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Les Retours Au Pays Natal

(Destin croisé de « migrants » vers la France et le Sénégal)

« Qu’il(s) retourne(nt) en Afrique. » Ces relents de racisme, au Palais de Bourbon, émanant des bancs du Rassemblement National (RN), ont ému jusqu’au Palais de l’Elysée.

« Le racisme n’a pas sa place dans notre démocratie », a entonné la Première ministre Elisabeth Borne. Toute la classe politique française, à l’exception du RN, bien sûr, a été unanime pour refleurir le front républicain fané jusqu’alors par des calculs d’une basse-cour d’élevage politicien peu scrupuleux. La République, en de pareils moments, retrouve des couleurs.

Le couperet vient de tomber pour le député du RN et ses interprétations multiples : deux semaines d’exclusion et réduction de moitié de son indemnité pendant deux mois. Cette fois-ci, la sanction a été rapide et maximale. Seulement, j’ai l’impression que la classe politique française se sert de ce député (qui l’a bien mérité) comme l’expiation de ses propres crimes inavoués. Qui ne pense pas comme ce député incriminé en France ? La célèbre phrase de Philippe de Villiers, « La France tu l’aimes ou tu la quittes », récupérée par Nicolas Sarkozy, nous rappelle étrangement le « Qu’il retourne en Afrique. »

C’est facile de se défausser sur le Rassemblement National lorsque le mal est fait. Ce jeudi, la suspension de séance par la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, sonnait faux dans l’hémicycle où cette même présidente avait rappelé à l’ordre, il y a quelques semaines, une députée de la majorité dont le tort avait été de dénoncer « l’ADN xénophobe vieux de 50 ans du RN. »

C’est facile de se défausser sur le Rassemblement National dès lors qu’Emmanuel Macron a encouragé la banalisation de ce parti d’extrême droite et a facilité son ancrage institutionnel lors de la dernière élection législative. C’est ce même président qui avait poussé la porte du journal Valeurs Actuelles, pour séduire les électeurs du Rassemblement National sur l’immigration et la sécurité, oubliant en passant ses promesses fallacieuses tenues à l’occasion du Sommet des Nations Unies de Marrakech sur les migrants.

C’est facile de se défausser sur le Rassemblement National alors qu’hier Emmanuel Macron établissait des liens contestables et nauséabonds entre l’insécurité et l’immigration en région francilienne. Une émission populaire du groupe Canal + de Bolloré appelait à une justice expéditive contre une immigrée sans papiers, après le meurtre odieux d’une adolescente, nous faisant faire un grand bond en arrière, plus spécialement à l’époque de l’épuration. Lorsque des Français de bonne souche, issus de notre bon terroir, dépècent leurs victimes, leur origine n’est jamais abordée.

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Que dire de toute cette classe politique qui, depuis des décennies, applaudit un dispositif révoltant : Retourne en Afrique, cher immigré en situation irrégulière, pour quelques euros, et ouvre si possible ta superette ou cultive ton champ de patates ! Le retour en Afrique a bien été institutionnalisé par la France. Même des intellectuels africains de renom ont théorisé le retour en Afrique pour les Afro-américains face au racisme systémique des États-Unis. Admettant à demi-mot la ségrégation raciale des continents !

Pourquoi cette soudaine fausse pudeur sur le sort du migrant ? Aucun État européen ne veut voir débarquer sur son sol ces Africains sauvés par les arches de Noé. Au centre de cette polémique du député du RN, se trouvait, en effet, un appel de détresse lancé par cette ONG « SOS Méditerranée », lauréate du prix Houphouët Boigny de l’UNESCO, qui se substitue aux États pour sauver des êtres-humains. Au moins, les propos du député auront eu le mérite de faire sortir du bois les hypocrites (qui, sans son intervention, auraient été indifférents au sort de ces migrants) et d’accueillir ces Africains chez nous (selon le ministre des Solidarités) ! Merci à vous monsieur le député, ces Africains vous doivent une fière chandelle.

