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Desobeissance Civile : Un Peu D’eclairage

La désobéissance civile, menée par un individu ou par un groupe, n’est pas un acte de rébellion, d’irrespect, une infraction contre l’autorité publique matérialisée par des actes de violence, de saccages de biens publics et privés, d’agressions, insultes ou menaces envers des représentants de l’Etat. La désobéissance civile n’est pas un délit, un acte prohibé par la loi. 

Tout au contraire, la désobéissance civile est un droit citoyen. Un droit de défiance, de méfiance à l’égard d’un Etat et de ses institutions lorsque le citoyen ou le groupe est persuadé que ses droits sont bafoués au point qu’il ne se sent plus en confiance, qu’il est acculé, harcelé, victime d’injustice.

Les actes posés par un Etat sont en principe conformes à la loi telle qu’inscrite dans la Constitution, la loi suprême. C’est le domaine de la légalité. Mais il peut arriver que ce qui est légal ne soit pas légitime. La légitimité correspond à la morale, à ce qui est juste, équitable, raisonnable. L’idéal est que le légal s’accorde avec le légitime. Ce qui n’est pas toujours le cas.

Au cours de l’histoire et partout dans le monde c’est l’injustice qui a fait le lit de la désobéissance civile. C’est une démarche de résistance passive, civilisée et pacifique, non sanctionnée dans un régime véritablement démocratique. Le but visé par la désobéissance civile est d’arriver à promouvoir un changement positif par l’avènement de la justice.

L’histoire fourmille de cas de désobéissance civile. Citons quelques exemples des plus célèbres.

Le terme ‘’désobéissance civile’’ nous vient de la langue anglaise ‘’civil disobedience’’ sous la plume de l’intellectuel américain Henry David Thoreau. Il écrit en 1849 un essai intitulé Resistance to Civil Government, qu’il re-intitule Civil Disobedience en 1866. Démocrate, anti-esclavagiste, Thoreau pratique la désobéissance civile en refusant de payer ses impôts au gouvernement américain pour protester contre l’esclavage, l’extermination des Indiens ‘américains et la guerre contre le Mexique qui amènera à l’annexion de ses territoires les plus riches comme la Californie et le Texas (qui sont actuellement les régions les plus riches des Etats-Unis). Pour Thoreau, aucun homme moral ne peut patiemment se conformer à l’injustice. 

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Ses idées seront reprises au 20ème siècle dans des ouvrages (traduits en français) par d’éminents penseurs comme le sociologue allemand Max Weber (Le savant et la politique, 2002) et le philosophe allemand Jürgen Habermas (Raison et légitimité. Problèmes de légitimation dans le capitalisme avancé,1978).Pour Habermas, la désobéissance civile est une clé importante d’une démocratie mûre.

Un des premiers à lire le livre de Thoreau pour s’en inspirer est Mahatma Gandhi. Sous la colonisation britannique, les Indiens doivent payer un impôt sur le sel extrait de mer par les autorités et il leur est interdit d’extraire eux-mêmes le sel. Le 12 mars 1930 Gandhi entreprend avec quelques fidèles la ‘’ Sal March’’(marche du sel) : Arrivés au bord de la mer, ils se baignent et prélèvent l’eau de mer qu’ils font évaporer pour en extraire le sel, ainsi obtenu gratuitement.  Gandhi, l’apôtre de la violence a compris qu’à un moment donné, arrivé au bout du rouleau, il faut résister à l’arbitraire. Cet acte a été un propulseur de l’indépendance de son pays, un peu plus d’une quinzaine d’années après. Une indépendance qu’il ne verra pas.

Un autre fameux de la désobéissance civile est le pasteur afro-américain Martin Luther King.

Martin Luther King (MLK) a déclaré avoir rencontré le livre de Thoreau en 1944 et l’a lu plusieurs fois. Il s’est aussi inspiré de Gandhi et a rendu visite à sa famille lors d’un séjour en Inde en 1959.

Pour comprendre la lutte de MLK, il faut avoir une idée de la situation de l’époque dans son pays. MLK a vécu dans une Amérique au paroxysme de la ségrégation raciale, surtout à Birmingham capitale de l’Alabama. Des bus sont interdits aux Noirs. Dans les bus où ils sont tolérés, il leur est fait obligation de céder leurs places aux Blancs. L’Afro-américaine Rosa Parks est la première à refuser de céder sa place dans un bus bien rempli. Ce qui déclenche un vaste mouvement de résistance.

C’est dans ce contexte que MLK entre en action par ses mots et par ses actes.

