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Discordances

 Comment redonner sens à ce qui n’en a plus ? Face aux périls, quel salut pour le monde de l’entreprise ? Une lueur d’espoir perce avec l’annonce par le chef de l’Etat le 3 avril d’une rencontre prochaine avec les organisations patronales.

En clair, la situation difficile que traverse l’entreprise sera explorée, disséquées, décortiquée au cours de ces entretiens très attendus. Certes les acteurs se connaissent. Ils se fréquentent même de façon assidue. Mais analysent-ils la même réalité de la même manière ? Ont-ils la même grille de lecture de la conjoncture ?

L’intérêt, avec ce rendez-vous, consiste à privilégier l’action plutôt que la rhétorique. Après tout, de part et d’autre de la table vont siéger des décideurs. Même s’ils appartiennent à des sphères que tout différencie, par leurs charges respectives ils prennent (ou posent) chaque jour des actes.

Ils établissent des politiques ou fixent des orientations. En un mot, ils visent des objectifs en se donnant les moyens de les atteindre. En bonne logique, ils doivent s’entendre. Et, au mieux, se comprendre au détour bien évidemment des diagnostics à établir.

La puissance publique a vocation à faciliter l’exercice des activités, sans toutefois les entraver. Ses tâches sont multiformes : rappel des règles, des lois et des règlements en vigueur, alerte sur les écarts ou les excès, habileté et souplesse dans les contrôles ou la vérification des pratiques.

Par ailleurs, elle doit se montrer plus compréhensive, moins rigide dans l’application des textes qui constituent justement son « livre de chevet ». Par cette ouverture d’esprit, les services de l’Etat restent…au service de l’entreprise en tant que vivier de créativités et surtout lieu de création de valeurs.

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Sous cet angle, et quel que soit le pouvoir en place, l’administration digère l’exécutif et assure la permanence et la prééminence de l’Etat central. A cette fin, il revient à l’Etat de piloter la stratégie de reconquête économique (PSE) en misant sur des ressorts de compétitivité.

Il lui revient en définitive de préserver une économie ouverte et accueillante, compréhensive mais sans faiblesse aucune. Il lui revient de fixer un canevas pour créer de la croissance, du pouvoir d’achat en laissant à l’entreprise l’initiative de l’emploi.

Mais puisque l‘emploi est un enjeu sociopolitique, tout pouvoir tentera de l’apprivoiser pour en faire un trophée de sa réussite. Cela ne contredit pas la volonté d’aérer le jeu pour permettre à un plus grand nombre de chefs d’entreprise de jouer leur propre partition.

Aujourd’hui très mal en point, l’entreprise sénégalaise vivote. Elle peine à exister, à tenir debout, à se montrer vaillante tant les défis jalonnent sa marche ou rétrécissent sa marge de progression. Elle ploie sous les charges : impôts, taxes et allocations.

Dans un contexte de crise, ce poids pèse dans l’activité et obère les chances de réussite ou de succès. Il est dès lors compréhensible que les acteurs réclament un allègement des charges en trouvant de meilleures recettes ou formules de ponctions. L’entreprise guette donc une simplification des procédures qui constituent (pourquoi le nier) un véritable labyrinthe.

Parfois c’est la puissance publique elle-même qui s’emmêle les pinceaux. A fortiori les usagers… ! La médiocrité de son environnement l’affaiblit davantage. Les activités subsistent mais prospèrent très peu. Et quand elles sont plusieurs à faire la même chose, l’activité dépérit et perd ainsi de sa vivacité.

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L’atrophie s’observe aussi dans le mode de gouvernance des entreprises. Pour des raisons différentes et dans des contextes, les entreprises reflètent l’état d’esprit de leurs créateurs. A l’arrivée, difficile de dissoudre autant de parcours et de trajectoires qui traduisent des caractères et des personnalités.

L’ancrage dans ces traditions, au demeurant légitimes, ne favorise pas des perceptions convergentes. Loin de là. Quelque part les différentes organisations patronales symbolisent ces attachements. Elles revendiquent les mêmes faveurs mais dans des tonalités plus que dissonantes. Leurs dirigeants respectifs cultivent la grande urbanité.

Ils opèrent avec discrétion et parviennent, chacun, à obtenir gain de cause pour mieux asseoir les bases de leur légitimité. Ils coexistent intelligemment et se font mutuellement des concessions quand l’un, l’autre ou tous parviennent à arracher des « victoires à la Pyrrus » sans le tribut.

Ainsi, s’offrent-ils aussi des espaces de dialogue et de concertations qui devraient dans une certaine mesure inspirer la classe politique toujours travaillée par des divisions. Les paradoxes abondent cependant. Conscients de leurs faiblesses respectives, les dirigeants patronaux peinent à se mettre d’accord pour fondre en une puissante organisation capable de négocier en position de force face à ses interlocuteurs.

L’émiettement des forces est un aveu d’impuissance dont se sert l’Etat pour contenir toute velléité d’émancipation. Autre faiblesse récurrente : le capital. Sa discrétion qui confine à l’effacement empêche toute lisibilité sur la force de frappe financière des chefs d’entreprise locaux.

Ils revendiquent leur part des marchés publics. Ils exigent des concessions dans les appels d’offres, les commandes publiques ou les privatisations. Ils vont même plus loin en sanctuarisant la « préférence nationale ».

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Une jolie trouvaille à géométrie variable qui ne garantit pas une montée en puissance du privé national. Les licences de pêche sont là pour le démontrer. Les grands thoniers, pour contourner la loi et accéder à nos côtes très poissonneuses, se sont entendus avec des armateurs nationaux pour passer allègrement sous pavillon sénégalais et ainsi continuer à « piller » impunément nos ressources halieutiques. Résultat : plus de poissons sur de vastes étendues de nos eaux souveraines. La fonction protectrice de l’Etat transparaît ici plus nettement.

L’Etat peut donc accéder à la quête de préférence nationale en l’encadrant toutefois pour éviter les pièges tout en aidant le capital sénégalais à davantage s’affirmer. En revanche, nos capitaines d’industrie – tiens, un concept à revisiter !- doivent projeter leur ombre ailleurs que dans les traditionnelles « zones de confort ».

Dans l’âpre bataille de positionnement, les contraintes peuvent en définitive se transformer en atouts si la lucidité inspire les actes dans un environnement mondial où règne les rapports de force.

Le temps n’est-il pas venu de compter nos forces en renonçant à toute idolâtrie « sociale » des détenteurs de moyens financiers ? L’argent, dit-on, n’aime pas le bruit ! Mais chez nous tout est fait pour créer des « mythes » ou des « légendes » autour d’aventures individuelles ou accidentelles.

Celles-ci survivent le temps d’une pluie en saison sèche pour disparaître comme elle avaient surgit : furtivement ! Avec un sens élevé du discernement, les décideurs de tous bords peuvent combiner des alliages pour entériner la validité d’une émergence tant vantée. L’entreprise vaut ces sacrifices.







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