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La France Qui N’a Honte De Rien

Dans un article très fouillé, le journal Le Monde nous fait part des nouvelles fourberies françaises en Afrique. Cette fois, leur théâtre est le Sénégal. Le jeu opportuniste propre à la politique africaine de la France est classique. La lâcheté avec laquelle le pouvoir de Em­manuel Macron agit en Afrique se fait voir de jour en jour. Sous les dehors d’un ogre, Paris agit comme un tigre en papier sur le continent. Les assauts numériques des fachos des tropiques paient, car la France vient leur manger dans la main. Le casting est intéressant. Grâce au «Monde», nous apprenons que Paris a envoyé un émissaire chez Ousmane Sonko, chef de file du nouveau fascisme sénégalais, pour donner des gages au mépris des valeurs qu’elle n’a eu de cesse de clamer depuis des décennies, sur l’intransigeance vis-à-vis de l’Extrême-droite. Il se trouve que ses valeurs sont modulables selon que l’on soit sur les berges de la Seine ou sur la corniche dakaroise. Qui est cette envoyée de Macron à M. Son­ko ? Il s’agit de Mme Nadège Chouat, numéro deux de la Cellule Afrique de l’Elysée, qui connaît bien notre pays pour y avoir vécu en tant que directrice de l’Institut français de Dakar. D’ailleurs, à cette épo­que, un de ses collaborateurs aurait suggéré d’inviter les auteurs de l’ouvrage collectif «Poli­tisez-vous !» que nous étions, à venir le présenter à l’institut. Elle aurait catégoriquement refusé au motif que nous sommes un groupuscule de dangereux communistes peu fréquentables. En revanche, pour organiser des messes basses avec un fasciste, fut-il chef de l’opposition sénégalaise, Mme Chouat n’y trouve rien de révulsant. La diplomatie française nous a habitués à plus de tenue et de culture républicaine.

Il est absurde de soutenir que Emmanuel Macron est un homme d’Extrême-droite. Mais il est clair que la montée de ce courant politique ne le dérange pas outre mesure au regard de ses actes et mots, ses prises de positions et sa tolérance vis-à-vis d’intellectuels racistes et islamophobes. Jamais ce courant n’a eu autant de force dans son pays que sous son magistère. Pour rappel, le Rassem­blement national en France est passé de 8 à 89 députés à force, pour le gouvernement français, de banaliser la parole raciste et islamophobe.

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L’Extrême-droite ne répugne pas l’Elysée comme elle me répugne, comme elle devrait répugner tout républicain et démocrate qui sacralise la liberté et le débat contradictoire, mais dans les limites de l’acceptable.

Rencontrer un homme inculpé pour viol par un juge d’instruction ne répugne pas Mme Chouat. Quant à Philippe Lalliot, un diplomate étranger ne rencontre pas un homme politique dans un pays tiers en plein procès. Il s’agit d’une pression manifeste sur la Justice sénégalaise et d’un symbole du peu d’égard que les ambassadeurs européens ont vis-à-vis des institutions sénégalaises. Ça ne se fait pas. Qui imagine qu’en 2017, à la veille de la Présidentielle française, l’ambassadeur du Sénégal dé­roule le tapis rouge à M. Fillon, mis en examen et appelé à faire face aux juges français dans l’affaire des emplois fictifs ?

Qui imaginerait en France des représentants officiels de l’Elysée et du Quai d’Orsay prendre le café avec un homme politique, candidat déclaré à une Présidentielle, mis en examen pour viol ? Les valeurs de la France sont si volatiles, et il est triste de voir un si grand pays s’abaisser à ce niveau de décrépitude pour préserver des intérêts bassement matériels tout en clamant avec grandiloquence et de manière insupportable des principes humanistes. «Ils prennent l’étiolement de leur âme pour de l’humanisme et de la générosité», disait Stendhal. Sous prétexte de modernité et de pragmatisme, Macron se pare d’indignité. Mais qu’attendre d’un homme qui est allé à N’Djamena valider l’installation d’une dynastie au mépris des règles élémentaires de la démocratie. Cet homme peut demain tailler bavette avec un Président sénégalais fasciste. Au fond, il ne renierait pas demain de collaborer avec les putschistes qui paradent dans la sous-région.

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Sous le prétexte du réalisme et en défense de ses entreprises et soldats sur le continent, la France a perdu toute crédibilité attachée aux valeurs qu’elle clamait. Mais que M. Macron, M. Lalliot et Mme Chouat souffrent de nous voir cheminer avec nos valeurs humanistes qui sont aux antipodes de ce que le fascisme de M. Ousmane Sonko incarne.

Il est curieux que le pays du barrage contre l’Extrême-droite et du front républicain se noie dans les combines pour assurer ses arrières en cas d’élection des artisans du «France Dé­gage», les meneurs des as­saillants dont ils flattent les instincts xénophobes et qui, à chaque manifestation, pillent Auchan et saccagent Total, les symboles de ce que la politique sénégalaise a produit de pire depuis Blaise Diagne et François Carpot.

Il est loin le temps où en 2002, toute la Nation française a investi la rue, car le candidat d’Extrême-droite était arrivé au second tour sans aucune possibilité d’être élu. C’est ce pays dont le chef d’Etat se veut parangon de la démocratie et des libertés qui envoie ses services secrets et ses représentants comploter (le mot est à la mode) contre les intérêts vitaux de la République du Sénégal dont M. Sonko n’est plus un adversaire mais un ennemi déclaré.

Peut-être parce que la France, encore paternaliste et hautaine, pense que les Afri­cains ne sont pas assez sophistiqués pour haïr  l’Extrême-droite. Ses autorités nous considèrent encore comme des nations «sous-développées» dont la seule survie relève déjà du luxe, qui ne doivent se préoccuper ni de valeurs ni de principes.

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La France soutient l’Ukraine agressée par la Russie au nom des grands principes démocratiques et d’un idéal de liberté. Pour le cas du Sénégal, elle se compromet avec des fascistes, admirateurs zélés de M. Poutine, soutiens de putschistes au Mali, au Burkina et en Guinée, et prédicateurs de chaos. Paris s’honorerait en s’affranchissant de son opportunisme et en exerçant une stricte neutralité vis-à-vis des affaires intérieures sénégalaises. C’est ainsi qu’elle se montrera digne des belles valeurs dont elle se réclame.

Que l’Elysée écoute ce qu’un opposant, même à l’idéologie mor­tifère, a à dire n’est pas le propos, car cela s’inscrit dans la même logique qui amène le Palais de l’avenue Senghor à écou­ter une opposante française.

Ce dont il s’agit ici, au regard des informations livrées par Le Monde, c’est une forme de  finasserie à grand renfort de missions d’éléments des services secrets et d’ouverture de canaux officieux avec un politicien séditieux qui a appelé au meurtre du chef de l’Etat, insulte nos juges et officiers supérieurs, menace nos journalistes et intellectuels et vilipende nos figures morales.

Le jour où la France voudra à nouveau se dresser contre les populistes et les démagogues, en communion entre démocrates et progressistes de tous les pays, elle n’aura qu’à nous retrouver sur la ligne de front. D’ici là, dans sa lâcheté et son indécence, elle pourrait au moins nous épargner cet activisme opportuniste et ses prochaines leçons de morale.







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