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Tumultes

Mbacké, une ville presque assoupie se réveille dans une violence déferlante. Les habitants, médusés, constatent impuissants les dégâts causés par des casseurs inspirés par des Cassandres bien au chaud.

Tout le monde semble surpris sauf un : le préfet du département. Il se savait attendu au tournant. En interdisant un rassemblement politique, il voulait éviter le chaos. Informé du « tour de chauffe » qui s’annonçait, il a sûrement pris la décision que dictait la conjoncture du moment.

Cependant, l’interdit a eu peu d’effet sur les manifestants excités sans doute par la très forte présence de policiers dont certains venus en renfort pour la circonstance. En sa qualité de représentant de l’Etat dans le département, le préfet n’ignorait pas donc le risque dans le double sens de l’autorisation ou de l’interdiction.

Qu’il s’agisse de l’une ou de l’autre, les conséquences qui en découlent, traduisent la complexité de la tâche et la délicatesse du moment où plus d’un s’alarment d’une déconnexion entre le pouvoir et le corps social. Or le haut fonctionnaire en poste, de par son statut, incarne certes la permanence de l’Etat sur le territoire considéré, mais on l’oublie très souvent, il est notamment le « garant de l’ordre public et de la sécurité. »

Nul ne conteste que ce qui se jouait vendredi dernier à MBacké relève du maintien de l’ordre qui s’apprécie et s’ajuste à la hauteur de l’humeur sociale qui se profilait. En amont de l’événement, le préfet a-t-il instauré un climat de dialogue avec les organisateurs ? Ces derniers étaient-ils disposés voire ouverts à des discussions en vue de s’accorder sur le service d’ordre (différent des forces de l’ordre) et les itinéraires de ralliement de la place dédiée au meeting ?

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Dans les faits, la méfiance s’observait déjà. Elle reflétait une certaine tension qui montait à mesure que l’échéance approchait. Il n’ y a eu ni marchandage, ni tractations pour arrondir les angles et trouver un compromis qui sauve la situation. Chaque partie, en établissant ses options sans exigence préalable, devrait se mettre dans une posture de compréhension mutuelle pour gérer la manifestation. Gérer ? Oui, bien évidemment !

Car bien que reconnu, le droit de manifester reste assujetti au devoir de veille très porté sur tout ce qui peut s’embraser. A la moindre étincelle. Plutôt que d’être dans un ruineux antagonisme, les forces en présence ne gagneraient-elles pas à mieux pacifier leurs rapports pour un bon déroulement des manifestations ? Justement, rien ne… l’interdit.

Et davantage qu’une dissipation, un tel rapprochement, s’il est mutuellement amorcé, accroîtrait les chances du dialogue tout en rétrécissant les voies de provocation de part et d’autre. Un dispositif de police peut –il être présent sans être visible ? A quoi sert-il de brandir des effets démonstratifs si, en face et à un jet de pierre, se dressent des colonnes de « groupes à risques » capables de se mêler à la foule pour nuire ?

Les événements de MBacké démontrent une savante incursion des « éléments incontrôlés » dans les rangs. La police devrait les repérer et ne plus les quitter des yeux en anticipant sur leurs agissements. Peut-elle, à l’image des pays nordiques, extraire ces casseurs des hordes hostiles avant qu’ils ne nuisent ?

La présomption de compétence attribuée aux forces de défense et de sécurité les prédispose à agir avec efficacité par des interpellations mieux ciblées. La confusion est toutefois vite entretenue sur la présence inopinée de ces « émeutiers » quand des militants ou des sympathisants veulent jouir de leurs libertés en organisant des rallyes ou des meetings dans une ambiance toute festive dans les quartiers ou au cœur des grandes villes.

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Cette « franche collaboration » entre organisations politiques et forces de l’ordre est de nature à réduite les incertitudes en gommant progressivement les charges. Pour autant, les nuages s’amoncellent dans le ciel des forces de l’ordre !

A cet égard d’ailleurs, les dégâts collatéraux, nombreux et insupportables, pèsent sur les consciences. Comment comprendre les furies qui s’attaquent à des biens (et parfois même à des personnes) ? Rien ne justifie de tels forfaits. Pas plus que rien ne dédouane ces faussaires « encagoulés », prêts à sévir pour étendre le malaise et le chaos, accroître les frustrations et au finish imputer lâchement les responsabilités à « Monsieur tout-le-monde ».

Cette pratique se répand et n’honore pas notre parcours démocratique qui, tant bien que mal, aborde les écueils et les surmonte suivant une tradition d’écoute et de tolérance mutuelles. La vigilance impose aux acteurs politiques de ne point s’écarter de cette route. Elle a été laborieusement tracée au prix de nombreux sacrifices consentis par les générations d’avant.

La démocratie est une succession de combats courageux. Chaque époque ouvre un chapitre qui se clôt quand sonne la cloche d’un nouveau cycle.

A quelle étape sommes-nous dans la présente conjoncture politique ? Il reste évident que les antagonismes s’accentuent, du moins dans les discours. Les appels à un radicalisme plus prononcé se multiplient. Présagent-ils des orages ? Rien n’est moins sûr.

En revanche, la discorde actuelle obstrue l’horizon qui ne se dégage pas pour autant. Loin s’en faut. Nous sommes face à une situation politique inédite à un an, jour pour jour, de la prochaine élection présidentielle.

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Chaque jour qui nous rapproche de l’échéance libère des pulsions qui, faut-il l’espérer, ne seront pas pires. Faute d’éléments probants, personne ne sait qui sera ou non candidat.

Mais les actes que les uns et les autres posent, agrégés, donnent une lecture sibylline des intentions qui leur sont prêtées. Pousser les Sénégalais à interpréter des faits et des gestes n’aide pas à opérer des choix judicieux « en connaissance de cause ».

La nature ayant horreur du vide, beaucoup d’acteurs de moindre envergure se sentent pousser des ailes et s’autorisent même à des « audaces » que la décence politique réprouve. Ils glissent d’un registre à un autre et zigzaguent entre les plateaux de télévision en quête de projection. Très peu d’entre eux sont des lumières.

L’implosion des réseaux sociaux s’explique par les outrances, les outrages, les hostilités, les mensonges et les rhétoriques haineuses qui se propagent à une vitesse grand V dans notre pays. Cette propension a valeur d’avertissement dans ce pays où trop de fenêtres sont ouvertes simultanément. Le ton de la présidentielle à venir est-il déjà donné sur la Toile ?

Après tout, la politique, c’est le terrain, le contact, la proximité, les échanges et une certaine quête de solennité dans les rencontres avec les populations. L’endurance. Un chantier titanesque. Rien ne sert de courir…







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