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Le Retrait Politique Du President Macky Sall Ou Les Implications D’un Choix

L’annonce du Président Macky Sall de ne pas briguer un 3e mandat est le fait nouveau qui rebat les cartes concernant les élections présidentielles de février 2024. D’emblée, il faut convenir qu’il a respecté sa parole. Faut-il l’en féliciter pour autant ? Il ne devrait pas en être ainsi.

En effet, féliciter un homme politique pour avoir respecté sa parole, revient à dire qu’il était susceptible de ne pas avoir l’intention de tenir un engagement aussi important pour le pays, ce qui serait tout de même vexatoire. C’est le lieu de faire un succinct bilan de sa politique économique. A notre sens, sur le plan de la satisfaction des besoins du plus grand nombre (emploi des jeunes), le PSE du Président Macky Sall est un échec. Le Président Sall a certainement pu constater que le mirage des infrastructures de transport, fussent-elles de dernières génération (TER, BRT) n’était pas arrivé à masquer la revendication sociale primordiale de la jeunesse, qui est le droit au travail. Le droit au travail est un droit humain essentiel.

Le droit au travail est essentiel pour assurer la dignité humaine, l’épanouissement personnel et la participation active à la vie sociale et économique. Après 10 ans de pouvoir, il avait d’ailleurs partiellement reconnu la déconvenue, en imputant les évènements de mars 2021 au chômage des jeunes.

Il s’en suivit son fameux « je vous ai compris » et l’élaboration dans l’urgence du programme XEYYU NDAWYI, dont les résultats ont été jusque-là sans rapport avec les terribles vagues de 300 000 nouveaux demandeurs qui échouent annuellement sur un marché du travail structurellement atone. Le Président SALL vient à nouveau, confirmer cet échec, lors de son discours de renoncement du 03 mai 2023 en ces termes :

« J’entends bien les aspirations du peuple sénégalais, de sa jeunesse en particulier, de ses attentes légitimes en matière de justice socio-économique, de création d’emplois, de renforcement du système d’éducation et de formation professionnelle, de meilleurs cadres de vie. Je comprends la volonté de notre jeunesse de vouloir vivre une vie qui vaut la peine d’être vécue, ici au Sénégal et non ailleurs. C’est justement à nous concerter à repenser ensemble cette solidarité que nous parviendrons, en tant que société, à répondre aux justesrevendications de notre jeunesse et de l’ensemble des citoyens sénégalais ».

Gap entre demande et offre d’emplois

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D’ailleurs, le gap entre demande et offre d’emplois risque encore de s’aggraver. Les résultats provisoires de l’actuel (5ème ) recensement général de la population et de l’habitat (un taux de 85% de couverture), l’actuelle Ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération, Oulimata Sarr livre l’information suivante qui fait froid dans le dos, alors qu’on devrait s’en réjouir : ‘’Les données provisoires que nous avons disent que nous en sommes à près de 70 %, voire 75 % de Sénégalais ayant moins de 25 ans ». En effet, on sait tous que « jeunesse » doit rimer avec ardeur au travail, productivité, ingéniosité et développement, dividende démographique, pour autant qu’une bonne politique de développement humain sous-jacente à une stratégie de développement industriel pertinente soit mise en œuvre. Tel n’a pas été le cas depuis les indépendances.

On a « vendu » aux populations que le développement économique, construire des infrastructures faisant ressembler Dakar à Paris(l’an 2000 pour Senghor) pour donner l’illusion d’une politique efficiente de rattrapage économique. L’érection d’infrastructures à fort impact médiatique, initié avec succès par Abdoulaye Wade, a été poursuivie par Macky Sall via un endettement à peine soutenable, et sans un accompagnement par des politiques de transformation structurelles de l’économie du pays. Jamais un dirigeant du Sénégal n’a eu à sa disposition autant de ressources financières extérieures que Macky Sall.

Il est même à craindre que les revenus pétroliers et gaziers soient mis à contribution pour faire éviter les défauts de paiements. Cette situation induit pour la gestion future des choix drastiques à opérer en matière d’endettement, de développement industriel. Au plan politique, le retrait de Macky Sall ouvre de grands défis.

Quid de l’APR après son départ ?

