Il y a de cela vingt ans, Michel Platini, alors membre de l’encadrement de l’équipe de France disait de l’équipe du Sénégal qui devait être le premier adversaire à affronter son pays, à la Coupe du monde en Corée du Sud que : «la France ne boxait pas sur le même ring que le Sénégal et que ce match ne devrait être pour eux qu’une simple formalité».
Sur un ton à la fois rassurant à la limite du mépris et dont l’arrogance le disputait à l’effronterie de ses propos, l’ancien milieu français se disait sans doute, qu’au regard de la différence du niveau de développement de nos deux pays, la France allait transférer sur le terrain du football mondial le même rapport de force.
Sa désillusion fut à la hauteur du dédain qu’il avait affiché à l’égard de l’équipe sénégalaise. En effet dans cette édition de 2002, Platini et son équipe furent doublement humiliés, car non seulement les sénégalais les ont battus avec le but historique du défunt Pape Bouba Diop ( paix à son âme), mais cerise sur le gâteau, à la fin du premier tour, la France n’avait même pas été qualifiée pour les 8ème de finale. La bande à Pape Bouba Diop, El Haadj Diouf, Henry Camara, Amdi Moustapha Faye, Salif Diao, Khalilou Fadiga, Moussa Ndiaye, Tony Sylva, Ferdinand Coly, Oumar Daff, Habib Beye, Alassane Ndour, Lamine Diatta,Pape Malick Diop, Sylvain Ndiaye, Pape Thiaw, Amara Traoré, Souleymane Camara, Kakidou Cissokho et un certain… Aliou Cissé, sous la houlette de Bruno Metsu, venait de confirmer Michel Platini, à la seule différence que le Sénégal était plutôt sur un ring beaucoup plus relevé que celui auquel il l’avait destiné. La France fut éliminée de la compétition dès le premier tour et le Sénégal ira jusqu’en quart de finale, avant d’être sorti de la compétition la tête haute, par une vaillante équipe turque.
Pour mémoire, ce n’était pas la première fois qu’une équipe sénégalaise battait l’équipe de France dans une compétition officielle. L’on se souvient en effet que lors des jeux de l’amitié organisé à Dakar en 1963, les sénégalais, coachés par Raoul Diagne, Lamine Diack et Rito Alcantara, avaient éliminé la France en demi-finale de la compétition sur un score de 2 buts à zéro, avant de rencontrer en finale une solide équipe de la Tunisie. Match remporté par le Sénégal après un nul d’un but partout. C’est finalement au nombre de corners ( 9 contre 4), que le Sénégal fut désigné vainqueur de la compétition. La France se contentera d’une 3ème place après avoir battu Madagascar par 4 buts à 1.
En 1986, à la CAN organisée en Égypte, nombreux étaient les observateurs qui nous donnaient perdants face au pays organisateur. Ce fut un match épique, joué un vendredi après-midi, d’une rare intensité émotionnelle que le Sénégal finit par remporter sur le score d’un but à zéro, marqué par Thierno Youm. Une défaite que les égyptiens avaient tellement du mal à digérer au point qu’ils l’avaient ressentie comme un deuil national.
L’évocation de ces étapes historiques de notre football est pour rappeler que le Sénégal a toujours su relever le défi dans des situations difficiles où il était considéré d’avance comme un outsider.
Aujourd’hui, l’entraîneur de l’Angleterre ? Gareth Southgate déclare avoir observé l’équipe du Sénégal et considère que son équipe est « favori».Quoique moins arrogant et moins provocateur que son prédécesseur français, il n’en demeure pas moins qu’il vient lui aussi de lancer un défi à notre football. Un défi qu’il faudra relever comme on a eu à le faire par le passé, le 04 Décembre prochain.
Pour ce faire, il faudra d’abord se libérer au plan psychologique de tout complexe d’infériorité découlant de l’idée que seules les nations dites « grandes » sont dignes de s’imposer dans ce genre de compétition.
Garder à l’esprit que nos joueurs ont en face d’eux les mêmes acteurs qui évoluent dans les championnats européens où ils rivalisent avec bonheur devant les plus grands joueurs de football d’Europe, d’Amérique du Sud et d’Asie. Ce n’est point par hasard si Sadio Manè ( à qui nous souhaitons un prompt rétablissement) Kalidou Koulibaly, et Edouard Mendy entre autres, sont considérés aujourd’hui comme faisant des meilleurs au monde dans les postes qu’ils jouent au niveau des championnats européens.
Au regard des matchs qui se sont déroulés jusque là, il est incontestable que dans cette présente édition de la coupe du monde, le mythe de la suprématie des « grandes » nations sur les « petites » vient d’être sérieusement ébranlé. D’abord avec le Maroc qui bat la Belgique, « l’outrecuidance » des Japonais, vainqueurs à la fois face à l’Allemagne et à l’Espagne, qui furent toutes les deux championnes du monde et d’Europe, ensuite la victoire de l’Arabie Saoudite sur l’Argentine de Lionel Messi, elle aussi ancienne championne du monde, notamment avec le phénoménal Diego Maradona et tout dernièrement, la brillante victoire de la Tunisie sur la France, championne du monde en titre.
Assurément la hiérarchie est en train d’être bousculée et c’est à croire que le nouvel ordre mondial en matière de football est en passe de s’imposer plus vite que celui attendu en matière de relations Economiques Internationales.
Alors Dimanche, chers joueurs et membres de l’encadrement, restez dans cette trajectoire des victoires qui « surprennent »
En foulant la pelouse de Al Bayt Stadium, soyez armés de votre statut de champions d’Afrique, venus pour battre l’Angleterre. Ayez la hargne, la détermination et la soif de vaincre. Autant de caractéristiques du lion, symbole de notre nation . Soyez les dignes héritiers de vos vaillants aînés en terre coréenne !
En attendant, et d’ici à ce que le coup de sifflet final de ce match soit donné, que notre cri de « guerre » à tous, joueurs comme supporters soit : England ! Why not !!!?