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La DÉsinvolture D’une RÉponse RÉdigÉe HÂtivement Sur Commande

La DÉsinvolture D’une RÉponse RÉdigÉe HÂtivement Sur Commande

« À chaque fois que l’Etat se débarrasse d’un terrain nu ou bâti, il faut l’intervention d’une loi », dixit Alla Kane.

Réponse à monsieur Abdou Latif Coulibaly ou la désinvolture d’une réponse rédigée hâtivement sur commande

Dans un article publié sur le site de DakarActu sous l’intitulé « Le Dantec : Analyse partielle et tendancieuse d’un ancien ministre », monsieur Abdou Latif Coulibaly (ministre, secrétaire général du Gouvernement, maire) estime partielle et tendancieuse mon analyse sur le projet de vente de trois hectares du terrain de l’hôpital Aristide Le Dantec de Dakar.

Monsieur Coulibaly me reproche d’avoir ignoré les dispositions de la loi n° 94-64 du 22 août 1994 autorisant la vente des terrains domaniaux à usage industriel ou commercial.

Selon lui, « le législateur a entendu organiser avec la loi du 22 août 1994 un système d’autorisation globale générale et permanente ». En conclusion de son texte qui contient plus d’arguties que de raisonnements solides, il écrit :

« En refusant (volontairement) de discuter des dispositions de la loi de 1994 que l’ancien ministre du Budget Abdoulaye Sow n’a pas pourtant manqué de citer dans son texte, il propose une analyse partielle et tendancieuse de la question évoquée. À quelle fin a-t-il procédé ainsi ?  Je ne saurai répondre à la question. Nous ne lui ferons cependant pas l’insulte d’insinuer que la volonté de l’auteur d’éluder dans son analyse cette loi de 1994 procéderait d’une mauvaise foi » (nous mettons en gras).

En réponse aux reproches de monsieur Coulibaly, il est produit le présent document qui a pour objet d’analyser la loi n° 94-64 du 22 août 1994 et son décret n° 95-737 du 31 juillet 1995.

Avant d’examiner les deux textes précités, faisons trois remarques pour souligner la réponse malaisée de monsieur Coulibaly.

Premièrement, il écrit : « Mamadou Abdoulaye Sow, ancien ministre du Budget, Inspecteur principal du Trésor à la retraite « soupçonne une illégalité dans la cession d’une partie de Le Dantec » dans un texte mis en ligne le mercredi 17 août 2022 ».

Monsieur Coulibaly a fait preuve de légèreté en ne prenant pas la précaution de disposer de mon texte original. En effet, nulle part dans ma contribution remise à SenePlus et à diverses personnes, on ne trouvera l’expression suivante : « soupçonne une illégalité dans la cession d’une partie de Dantec ». Le journaliste d’investigation de l’époque n’est pas censé ignorer que les médias ajoutent parfois des titres et des sous-titres accrocheurs ce qui n’engage pas l’auteur de l’article publié.

Deuxièmement, il affirme que mon argumentaire s’appuie « quasi exclusivement sur les dispositions de deux textes de lois adoptées par le législateur en 1972 et en 1976. Or nulle part dans mon article, je n’ai fait référence à une loi de 1972.

Troisièmement, il me donne raison en reconnaissant qu’« il est de notoriété publique que la seule Direction des Impôts et des Domaines dispose de cette prérogative » de vendre des biens domaniaux. On se demande donc qui a autorisé le FONSIS à lancer une manifestation d’intérêt.  En passant, tout membre du Gouvernement doit avoir le courage d‘attirer l’attention du chef du Gouvernement lorsqu’il prend des décisions politiques qui violent les lois ou règlements.

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Monsieur Coulibaly estime que le reste de mon article « consistant à discuter de la qualité de la structure qui peut aliéner les biens immobiliers de l’État ne présente pas trop d’intérêt ». Cette question présente bien un intérêt. En premier lieu, la qualité de la personne morale qui effectue la vente du bien emporte quelques effets sur la détermination du droit applicable. En second lieu, la ressource issue de la vente doit être retracée dans les comptes du Trésor public et non dans les comptes du FONSIS. Enfin, dans les formes prévues par la loi organique relative aux lois de finances, seule une disposition expresse d’une loi de finances peut autoriser son affectation pour la reconstruction de l’hôpital Le Dantec.

Passons maintenant à l’analyse de la loi n° 94-64 du 22 août 1994 et de son décret n° 95-737 du 31 juillet 1995.

