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17 Minutes !

Dix-sept minutes, c’est le temps pendant lequel des hommes des femmes des enfants du monde entier ont pu suivre, en direct et pendant toute la durée du live, les images diffusées par Facebook et montrant un tireur fou qui, armes de guerre à la main et caméra sur l’épaule, a abattu cinquante hommes, femmes et enfants, sans distinction, dans deux mosquées de Nouvelle Zélande, passant de victime en victime et achevant les blessés à bout portant !

Dix-sept minutes c’est, en temps normal, la durée moyenne d’un bulletin d’information sur une chaine de radio ou de télévision, dix-sept minutes c’est cinq minutes de plus que le temps que met Kenenisa Bekele pour courir cinq kilomètres. Facebook peut, en deux secondes, supprimer la diffusion en live de l’image d’une femme nue, mais il lui a fallu dix-sept minutes et l’alerte d’un internaute pour arrêter celle d’une insoutenable tuerie ! Entre temps 300.000 vidéos de cette barbarie sont passées sur son réseau, sans compter celles qui ont été partagées par d’autres réseaux dont notamment, YouTube ! A côté de l’ignominie que représente ce massacre d’innocents tués sur la seule base de leur croyance et dans un lieu voué à la prière, il y a le scandale  que ce forfait ait été si longtemps maintenu en ligne, visible par tous, téléchargé et commenté, et qu’il ait été relayé par des chaines de télévision désireuses de gonfler leur audience. C’était précisément l’objectif que visait le tueur, comme cela avait été celui de Mohamed Merah, mais celui-ci ne s’en prenait pas à des musulmans et ses images avaient été bloquées à la source, alors que la chaine américaine Sky News a repris celles de Brenton Tarrent…

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Une responsabilité partagée

Les premiers responsables de ce scandale ce sont bien sûr les géants du numérique, Facebook en tête, incapables de filtrer tous les messages qu’ils diffusent, complaisants pour certaines outrances, affinant à l’occasion leurs algorithmes mais seulement pour booster les échanges en ligne, préférant employer leurs modérateurs  à lutter contre le piratage et à protéger le droit d’auteur plutôt que  surveiller les contenus des messages des racistes ou suprémacistes blancs .Mais  la responsabilité de tels actes incombe aussi aux états qui les abritent et qui se refusent à la taxation de leurs services, tolèrent leur vigilance sélective ainsi que celle de médias qui comme eux, accueillent des politiques, à commencer par Donald Trump, qui affichent ouvertement leur islamophobie et lancent des appels à la haine…

Le massacre de Christchurch était trop flagrant pour passer inaperçu dans les médias du Nord, mais il est loin d’y avoir eu le retentissement de crimes comparables qui ont eu lieu en Europe ou en Amérique et dont les victimes n’étaient pas des musulmans. Pour nous en tenir à la France, ce jour-là toute la classe politique tremblait devant le danger que faisaient courir à tout le pays deux ou trois petits orphelins rapatriés de Syrie, les chaines de télévision et de radios  n’avaient aucun scrupule à  donner la parole  à  des islamophobes patentés comme Robert Ménard ou Elizabeth Lévy, ont préféré débattre du port du burkini dans les piscines plutôt que de la responsabilité de l’extrême droite française sur la radicalisation de l’auteur du massacre qui dit avoir trouvé son inspiration chez les théoriciens du Grand Remplacement que ne renient pas certains de leurs chroniqueurs vedettes. On a tué plus de monde à Christchurch qu’à Charlie Hebdo, y compris des enfants dont le plus jeune avait 3 ans, on y a violé un lieu sacré et pourtant, il ne s’est trouvé personne en France ou ailleurs, pour crier : « Nous sommes tous Christchurch » et aucune marche de solidarité d’envergure n’a eu lieu dans une capitale européenne. Je ne veux pas dire que les drames de ce genre ne doivent être classés que selon le nombre ou l’âge des tués, et du reste le Coran nous dit que «  tuer un seul innocent c’est assassiner l’Humanité », mais force est de reconnaitre que pour l’Occident le degré de barbarie se mesure souvent à la qualité des victimes…

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Mais peut-être qu’à quelque chose malheur est bon car cet épisode douloureux a révélé que dans cet Occident où sévissent souvent le rejet du musulman et la xénophobie, il existe encore un état qui cultive les bienfaits du vivre ensemble. La Première Ministre  de la Nouvelle Zélande ne s’est pas contentée de prendre des mesures, préventives, pour un meilleur contrôle de la vente d’armes et de sommer Facebook de lui fournir des explications. Elle a eu des gestes forts, symboliques, inimaginables dans un pays comme la France où probablement ils provoqueraient une crise d’apoplexie chez Nadine Morano ou Alain Finkielkraut. Elle a rendu visite aux mosquées souillées par le crime pour réconforter les familles des victimes en portant un voile noir sur la tête, en signe de respect, et son geste a été imité par de nombreuses femmes néo-zélandaises de toutes confessions. Elle a ouvert son discours devant les députés  par la formule « Assalaam aleykum », affirmé son soutien sans réserves à la minorité islamique et  son appartenance  à la nation. L’exemple venant de si haut ,le Parlement néo-zélandais a invité un imam à venir prier devant ses membres, en séance plénière, et à entonner des versets du Coran, des néo-zélandais de confession hindouiste ou chrétienne ont offert leurs temples ou églises pour servir de lieu de culte  aux musulmans, l’appel à la prière a été relayé à travers tout le pays et des minutes de silence ont été observées par la population.

Bref, des gerbes de fleurs au hakka maori, rien n’a été épargné pour apporter le témoignage d’une nation blessée…

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Voilà bien des années qu’aucune aussi bonne nouvelle ne nous était venue du Nord !







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