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Passer De L’autoglorification Au Culte Du Realisme Et De L’efficacite

D’où vient ce sentiment qu’impossible n’est pas sénégalais au point qu’on jette un voile sur nos échecs ? Il faut remonter à la période coloniale voire précoloniale pour retrouver les origines de ce sentiment de supériorité qui nous habite.

Le cahier de doléances des habitants de Saint-Louis à l’Assemblée nationale française en 1789 est sans doute un des éléments constitutifs de la mémoire coloniale des habitants du Sénégal et des 4 communes dans la lutte pour le maintien de leur citoyenneté.

Dès lors, il coulait de source que le Sénégal, pointe la plus avancée à l’ouest du continent africain, était la tête de pont pour la pénétration de la France en Afrique.

Durant la colonisation, Saint Louis du Sénégal fût la capitale de l’Afrique Occidentale Française, et les écoles du pays furent fréquentées par les futurs cadres et intellectuels africains, tandis que l’Assemblée nationale française accueillit des personnalités comme Lamine Guèye et Senghor.

En Afrique francophone, Il y avait donc le Sénégal avec Saint Louis « le centre du bon goût et de l’élégance africaine » et les autres pays en « manque de civilisation ». Aux indépendances, le Bénin fût caractérisé de « quartier latin » de l’Afrique, et la Côte d’Ivoire, de pays le plus prospère. Ces clichés coloniaux ont quasi disparu, mais il reste encore de leur résonance en nous-mêmes.

L’épisode du dessert colonial dont l’Afrique s’est gaussée à nos dépens procède toujours de cette autoglorification teintée cette fois d’une certaine acculturation qui nous fait négliger notre histoire et notre patrimoine culturel. Cette propension à l’autoglorification prend des formes diverses et investit tous les champs possibles.

Nous venons d’en vivre un moment palpitant et significatif avec notre participation à la Coupe du monde actuelle.

Nous savions tous que c’était quasi impossible de gagner le trophée mais quelque part nous en entretenions secrètement l’espoir. Après notre élimination, lorsque le coach nous dit que nous devons encore travailler pour atteindre le top 5, il omet de dire que ces mêmes garçons qu’il entraîne côtoient, en clubs, les joueurs dont une des équipes va ravir la Coupe du monde.

Le domaine économique n’échappe pas à ce travers. En regardant les « infos », j’ai appris qu’une délégation burundaise était dans nos murs pour s’informer sur la gestion du PSE. Le commentateur n’a pas manqué de faire comprendre que la délégation venait, par cette visite, s’abreuver à la source de l’émergence économique en Afrique comme s’il était établi que cette émergence était déjà acquise. Quoi de plus normal qu’une visite de benchmarking entre pays du continent ! Mais non, il faut enfoncer dans la tête des Sénégalais qu’ils sont les meilleurs partout !

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Ce travers, qui est une véritable faiblesse, est connu de nos partenaires qui en usent. Le Sénégal « Meilleur élève du FMI », « meilleure signature sur le marché obligataire » avec des souscriptions de titres émis par le Trésor pour des montants allant au-delà des attentes !

Le Sénégal est l’un des 10 pays africains les mieux cotés sur le plan industriel, selon les résultats du dernier rapport sur l’Indice de l’industrialisation en Afrique (AII) pour l’année 2022, devançant le Nigéria et le Kenya. A nous auto-congratuler, on en oublie notre positionnement réel dans l’économie du continent.

Or, au plan macroéconomique, la situation du Sénégal est fragile. Du fait des chocs exogènes subis, la croissance économique de cette année a ainsi été révisée à la baisse à 4,7 %. Les taux croissance économique de 6 % voire 7 % usuels dont nous sommes toujours « autoglorifiés » ne doivent pas induire en erreur. Le Sénégal a un PIB de l’ordre de 27,63 milliards de dollars en 2021, et son économie pointe au 165ème rang mondial.

Sur l’hypothèse d’un taux d’accroissement de ce PIB de 6 % en 2022, l’augmentation de la valeur de la richesse qui en résulterait entre 2021 et 2022 serait de 29, 2878 milliards de dollars, soit un différentiel positif de 1,66 milliard de dollars US.

Pour un cours du dollar à 624,15 FCFA, l’augmentation de la richesse nationale entre les années 2021 et 2022 serait alors de 1036 milliards de FCFA

Si l’on compare ce montant au coût officiel du TER (650 milliards de FCFA), on comprend dès lors l’insuffisance de ce taux de croissance à dégager un surplus financier annuel apte à financer des infrastructures autrement que par l’emprunt.