  1. Analyse de la loi n° 94-64 du 22 août 1994 (JORS n° 5595 du 27 août 1994, page 391) 

La loi n° 94-64 de 1994 est prise sur le fondement des articles 41 et 42 du Code du Domaine de l’État qui renvoient respectivement à des terrains à mettre en valeur et à des terrains mis en valeur.

En passant, je précise que j’ai participé en 1994 à l’élaboration de ce texte en ma qualité de Directeur de Cabinet du ministre chargé des Domaines. J’étais présent à la séance du 27 juillet 1994 de la Commission des Finances, du Plan et de l’Économie de l’Assemblée nationale qui examinait le projet de loi numéro 37/94 autorisant la vente des terrains domaniaux à usage industriel ou commercial.

L’article 41 du Code dispose :

« La vente a lieu de gré à gré ou par voie d’adjudication, celle-ci étant réalisée aux enchères publiques ou par le procès combiné des enchères verbales et des soumissions cachetées, avec obligation de mise en valeur et aux conditions fixées dans chaque cas. Elle doit être autorisée par une loi.(…) ».

L’article 42 du Code dispose :

« Les immeubles non affectés consistant en terrains portant des constructions, installations ou aménagements, peuvent faire l’objet d’autorisations d’occuper à titre précaire et révocable, de baux ordinaires, de baux emphytéotiques, de concessions de droit de superficie, celles-ci pouvant comporter la vente des constructions installations ou aménagements existants, dans des conditions qui seront déterminées par décret. La propriété ne peut en être transférée qu’en vertu d’une loi ».

Ces deux articles du Code du Domaine de l’État posent la règle selon laquelle toute vente d’un terrain du domaine privé immobilier de l’État doit être autorisée par une loi.

Raisonnons par l’absurde en considérant que la loi n° 94-64 instaure « un système d’autorisation globale générale et permanente ».

La loi de 1994 trouve son fondement dans le contexte de l’époque (le changement de parité de la monnaie) avec comme motivation la relance de l’activité économique. Voici ce que dit l’exposé des motifs de la loi :

« Afin de saisir les opportunités offertes par le changement de parité de la monnaie, et dans le cadre de la relance de l’activité économique, les entreprises devraient pour plus de garantie de leurs investissements, accéder à la pleine propriété des terrains d’assiette des unités de production installées dans le domaine immobilier privé de l’État.

En conséquence, il y a lieu d’autoriser conformément au Code du Domaine de l’État, la cession des terrains domaniaux à usage industriel ou commercial ».

En substance, la loi de 1994 est destinée à favoriser l’accession des entreprises à « la pleine propriété des terrains d’assiette des unités de production installées dans le domaine immobilier privé de l’État ».

Question : Le terrain de Le Dantec est-il un terrain d’assiette d’une unité de production ? À mon avis, la réponse est négative.

La lecture de l’exposé des motifs aurait dû épuiser toute discussion sur l’application de la loi n° 94-64 du 22 août 1994 dans le cadre de la vente du terrain Le Dantec.

Voici ce que dit l’article premier de la loi :

« Est autorisé, en application des dispositions des articles 41 et 42 de la loi n° 76-66 du 2 juillet 1976 portant Code du Domaine de l’État, la vente des terrains domaniaux à usage industriel ou commercial dans le respect des plans d’urbanisme ou de lotissement approuvés ».

Comme on peut le constater, l’intitulé de la loi en question est non équivoque :  la loi du 22 août 1994 autorise la vente des terrains domaniaux à usage industriel ou commercial.

Question : Le terrain d’assiette de Le Dantec est-il un terrain domanial à usage industriel ou commercial ? De mon point de vue, la réponse est non.

Voici ce que dit l’article 2 de la loi : « Les conditions particulières de la vente desdits terrains sont fixées par décret ».

Le décret pris en application de cet article est numéroté 95-737 en date du 31 juillet 1995 Admettre que la loi de 1994 constitue le fondement légal de la vente des 3 ha de Le Dantec, revient à reconnaitre que c’est ce décret pris il y a 27 ans qui fixe les conditions particulières de la vente du terrain de Le Dantec.

