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Sauver Ponty : Le Cercle Des Poètes Disparus !

Le spectacle désolant des ruines de Ponty nous rappelle notre incapacité à bâtir les fondations de notre société sur les bases solides de nos héritages pluriels, mais aussi de faire de la transmission du patrimoine, le moteur de notre avenir. Il nous faut recueillir les témoignages des derniers Pontins, éditer un dictionnaire biographique des anciens, et surtout sur les ruines de Sébi-Ponty, faire émerger un nouveau lieu de production du savoir au service de l’Afrique et du monde. Notre texte est une modeste contribution au Forum inclusif sur la valorisation du site de l’Ecole normale William Ponty, classée patrimoine historique national depuis 2007, annoncé par le professeur Aliou Sow, ministre de la Culture et du patrimoine historique, allant dans la volonté des hautes autorités de sauver Ponty.

A quelque trente kilomètres de Dakar, sur la route de Thiès, un panneau indique Sébi-Ponty. Dans un champ de ruines lunaire, se dresse ce qui fut jadis le creuset de l’élite coloniale. La mémoire des lieux nous renvoie à des noms prestigieux d’anciens pensionnaires de l’Ecole : Félix Houphouët-Boigny, Modibo Keïta, Hubert Maga, Mathias Sorgho, Hamani Diori, Abdoulaye Wade. -Mamadou Dia, Sénégal, Président du Conseil ; Boubacar Diallo Telli, République de Guinée, premier Secrétaire général de l’Union africaine (Ua), de 1964 à 1972 ; Lansana Béavogui, République de Guinée, Premier ministre ; Philippe Yacé, Côte d’Ivoire, président de l’Assemblée nationale ; Assane Seck, Sénégal, ministre, professeur d’université ; Alexandre Sénou Adandé, Dahomey, ministre ; Bernard Dadié, Côte d’Ivoire.

Surnommés les Pontins, ils ont été plus de 2000 à avoir fréquenté cet établissement dont l’origine remonte à 1903. Fondée en 1855 à Saint-Louis sous l’impulsion du Général Louis Faidherbe, l’école fut par la suite déplacée sur l’île de Gorée (1913-1937), où elle fut baptisée Ecole normale William Ponty, du nom du Gouverneur général de l’Aof, Amédée William-Merlaud Ponty. Son objectif était de former les premières élites africaines : instituteurs, agents d’Administration et de commerce, et des candidats à l’Ecole de médecine de Dakar.

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A l’étroit à Gorée, l’école fut transférée en 1938 sur les lieux d’un ancien camp militaire abandonné qui disposait déjà de dortoirs et d’infrastructures à Sébikotane (1938-1965). Son relatif éloignement de la ville de Dakar était aussi un moyen de limiter les coûts exorbitants du transport et d’approvisionnement, mais surtout un moyen d’éviter que les élèves ne faussent compagnie à leurs enseignants pour des postes administratifs lucratifs qu’offrait la ville de Dakar.

Au moment des indépendances intervenues en 1960, l’Ecole commence à perdre de son envergure et sera transférée à Thiès (1965-1983). Lieu de formation des esprits, le site est désormais occupé par une prison. Le Président Abdoulaye Wade, ancien pensionnaire de Ponty, avait songé à établir sur le site, l’Université du Futur africain, sans y arriver.

700 manuscrits de portée universelle conservés à l’Ifan

Les archives de l’Ifan-Cheikh Anta Diop conservent encore la mémoire de ces illustres disparus de l’outrage du temps et de l’oubli des hommes. Ce sont plus de 700 manuscrits, dénommés sous le vocable de Cahiers Ponty, qui furent rédigés par les élèves de troisième année pendant leurs vacances d’été. Il s’agit d’enquêtes sociologiques, historiques d’une très grande qualité qui permirent à ces futurs administrateurs, médecins et instituteurs de mieux connaître leurs terroirs et leurs cultures. Ces documents ont une portée universelle en raison de la diversité des régions et ethnies étudiées. La numérisation et la mise en ligne de ce patrimoine devraient être envisagées afin de ressusciter les voix du passé.

Ponty est désormais le symbole du cercle des poètes disparus. Le sentiment d’appartenance des rares survivants de cette époque a quelque chose d’émouvant. Présidents, ministres et hauts responsables de leurs pays après les indépendances, ils pouvaient régler les problèmes politiques de voisinage juste par un appel téléphonique. Il nous appartient de faire revivre l’esprit de Ponty en érigeant sur le site de ce qui fut un haut lieu de la prise de conscience de la fraternité africaine, une université régionale ou les Archives nationales.

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Les anciens de Ponty ont essayé de toutes leurs forces de restaurer le site, non pas pour un obscur attrait des ruines, mais pour faire revivre le souffle qui a animé les anciens et le transmettre aux nouvelles générations. Ils ont compris que ce que crée l’esprit est plus vivant que la matière.

Par El Hadji Gorgui Wade Ndoye, Journaliste accrédité aux Nations Unies, Genève

& Dr Adama Aly PAM, fonctionnaire international, Paris.

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