Pour les élections de février, le parti va-til se réunir en congrès pour se choisir un candidat, ou alors va-t-il confier ce choix à la coalition BBY ? L’APR accepterait-il qu’un candidat ne soit pas choisi en son sein ? S’il est choisi au sein de son parti, Macky Sall va-t-il laisser le libre le choix du candidat aux militants, ou alors, va-t-il directement désigner son successeur comme Senghor l’avait fait avec Abdou Diouf ? Quelles seront les conséquences du choix de « l’élu » sur la cohésion du parti ? Quels sont les risques que certains cadres en proie à la frustration, quittent le navire avant le scrutin ? En toutes hypothèses, on peut craindre que la non-candidature de Macky Sall soit génératrice de dissensions voire de secousses dans l’APR dont la particularité est d’avoir une structuration horizontale (le Secrétaire général d’une part et tous les autres d’autre part). L’autre gros défi est la mise à l’écart de Sonko de la présidentielle, pour des motifs judiciaires apparaissant aux yeux de l’opinion comme véniels, et par conséquent à soubassements politiques. Les violents évènements de juin 2023 nous ont édifiés sur les réactions de la jeunesse concernant l’élimination de SONKO du jeu politique. La tenue d’un scrutin démocratique et apaisé en février 2024 pourrait donc en pâtir. Qu’adviendrait-il alors en termes de légitimité institutionnelle, avec un Président au mandat achevé et l’impossibilité d’en choisir démocratiquement un autre ? Notre conviction est que la décision de retrait de la candidature de Macky Sall ne saurait, à elle seule, ramener le calme.

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Lever l’hypothèque qui pèse sur la participation de Sonko, Khalifa et Karim

Pour laisser derrière lui un Sénégal apaisé, le Président Macky devrait consacrer ce qui lui reste de son mandat, à lever l’hypothèque qui pèse sur la participation d’Ousmane Sonko, de Khalifa Sall et de Karim Wade à ces joutes, et confier l’organisation de celles-ci à une structure indépendante, animée par des personnalités consensuelles, comme on a pu le faire par le passé.

En conclusion, le débat sur le 3eme mandat étant clos, c’est celui de la participation de Sonko devient le plus épineux, d’autant que les motifs des diverses décisions de justice n’emportent pas la conviction du plus grand nombre, surtout des jeunes. Une fois les élections terminées, il reviendra aux acteurs politiques soucieux du développement du pays de tenir de larges concertations sur les questions économiques, d’autant que la mondialisation n’est plus le cadre exclusif de développement des échanges. Nous sommes dans une période où les politiques de développement en Afrique se font dans un contexte géopolitique heurté, d’accroissements démographiques très forts demandant de l’anticipation, et par conséquent la constitution de pôles d’intelligence économique permettant d’affiner les choix décisionnels. Dans une telle configuration, les choix économiques doivent être largement partagés pour une appropriation populaire. Le « Je » devra laisser la place au « Nous ». Avec la crise géopolitique et la question du climat, le défi du développement est devenu consubstantiel au règlement du problème des sources d’énergie. Comment comprendre que l’Afrique soit invitée à utiliser des énergies fossiles pour son développement sans pour autant que sa responsabilité ne soit engagée dans la détérioration du climat ?

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D’aucuns comme le Président du Brésil LuizInacio Lula da Silva, ont souligné à juste titre l’injustice de la situation en ces termes : « Ceux qui ont pollué la planète ces 200 dernières années étaient ceux qui ont fait la révolution industrielle », et ceux-ci devraient donc s’acquitter en faveur des pays n’ayant pas de responsabilités majeurs dans les émissions de CO2 » ((discours prononcé en marge du sommet sur le Nouveau pacte financier Mondial).

Se priver dans l’immédiat de nos ressources pétrolières et gazières dans un contexte où les pays africains peinent à créer de l’emploi relèverait d’une forme de suicide économique. Les acteurs politiques sénégalais ne devraient pas être aphones dans ce débat crucial pour l’avenir du pays. Bâtir un pays relève d’une aventure collective avec des choix forts largement partagés par toutes les composantes politiques et sociales d’une société, ce qui induit consultation information participation et appropriation par le plus grand nombre. Pour finir, Macky Sall a un défi majeur à relever : celui d’apaiser le climat politique et social d’ici son départ. Cela passe par la libération des détenus politiques et autres victimes collatérales des récents évènements. Il lui revientsurtout, de veiller à passer le témoin à un successeur dans des conditions apaisées, et non suspectes de « combinazione », faute de quoi, les lauriers qui lui sont actuellement tissés pourraient se transformer très rapidement en couronnes d’épines. Si y a de nouvelles manifestations suivies de pertes en vie humaines, l’irréparable pourrait se produire, et par conséquent réduire à néant les bénéfices engrangés et autres perspectives ouvertes. Pour finir, à ceux qui invoquent la jeunesse d’Ousmane Sonko pour lui demander de patienter jusqu’en 2029, il faudrait éventuellement rappeler que ni notre démographie actuelle, encore notre histoire ne sauraient conforter leur analyse. N’oublions pas en effet qu’Abdou Diouf est parvenu à la magistrature suprême à 45 ans. A ceux qui pensent que Macky préparerait un scénario où il présenterait sa candidature en dernière minute, je voudrais dire qu’à mon avis, il sait qu’il aurait tout à perdre à le faire, sous peine de perdre tout le crédit qu’il vient d’engranger à l’international, lui ouvrant la voie à une autre filière promotionnelle.

Abdoul Aly KANE

 







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