Pour conférer une base légale à la vente des trois hectares, on tente, au moyen d’une analyse ubuesque, de faire dire à la loi du 22 août 1994 ce qu’elle ne dit pas. Il n’est pas nécessaire d’être un juriste ou un magistrat pour savoir qu’on ne peut pas interpréter une loi d’application générale comme étant destinée à remplacer une loi spéciale. Si la loi de 1994 a un caractère général, on se demande pourquoi le législateur est intervenu en 1995 pour autoriser la vente du domaine privé immobilier bâti de l’État à usage d’hôtels ou de réceptifs touristiques et de ses dépendances (la loi n° 95-12 du 7 avril 1995).

  1. Analyse du décret n° 95-737 du 31 juillet 1995 portant application de la loi n° 94-64 du 22 août 1994 (JORS n° 5651 du 9 septembre 1995, pages 378-379).

L’objet dudit décret est de déterminer les formes et les conditions d’application de la loi de 1994. Ainsi, les dispositions du décret « déterminent les conditions particulières de l’aliénation des terrains domaniaux dont la vente est autorisée par la loi n° 94-64 du 22 août 1994 » (article premier).

Quels sont les terrains domaniaux à usage industriel ou commercial dont la vente est autorisée par la loi de 1994 ?  

Ils sont de deux types selon l’article 2 du décret qui dispose :

« Les terrains domaniaux dont la vente est autorisée par la loi susvisée sont :

– les terrains domaniaux attribués par voie de permis ou d’autorisation d’occuper, de bail ordinaire, de bail emphytéotique ou ayant fait l’objet d’une concession du droit de superficie dans les conditions fixées par les articles 38, 39 et 40 du Code du Domaine de l’État ;

– les terrains domaniaux à bâtir réservés à l’industrie ou au commerce ».

Question : Le terrain d’assiette de l’hôpital Le Dantec rentre-t-il dans l’une des deux catégories et, plus précisément, est-il un terrain domanial à bâtir réservé à l’industrie ou au commerce » ? Les lecteurs avertis apprécieront.

Les terrains domaniaux à usage industriel ou commercial dont la vente est autorisée par la loi de 1994 font l’objet d’une demande cession, c’est-à-dire la vente n’est pas réalisée à l’initiative de l’État.  

L’article 3 du décret désigne les personnes qui peuvent solliciter la cession et énumère les pièces à joindre à la requête. Conformément à l’article 4, la demande de cession doit être accompagnée « du titre administratif correspondant à l’un des modes d’amodiation prévus à l’article 2 ou du dossier prévu au paragraphe b de l’article 3 ». 

« Avant la transmission du dossier de la demande (de cession) au Directeur de l’Enregistrement, des Domaines et du Timbre, le Receveur vérifie la concordance des renseignements (…) » et « réclame s’il y a lieu, les droits, redevances et taxes exigibles… ». (article 5).

Enfin, l’article 6 dispose : « Les dossiers des demandes classés par zone sont soumis à l’avis de la Commission de Contrôle des Opérations Domaniales »[1].

À rappeler que, selon l’article 2 du décret n° 81-557 du 21 mai 1981 portant application du Code du Domaine de l’État en ce qui concerne le domaine privé, « la Commission est chargée de donner son avis sur l’opportunité, la régularité et les conditions financières de toutes les opérations intéressant le domaine privé de l’État …notamment les aliénations d’immeubles … ».

Question : toutes ces prescriptions du décret d’application de la loi de 1994 ont-elles été respectées dans la procédure de vente du terrain de Le Dantec ?

De toute cette analyse, il ressort que le terrain d’assiette de l’hôpital Le Dantec ne rentre pas dans les deux catégories de terrains domaniaux à usage industriel ou commercial dont la vente est autorisée par la loi de 1994.

Quand il est question de sujets sérieux qui sont au centre des préoccupations des populations, Mamadou Abdoulaye Sow adoptera toujours la posture d’un citoyen soucieux de l’intérêt général et non la posture d’un citoyen qui entretient des confusions et des amalgames volontaires comme l’insinue monsieur Coulibaly.

Mamadou Abdoulaye Sow est Inspecteur principal du Trésor à la retraite.

mabsow@gmail.com

[1] La CCOD est prévue par l’article 55 du Code du Domaine de l’État qui dispose :

Les projets intéressant le domaine de l’État, des communes, des communautés rurales, des établissements publics, des sociétés d’économie mixte soumises au contrôle de l’État et des personnes morales de droit privé bénéficiant du concours financier de la puissance publique et soumises au contrôle de l’État, sont soumis à l’avis d’une commission de contrôle des opérations domaniales la composition, les attributions et les règles de fonctionnement de cette commission sont fixées par décret.







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