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La Parole Des Femmes

Dakar, île de Gorée. Il fait chaud. Une chaleur étouffante qui ne procure aucune euphorie. C’est sous ce climat écrasant que des femmes discutent. Le festival Cinefemfest a commencé la veille, vendredi 16 juin 2023. Deux films étaient au programme : “Le monologue de la muette » de Khady Sylla et « Mossane » de Safi Faye. Ce samedi matin, les participantes se sont réunies pour débattre. Chacune des femmes présentes est invitée à donner son avis sur les deux films. Elles sont environ une vingtaine. Qu’ont-elles exprimé ?

Elles ont parlé de souffrance, de douleur, de servitude, du besoin de liberté, des vastes espaces à conquérir, de pudeur, d’empathie, de thérapie, de conscience, d’organisation, de stratégie, d’autonomie, de changement, de chantier, de plaisir, de condition humaine, de cruautés, de cynisme, de déshumanisation, de travail domestique, de matriarcat, d’opinions fortes à défendre, de plaidoyer, de silence, de paroles étouffées, d’enfants à charge, d’injustices, d’invisibilité, de cloisonnement et d’emprisonnement féminin, du statut de la mariée, d’amour, des réalités sociales, de la condition des domestiques, de traumatismes, de pression, de femmes niées, de gravité et de légèreté, de refus, de révolution, de violence inouïe, de l’exigence communautaire, du droit voire de la possibilité de dire non, de la force et de la réponse de la guerrière, de mariage, de quantification du travail, du corps de la femme.

À quoi font référence tous ces mots ? À quelle question politique répondaient-ils ? À première vue, ils semblent tous être issus de deux racines : l’oppression, l’aliénation et l’exploitation, mais également la confrontation, le combat et l’émancipation. Ces femmes semblaient toutes témoigner d’une expropriation. Le système de production sociale dont elles sont issues agit comme un usurpateur, s’appropriant leur être et réduisant leur présence dans ce monde. Je suis un homme, membre d’une société qui refuse les remises en question. Je n’ai pas le même problème que ces femmes, car je bénéficie des privilèges exorbitants d’un patriarcat violent et totalitaire.

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Ces femmes évoquaient simplement leur compréhension de deux magnifiques films, mais la main sur le cœur, elles parlaient d’elles-mêmes. De leur vie, de leurs ressentiments. Gorée est un lieu symbolique où l’expression de l’exploitation de l’homme par l’homme prend tout son sens. Les touristes qui se baladent viennent entendre les récits d’humiliation et de violence que des êtres humains ont subis. Cependant, aujourd’hui encore, sur cette terre du Sénégal, la violence et la privation existent encore et toujours. Elles sont peut-être moins intenses, mais bien réelles et parfois dissimulées sous des formes déguisées, telles que la domination culturelle et religieuse. Les femmes en sont victimes quotidiennement. Ce samedi matin, celles qui ont pris la parole se sont confiées.

Je souhaitais transmettre leurs mots, afin qu’ils puissent susciter une réflexion. Aucun projet d’émergence, de développement national, de panafricanisme ou d’humanisme ne peut prospérer au Sénégal ou en Afrique si la question de la libération des femmes n’est pas à l’ordre du jour. Il est illusoire de croire en une émancipation collective dans une société qui opprime les femmes de manière systématique et avec tant de véhémence. Les inégalités de genre dans nos sociétés causent beaucoup de souffrance aux femmes et les empêchent de s’épanouir dans les grandes réalisations pour lesquelles elles sont destinées. Bien que minoritaires et souvent inaudibles, les féministes sénégalaises et africaines se battent et seront déterminantes dans la libération de nos peuples. Ce qu’elles racontent, c’est la souffrance humaine dans ses formes les plus violentes. Écoutons, prêtons plus qu’une oreille à ses voix qui parlent d’humanisation.

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