Le temps est le meilleur juge. Il passe. Les années défilent. Au même moment, les occasions en or nous filent entre les doigts qui se crispent. Les opportunités se présentent. Les opportunistes les gâchent une à une. Le spectacle qu’offre le microcosme politique sénégalais est lamentable. Les professionnels de la petite politique ne cessent de décevoir. Ils n’ont pas le génie des devanciers. Ce sont des nains juchés sur des épaules de géants. Comme il y a 11 ans, l’histoire pourrait se répéter. Le débat puéril du mandat est susceptible d’être réitéré. La première fois, c’était une tragédie. La seconde fois, ça sera une farce.
Le pays mange le temps mais il ne peut absolument pas se payer le luxe d’une nouvelle crise de cette nature. Il est vrai qu’une forme de nihilisme qui est la dévalorisation de toutes vertus s’est installée. Il est clair que la crise de civilisation s’est aggravée. Mais aucun agité ni cerveau cynique n’a le droit de tordre un bras. Les courtisans comblés sont les pires conseillers. Un soutien sincère du Président s’honore à plus travailler ses dossiers qu’à manœuvrer pour garder le plus longtemps son fromage. C’est fou que de rêver un mandat de trop pour son mentor. Il faut bien qu’il ait un bilan immatériel qui sera la cerise sur le gâteau des réalisations matérielles. Parce qu’il vaut mieux d’être adulé à la sortie de fonction qu’au moment d’entrer. Cela vaut tous les sacrifices et compromis humainement possibles.
Les sottises ne sont pas l’apanage de ceux qui sont aux manettes. L’opposition irréductible a aussi de la poutre dans les yeux. Elle va ajouter de la cacophonie. Les concerts de casseroles ont cassé la baraque la première fois. Il n’y a rien de mal à engager un combat pacifique face au gouvernement de combat. Mais la trouvaille a quelque chose de misérabiliste. Le Sénégal n’est pas un pays en lambeaux privé de tout. Hors, c’est dans des pays de ce genre qu’on voit ce genre de protestations. Nous valons donc mieux que ça. Il est aussi intéressant d’observer que les initiateurs des casseroles bruyantes traînent eux-mêmes des casseroles. Un festival des grandes idées ou un art du silence serait plus innovant.
Je me compare, je me console. Je me regarde, je me désole. La maison commune est un phare démocratique de plus en plus anarchique. Les nains sont juchés sur des épaules de géants. Les précurseurs évoqués plus haut étaient de grands metteurs en scène. Mais ils n’ont pas manqué de succomber aux attaques des démons. Ils sont responsables de la rupture de transmission complète à la nouvelle génération. Un nouveau peuple a surgi. Parce que chaque génération est un nouveau peuple. La discipline n’est pas sa force première. Laissée à elle-même, les colonies numériques formatent les cadres mentaux. Précisément, elles détériorent la santé mentale. Le résultat est dévastateur. L’hyper-violence des réseaux asociaux découle d’une absence totale de régulation. Il n’est pas exagéré de les classer dans la catégorie des bombes atomiques et des changements climatiques. La menace est dans chaque fibre. Plus on l’ignore, plus elle s’aggrave. Comment la conjurer ? Il faut avoir l’âme de l’artiste et de l’artisan. Ils créent des œuvres qui les dépassent. Ils ne font pas de musique sans partition. La classe politique est en mal de metteurs en scène. Ça nous fait souffrir terriblement. Les années, les mois souffrent de la façon. Voilà pourquoi ils passent si vite. Le proverbe arménien est indépassable : « honteux de ce qu’il voit tous les jours, le soleil se couche en rougissant ».
Les funérailles de 2022 coïncident avec celles du roi Pelé. Les connaisseurs disent qu’il avait un lien de parenté avec le ballon. Grâce à lui, le Brésil est célèbre dans le monde. « Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé ».