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Macky Sall, La Politique De La Terre BrÛlÉe Et Le SÉnÉgal

La Constitution du Sénégal donne des pouvoirs exorbitants au Président de la République. C’est un monarque absolu que nous élisons (parfois) tous les cinq ou sept ans selon l’opportunisme politique ou l’humeur réformatrice de la loi fondamentale du patron de l’exécutif en place. Le chef de l’État nomme à tous les emplois civiles et militaires. Mis à part le droit de vie et de mort sur les citoyens, il y a peu de prérogatives qui lui échappent. Signe de cette puissance, au parlement, les députés de la majorité n’hésitent pas à dire qu’ils sont au service du président. Il commande et les juges exécutent sa volonté. Le pouvoir présidentiel est tel qu’il arrive que la société civile sollicite son arbitrage pour des questions qui n’entrent pas dans ses prérogatives. Qui ne se souvient pas de l’appel à Macky Sall de ce dignitaire qui voulait qu’il désigne le leader de sa famille religieuse ? Il n’y a pas de contre-pouvoir institutionnel à celui du président. Dans un monde de plus en plus complexe, le président fait remonter à lui les plus banales des questions nourrissant l’illusion qu’il est omniscient et omnipotent. À cette « gouvernance » d’un autre âge, il ajoute un autre signe d’archaïsme, la volonté d’instaurer un monolithisme politique de fait.

Un exercice du pouvoir archaïque

Il y a vingt mois, Macky Sall était réélu au 1er tour de la présidentielle avec 58 % des suffrages exprimés. Ses adversaires qui avaient fortement critiqué et dénoncé le processus électoral et le scrutin en lui-même avaient néanmoins pris acte des résultats proclamés par le Conseil Constitutionnel. Leur seul acte de défiance a été le refus de le féliciter. Macky Sall en avait peut-être pris ombrage, mais seuls les usages et « les bonnes manières » exigent que les perdants fassent un tel geste. La loi n’impose aucun impératif en la matière. C’est donc un président Sall dans la configuration de l’entame de son premier mandat qui inaugurait son deuxième et dernier mandat à la tête de l’État le 2 avril 2019. Une scène politique pacifiée, une opposition qui ne conteste pas sa légitimité en mobilisant la rue. Cette configuration n’est pas fréquente. En vingt ans de pouvoir, Abdou Diouf n’a pas eu cette chance. Abdoulaye Wade n’en a bénéficié qu’à l’entame de son premier mandat en 2000. C’est donc dire que le président avait plus que tous ses prédécesseurs l’occasion d’asseoir le caractère apaisé de la démocratie sénégalaise en se mettant au travail et en laissant le soin à l’opposition de s’organiser et se préparer à une éventuelle alternance.   

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Alors qu’il avait fait campagne en vantant les mérites de la Constitution et promis d’impulser des réformes dans les domaines économique et social pour mieux répartir les fruits de la croissance, Macky Sall posait comme premier acte de gouvernement de son quinquennat, une réforme constitutionnelle pour supprimer le poste de Premier ministre au nom du concept « fast track ». Quelques semaines plus tard, il lançait une concertation peu transparente sur ses objectifs et finalités qui a tenu en haleine un microcosme politique et médiatique déconnecté des réalités que vivent les classes populaires du pays.

Le gouvernement « d’ouverture et d’unité » : une manœuvre politicienne de courte vue

Le dimanche 1er novembre 2020, au terme d’un « dialogue politique » entamé en mai 2019, le président a procédé à la nomination d’une nouvelle équipe gouvernementale. Ce gouvernement dit « d’ouverture et d’unité » entérine l’arrivée dans la majorité présidentielle d’Idrissa Seck et de dissidents du Parti démocratique sénégalais (PDS) de l’ancien président Abdoulaye Wade. Selon les verbeux communicants du palais de l’avenue Léopold Sédar Senghor, ce remaniement tient compte « du contexte de la pandémie de la COVID-19, et de ses impacts » et vise à « imprimer une dynamique constructive d’innovation, de transformation, de réalisations et de changements nécessaires à l’accélération de l’émergence du Sénégal » le tout en mode « fast track ». Vaste programme ! La conséquence immédiate de cette nouvelle magouille politique est que les élections locales sont renvoyées aux calendes grecques. Après un Acte trois de la décentralisation dont le seul résultat a été l’affaiblissement institutionnel et opérationnel des collectivités locales, le pouvoir parachève son œuvre en portant un rude coup à la légitimité de ceux qui les incarnent. L’autre résultat est selon le journaliste Mandiambal Diagne, qui revendique l’amitié et la proximité de Macky Sall, la désorganisation de « l’opposition politique ». De tous ses adversaires à l’élection présidentielle de février 2020, il n’y a plus que Ousmane Sonko comme l’opposant. Khalifa Ababacar Sall, l’ancien député-maire de Dakar est pour le moment privé de ses droits civiques selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Les appareils politiques de gauche sont neutralisés dans la coalition présidentielle BBY et ne s’expriment que pourfendre ceux qui soutiennent les luttes sociales. Il n’y a pas de doute, ces manœuvres sont des réussites du point de vue de la tactique politique. Malheureusement, il s’agit d’un calcul de courte vue. Dans une démocratie libérale, les leaders de l’opposition ne sont que l’incarnation à un moment donné d’un courant d’opinion de défiance vis-à-vis de la politique menée. Ils ne font que capitaliser à leur compte le mécontentement populaire et les espoirs de changement aux prochaines échéances électorales.

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Il y a chez Macky Sall une tactique de la terre brûlée préjudiciable à la démocratie sénégalaise, à l’État de droit et porteuse de risques pour la paix civile. Sa tendance à vouloir réduire « l’opposition à sa plus simple expression » prépare l’avènement d’un leadership nihiliste qui capitalisera à son compte le mécontentement populaire. Le Sénégal gronde, les Sénégalais sont en colère, les exemples d’aventures politiques existant dans la sous-région et dans le monde sont de nature à susciter des vocations. Le Président de la République serait bien avisé d’en tenir compte !







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