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Bceao, Banques Et Pme

La Chambre de commerce et d’Industrie de Dakar (CCIAD) a consacré, le 04 août courant, l’un de ses « grands débats économiques » à l’accès au financement des Pme et Pmi, avec la participation notable du Directeur de l’Agence nationale de la BCEAO et de représentants de banques commerciales locales.

Rappelons que la BCEAO est l’institution qui donne l’agrément aux banques, contrôle leurs activités et crée de la monnaie pour faire fonctionner l’économie d’un pays. « Aujourd’hui, dans les livres des banques, nous avons plus de 700 milliards FCFA de crédits qui n’ont pas été remboursés », a informé le Directeur national Ahmadou Alamine Lô. Ce montant représenterait près de 12 % de l’ensemble des crédits. « Aujourd’hui, il s’agit de voir comment faire pour mitiger les risques, comment faire pour permettre au secteur financier d’être rassuré », a-t-il poursuivi.

Ces crédits dont le remboursement est compromis viennent se rajouter à ceux qui ont fait l’objet de contentieux gérés par devant les tribunaux et qui souffrent de lenteurs en matière de décisions de justice. Des lenteurs toutefois atténuées par la récente mise en place du Tribunal de commerce.

Au regard de cet extrait de l’intervention du Directeur national de la Bceao, on pourrait penser qu’il veut attirer l’attention sur l’atteinte de la cote d’alerte en matière de crédits accordés aux PME/PMI. Les défauts de remboursement de cette clientèle justifient la réticence des institutions financières à s’engager dans cette direction, à moins qu’il leur soit donné les apaisements nécessaires.

Je pense qu’il faut dire tout de go que les banquiers ont raison. Les banques sont pour l’essentiel des établissements d’intermédiation qui collectent les dépôts de clients et les placent ou les prêtent et se rémunèrent ainsi avec la marge d’intérêts perçue (intérêts perçus sur les prêts moins intérêts payés sur les dépôts).

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Pourquoi donc prêter à des demandeurs qui non seulement ne vont pas générer des intérêts mais encore vont mettre en péril le dépôt ayant servi à faire le crédit ? Or, évidemment, les banques ne font pas de philanthropie même si elles sont réputées liquides.

D’un autre côté, financer les PME/PMI, c’est financer l’activité économique. Les Petites et Moyennes Entreprises (PME) constituent aujourd’hui la base du tissu économique national. Elles représentent près de 90 à 95 % des entreprises au Sénégal et concentrent aujourd’hui environ 40 % des emplois du pays.

Par conséquent, ne pas trouver de solution au financement de leurs immobilisations et fonds de roulement, c’est en quelque sorte tourner le dos à l’économie du pays.

De nombreuses solutions ont été expérimentées en la matière. Au plan institutionnel, les autorités monétaires ont créé, il y a 25 ans, un dispositif appelé Système financier décentralisé (Sfd) mettant en avant la mutualisation en matière d’épargne et de crédit pour « des personnes qui n’ont généralement pas accès aux opérations des établissements de Crédit ».

Cette expérience n’a pas été concluante au regard de la faiblesse des concours alloués et surtout du fait de défaillances en matière de gouvernance (comités de crédit, conseils d’administration et conseils de surveillance étant des enjeux de pouvoirs des membres).

Dans le cadre du Plan de relance 2019/2023 (PAP 2A), l’Etat ne trouve d’autre solution au problème qu’un appui au système financier classique via un dépôt de fonds de garantie de 150 milliards, à charge pour les banques de mobiliser à leur tour un financement de 300 milliards de FCFA au profit des PME et des grandes entreprises afin de concrétiser les intentions d’investissements stratégiques des entreprises estimées à 1000 milliards FCFA.