Il y en avait un à qui on a proposé de rentrer en bateau au Sénégal, à la veille de l’élection présidentielle de 2019. Un vrai scénario à la James Bond ! Après avoir obtenu le soutien de quelques députés français et d’une certaine presse, Karim Wade devait débarquer incognito, comme un clandestin, sur une plage de Dakar grâce à un bateau de type Bombard, et rejoindre la maison familiale au Point E. Vous imaginez la scène : Karim Wade, chevelure au vent, euh plutôt casquette au vent, lunettes aux teintes noires, à l’avant du bateau, regard pointé vers l’horizon ! Là, en sécurité, dans le cocon familial, selon l’échafaudeur du plan, Karim Wade aurait fait basculer l’élection. Comme vous le savez, ce plan n’a jamais été mis à exécution, l’intéressé ayant interrompu toute communication avec son ami intermédiaire en France.

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Le retour au pays natal de Karim Wade relève aussi du bal des faux-culs. A Doha, Karim Wade m’a donné une version plus officielle sur son retour en février 2019. Il prétendait que son jet privé, mis à disposition par ses amis fortunés pour parcourir librement le monde et les pays africains, était prêt à décoller, sous ses ordres. L’avion n’a jamais quitté le tarmac de l’aéroport Hamad international. Karim Wade ne voulait pas se sacrifier inutilement dès lors que l’opposition a décidé de se présenter contre Macky Sall. Difficile de quitter le confort de sa Range Rover blanche pour un petite cellule VIP de Rebeuss !

La condition sine qua non du retour de Karim Wade est bien connue de tous, la révision judiciaire. Il faut lui reconnaître le mérite de la constance. Il a toujours rejeté l’amnistie. Doudou Wade en avait fait les frais : ce dernier, à l’instar d’autres – majoritaires – au sein du PDS, plaidait en faveur d’une amnistie, accélérateur de la vie politique, tandis que la révision ne garantissait pas un procès rapide et une issue favorable.  

Aujourd’hui, je suis convaincu que cette doléance révisionnelle nous en apprend beaucoup plus sur la vraie personnalité de Karim Wade. En l’état actuel du droit sénégalais, la révision de son procès est impossible. En conséquence, son retour est inenvisageable. Depuis son exil, la révision est son seul programme politique. Il fait semblant de ne pas vouloir la vengeance, mais il la rumine davantage qu’Edmond Dantès.

Karim Wade est obsédé par la révision judiaicire, il ne pense pas comme un politique, mais plutôt comme un justiciable. Il a pris le contrôle du PDS non pour décliner un programme envers le Sénégal 2024, mais pour mettre la pression sur Macky Sall. J’ai été témoin de son espoir lorsque Me Abdoualye Wade se rabibocha avec Macky Sall. Karim Wade pensait alors que le Comité des droits de l’homme de Genève serait l’aboutissement de sa quête à la révision.

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Le ministre de la Justice, Ismaila Madior Fall, l’a justement souligné : la révision implique un fait nouveau. Jamais les avocats de Karim Wade n’ont fait le nécessaire pour tirer les conséquences juridiques des observations du Comité et de la condamnation du Sénégal pour non-respect du double degré de juridiction.

Karim Wade pense que tout se résout au niveau politique, entre coups de téléphone et entre émissaires. Il a oublié qu’il fallait aussi travailler à l’Assemblée nationale et déposer une proposition de loi semblable à la loi française qui, dans un procès pénal, assimile à une révision une condamnation de l’Etat français par la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Peut-être serait-il inspiré de donner des consignes à ses députés en ce sens que de les menacer de se retirer de la vie politique.

D’autres s’accrochent à leur pays natal, ils veulent y rester coûte que coûte. C’est ainsi que, de plus en plus, des voix proches du président sénégalais dépoussièrent la jurisprudence de Me Abdoulaye Wade sur le troisième mandat. Là-aussi quel bal des faux- culs ! Le référendum de 2016 légitimait le troisièmemandat de Macky Sall, c’était sa seule raison d’être. Tout le monde a fermé les yeux, sous prétexte d’une phrase dans la constitution. Il faudra encore compter sur le sacrifice du peuple au moment venu.   

Quant à moi, après 3 mois d’absence, je profite de mon retour à SenePlus en relisant le Cahier d’un Retour au pays natal, et la dénonciation du racisme qui, malheureusement, est loin de disparaître dans la classe politique française : « Ma négritude n’est pas une pierre, sa surdité ruée contre la clameur du jour
ma négritude n’est pas une taie d’eau morte sur l’œil mort de la terre

ma négritude n’est ni une tour ni une cathédrale ».







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