour les données sur le genre ».

Les gouvernements, les acteurs du développement international et la société civile se sont rassemblés du 5 au 15 juillet 2022 à l’occasion du Forum politique de haut niveau sur le développement durable, pour suivre notamment les progrès accomplis dans la réalisation de l’ODD 5, et se rencontreront en septembre pour l’Assemblée générale des Nations Unies. ll est essentiel que le financement des données sur le genre – et les moyens de financer plus et mieux – soit discuté et qu’il devienne central à notre vision commune en matière d’égalité des genres.

Deirdre Appel est Community Manager, Clearinghouse, PARIS21

Fatoumata Ngom est Analyste des politiques, OCDE, Direction de la coopération pour le développement

Ce texte a été prélablement publié ici







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