Toutefois, cette approche du financement PME a un air de déjà-vu. Les banques se sont vu confier par le passé des lignes de crédit spécifiques au financement des petites et moyennes entreprises. L’expérience n’a pas eu le succès escompté. Les raisons de la contreperformance se déclinent ainsi qu’il suit : Les banques de détail sont des établissements généralistes, hormis la BHS dont le cœur d’activité est l’habitat social.

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En conséquence leur demander d’intervenir indifféremment dans le commerce, les cosmétiques et la maroquinerie pose aux gestionnaires un problème de compétence. Même lorsque les crédits sont adossés à des fonds de garantie, la couverture au profit des banques n’est pas automatique ; elles sont tenues de répondre de leur gestion auprès du bailleur.

L’incompétence des banques doit être compensée par l’implication de structures d’accompagnement publiques dotées de ressources humaines professionnelles en rapport avec le projet. Promouvoir un projet de tannerie devra nécessiter le recrutement de spécialistes dans le monde (Italie, Maroc etc.) pour encadrer le promoteur et arriver à une organisation et une production de qualité. Cet accompagnement passe par la création de domaines industriels spécifiques aux activités à promouvoir. Le choix de ces activités ne saurait être laissé entre les seules mains de l’entrepreneur.

L’Etat volontariste doit identifier des secteurs dans lesquels nos petits industriels ou artisans ont déjà un savoir-faire reconnu et aider à leur meilleure professionnalisation. Un centre d’incubation en maroquinerie de luxe aurait été mis en place à Ngaye Mékhé, et plusieurs jeunes artisans ont pu bénéficier en 2018 d’un stage en Italie pour moderniser leur savoir dans la fabrication de chaussures et de sacs.

A mon avis, c’est dans ce sens qu’il faut aller pour pouvoir « compétir » sur les marchés extérieurs. Cet appui de l’Etat doit être élargi au développement de la formation professionnelle dans les secteurs porteurs. Cinq secteurs pourraient être identifiés dans un premier temps, de par la masse de la main d’œuvre qu’ils occupent et des perspectives d’exportation qu’ils offrent, à savoir la maroquinerie (Tannerie pour chaussures, sacs…), la mode/confection, la musique et les cosmétiques.

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L’Etat volontariste devrait également ouvrir le marché intérieur en faveur d’entrepreneurs orientés vers l’import substitution. Il est devenu anachronique de continuer d’ouvrir à tout vent notre économie aux produits d’autres pays qui eux-mêmes filtrent les produits à importer chez eux.

Par exemple, les USA sont très regardants sur les produits chinois qui entrent sur le marché américain. Pour en revenir à notre sujet, notre conviction est que, pour aborder de façon efficace la question du financement du risque PME, il faut exclure les banques commerciales qui sont très exigeantes vis-à-vis des demandeurs de crédit.

Pour entrer en relation de crédit avec un client, les banques demandent au préalable un historique bancaire, des états comptables d’au moins trois ans, des garanties réelles, des fonds propres suffisants etc. De surcroît, lorsque le crédit est compromis dans son remboursement jusqu’à ce que l’on soit au stade de réalisation de la garantie, les normes prudentielles deviennent répressives en matière de comptabilisation des immeubles hors exploitation, avec des répercussions sur les ratios relatifs aux fonds propres de l’établissement bancaire lorsque les délais impartis de cession sont dépassés.

Au regard de toutes ces craintes, les autorités monétaires doivent initier une réflexion sur la création de nouvelles institutions financières dédiées aux PME. La connaissance du risque à financer est essentielle pour la bonne fin du crédit.

Pour circonscrire le risque, les promoteurs doivent être accompagnés par des spécialistes techniques de l’activité mais également par des dispositifs marketing permettant l’accès aux marchés, mais également en organisation et en gestion.

Dans cette perspective, l’ADEPME et l’ASEPEX devraient être « sectorialisées » pour davantage de spécialisation dans le service aux PME. Les banques ne peuvent assurer cet accompagnement. D’ailleurs elles ne seraient pas dans leur rôle.







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