Pour donner un ordre de grandeur, la richesse créée par Google en 2021 est de 257,6 milliards de dollars US, soit près de 10 fois le PIB de notre pays (27,63 milliards de dollars US en 2021)

Le Nigéria affiche un PIB de 440,8 milliards de dollars US, soit 16 fois notre PIB en 2021, pour un taux de croissance économique de 3,6 % la même année. L’accroissement du PIB nigérian prévu en 2022 est de 504 milliards de dollars US, soit un accroissement en valeur du PIB sur les deux années de 64 milliards de dollars US, près de 60 fois plus que l’accroissement du PIB du Sénégal, malgré un taux de croissance inférieur de 2,5 point par rapport au nôtre.

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Cette comparaison établit le peu d’importance d’un taux de croissance élevé lorsque la base de départ est faible.

Les pays européens ont connu des taux de croissance négatifs du fait de la crise sanitaire, par exemple -7,8 % pour la France en 2020, et, partant de cette base négative, ce taux est remonté à 6,8 % en 2021.

« Meilleur taux de croissance en Afrique » parlons-en donc !

Au vu de ce qui précède, il est évident que le taux de croissance en tant qu’élément de comparaison entre deux économies n’est pertinent qu’en tenant compte du niveau de grandeur de celles-ci.

Par conséquent, les couplets d’autoglorification du style « croissance robuste », « meilleur taux de croissance en Afrique » « émergence » etc.. perdent de leur sens.

Au plan de la réalisation d’infrastructures, la glorification de la réalisation d’infrastructures réalisées sur mode de financement PPP retient l’attention. Les réalisations d’infrastructures sont les plus prisées par nos gouvernants, en particulier dans le secteur du transport.

Elles allient l’aspect visuel, le confort d’infrastructures modernes, la rapidité dans leur réalisation du fait de la propension des bailleurs à financer ce secteur (autoroutes routes, voies ferrée, ponts etc.).

Le TER a fait près de 96 milliards de recettes en 2022, nous dit-on, sans pour autant informer sur les charges d’exploitation et les marges dégagées. Il aurait été utile d’en savoir plus sur le partage de ces recettes entre la société d’exploitation (SETER) et la société nationale de patrimoine. Il est notoire en effet que dans les contrats de partenariat public privé au Sénégal, les risques financiers sont pris par l’Etat au sens large qui finance la réalisation d’infrastructures.

Il est notoire aussi que l’exploitation du service et la gestion financière sont du ressort de l’exploitant privé, qui répartit les revenus encaissés entre le bailleur ayant financé l’opération, l’exploitant lui-même qui couvre ses charges et dégage sa propre marge, et le reliquat versé à la société de patrimoine pour la réhabilitation et l’érection d’infrastructures.

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C’est le cas dans le domaine de l’hydraulique urbaine (SONES/SEN’EAU) mais aussi dans le domaine des transports, à savoir le TER et ce sera la même chose avec le BRT. Les infrastructures seront une fois de plus célébrées comme les meilleures en Afrique, mais leur mode de gestion et de financement ne nous apportera pas l’autonomie financière espérée, ni la maîtrise technologique souhaitée.

Au plan industriel, le passage triomphal à l’Assemblée nationale du ministre chargé de l’Industrie aura retenu l’attention. Il intervient dans un contexte où le Groupe de la Banque africaine de développement, sur la base de l’indice de l’industrialisation en Afrique, a classé le Sénégal au 7ème rang continental devant le Nigéria et le Kenya réputés pour leur solidité. Rappelons qu’en termes de PIB, le Nigéria est le 1er pays africain devant l’Afrique du Sud et l’Egypte.

Même avec ce classement, le modèle économique sénégalais a montré ses limites. Il s’agit d’une industrialisation sans valeur ajoutée, dans laquelle les achats matières sont externalisés, faute d’endogénéité, en particulier dans le domaine agro industriel, et les emplois peu nombreux.

 L’emploi dans le secteur moderne est quasiment figé en volume et se répartit ainsi qu’il suit : environ 150 000 agents de la fonction publique, 250 000 du secteur privé et près de 700 000 du secteur informel.

En 10 ans, le PSE n’a pas réussi à briser cette structure rigide de l’emploi dans notre pays malgré des annonces de taux de croissance annuels de l’ordre de 4 à 6 %.

L’autoglorification alliée à l’autosuggestion pèsent de peu de poids face à l’action éclairée permettant de galvaniser les populations, en particulier les jeunes.

L’autoglorification alliée à l’autosuggestion pèsent de peu de poids face à l’action éclairée permettant de galvaniser les populations, en particulier les jeunes.

Il est temps de mettre de côté les indicateurs sans signification pour le commun des Sénégalais, comme le taux de croissance économique, pour se concentrer sur la mobilisation de la jeunesse en vue de la réalisation d’objectifs bien identifiés dans le temps et dans l’espace, sous la direction de structures nationales engagées dans le développement économique, comme on a pu en constater l’efficacité en Asie.

 







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