Son discours I have a dream(‘’Je fais un rêve’’) du 28 août 1963 à Washington devant le buste de l’anti-esclavagiste Abraham Lincoln est mémorable. MLK commence par rendre hommage au président Abraham Lincoln, artisan de la ‘’Proclamation d’Emancipation’’ de 1863 relative à la suppression de l’esclavage, pour aussitôt ajouter : 

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Un siècle plus tard, le Nègre n’est toujours pas libre…

Je fais le rêve qu’un jour cette nation se lèvera et vivra le vrai sens de sa foi : Nous tenons ces vérités comme allant de soi, que les hommes naissent égaux…

… Nous ne sommes pas satisfaits et nous ne serons satisfaits que le jour où la justice se déversera comme un torrent et la droiture comme un fleuve puissant.

Tout apôtre de la non-violence qu’il est, en avril 1963, à des prêtres blancs qui lui disent que la bataille contre la ségrégation raciale doit avoir lieu dans les tribunaux et non dans la rue, alors en prison pour avoir déclenché une manifestation, il répond dans une Lettreouverte :

La désobéissance civile est non seulement justifiée face à une loi injuste, mais aussi chacun a la responsabilité morale de désobéir aux lois injustes… Sans des actions directes et puissantes, les droits civiques ne seront jamais obtenus… Le bien même temporairement vaincu est plus fort que le mal triomphant.

MLK a aussi lutté contre la guerre du Vietnam, contre la pauvreté et le chômage affectant surtout les Noirs.

De son vivant comme après sa mort, MLK a été vilipendé par ses adversaires, dont le FBI : ‘’ communiste’’, ‘’prêcheur hypocrite’’, ‘’le menteur le plus célèbre’’, ‘’homosexuel’’, ‘’infidèle à son épouse’’, ‘’tricheur ayant plagié sa Thèse de Doctorat’’ … Des écouteurs étaient placés dans les chambres des hôtels où il résidait à l’occasion de ses déplacements.

Ses actions ont été couronnées de succès comme le ‘’Civil Rights Act’’ de 1964 (Acte des droits civils), le ‘’Voting Rights Act’’ de 1965 (Acte des Droits de vote),  et le ‘’Civil Rights Act’’ de 1968 (Acte des Droits civils). Ces mesures suppriment juridiquement toutes formes de ségrégation raciale dans le pays. Mais en pratique ? 

Toujours est-t-il que 40 ans après son assassinat, un Afro-américain est élu Président des Etats-Unis. Barak Obama a bien compris que le combat de Martin Luther King a payé, en mettant son buste dans son bureau ovale de la Maison Blanche. Quel Africain n’a pas éprouvé une certaine fierté à l’occasion de cet évènement qu’on ne peut détacher de la désobéissance civile du pasteur Martin Luther King ?

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Un autre Américain qui s’est illustré dans la désobéissance civile a été le boxeur Muhammad Ali(Cassius Clay). En 1966, ancré dans ses convictions religieuses et éthiques, il refuse son incorporation dans l’armée américaine pour aller tuer des Vietnamiens qui n’ont rien fait aux Américains et à leur pays. Il est condamné pour 5 ans, déchu de ses titres de boxe et de sa licence. Il fait appel auprès de la Cour Suprême. Après bien des péripéties, ilest rétabli dans ses droits. Quel Africain, même non amateur de boxe, n’a pas été admiratif de cet homme pour ses performances, mais aussi pour son acte de désobéissance civile face à l’injuste guerre du Vietnam ?

Au Royaume Uni, en 1989, la Première ministre Margareth Thatcher instaure le ‘’poll tax’’, un impôt direct de capitation payé par tête d’habitant. L’impôt le plus inique, le plus injuste qui soit : Un milliardaire paie le même montant d’impôt que ses domestiques. C’est tout de suite la levée de boucliers dans l’ensemble du pays. Devant l’ampleur et la durée du mouvement de protestation avec des milliers de manifestants brandissant des pancartes Don’t pay poll tax (‘’Ne payez pas le poll tax’’), l’intransigeante Margareth Thatcher surnommée The Iron Lady (la dame de fer) a été contrainte à la démission en 1990.

En France, les manifestations des ‘’Gilets jaunes’’ ont amené le président Macron à supprimer la taxe sur les carburants qu’il avait instaurée. Tôt ou tard il finira par renoncer à son projet d’allonger la durée de l’âge de la retraite des travailleurs.

La désobéissance civile, menée de façon individuelle ou collective contre l’arbitraire vise toujours et partout la même finalité : ramener à la raison, à la justice, le détenteur de pouvoir de quelque nature que ce soit.







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