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2662 C Dieupeul 3, à Mes Amis Disparus

La question du départ définitif est si ancienne, et pourtant si actuelle. Ce compagnon indésirable qui rythme la quotidienneté de nos existences, nous ne l’aimons guère. Sa présence, toujours furtive et inattendue, témoigne de notre impuissance à l’exorciser.

Partir et ne jamais revenir. Constat terrible et désabusé. Comme l’indique le propos du penseur français Jean-Luc Nancy, «nous passons nos vies à passer», la partance est le corps de l’existence. Ces réflexions philosophiques se sont imposées à moi à la suite d’expériences de deuil successives, vécues récemment, consécutives au décès d’amis de vieille date, Lamine Diouf et Ousseynou Sow, avec qui j’ai partagé, avec d’autres, des moments d’amitié uniques et joyeux, d’insouciance et de complicité humaine où la vie nous semblait simple et belle, avec ses promesses d’éternité.

Après nos occupations professionnelles, nous avions l’habitude, durant de nombreuses années, de nous retrouver quasi quotidiennement dans ma maison, le 2662 C Dieuppeul 3, qui avait fini de prendre les allures d’un antre, un lieu de passage obligé, avant que chacun ne rejoigne son domicile propre.

Je reste, je l’avoue, profondément nostalgique de ces retrouvailles où nous refaisions le monde dans des débats contradictoires vides de tout orgueil, ponctués parfois d’emportements, d’éclats de rire, de brouilles sans lendemain et de fausses colères.

La force de notre amitié le permettait et le rendait possible.

Ils étaient déjà à cette époque de hauts fonctionnaires de l’Etat, dans des postures de responsabilité ou assumant des charges importantes dans le secteur privé national.

Mais toutes ces fonctions disparaissaient dès que fût franchie la porte d’entrée de ma maison.

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Voilà qui explique la marquante singularité du 2662 C qui recevait, indifféremment en son sein, dans une harmonie sans accroc, des sans-grades de l’échelle sociale et des individualités aux cursus exemplaires. C’était, pour ainsi dire, la magie de cet endroit dont la trace mémorielle reste encore vive dans nos esprits.

Je ressens cette envie irrépressible de partager le souvenir émouvant de tous ces amis qui sont à présent de l’autre côté du miroir.

On peut mettre en terre une personne, mais on ne le peut d’un souvenir, ni de tous ces levers de soleil cristallin qu’on a vécus avec elle pendant si longtemps. Il en est ainsi de toutes ces personnes qui me sont chères et qui ont pris congé du monde.

A la vérité, nous sommes sans arrêt confrontés à des séparations, mais la mort, malgré sa dimension tragique, a cette vertu de nous ramener à l’essentiel, vers ce à quoi nous tenons vraiment, nous forcer à la claire conscience que nous sommes «si peu de chose» et que la finitude reste notre horizon indépassable.

Il reste de cette longue liste d’amis disparus, de Momath Thiam à Lamine Diouf, de Pape Alioune Ndiaye au tout dernier Ousseynou Sow, comme une pépite d’or trouvée au fond du tamis, éclatante et inaltérable. Je n’oublie pas bien sûr Aby Sy, douanier consciencieux, un zeste gouailleur et taquin, par moments, ce qui faisait son charme inimitable, mes pensées pieuses à mon frère Ibrahima Séne, à mes charmants cousins, Chérif Elvalide Sèye et Pape Aly Sèye, et enfin Kader Bengeloune, un ami, un collègue qui, par ses talents d’artiste, avait rendu le cadre clément et sympathique.

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Si les mots ne suffisent pas pour combler un vide, je fais mienne cette citation de Jean d’Ormesson : «Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c’est la présence des absents dans la mémoire des vivants.»

Amadou Moustapha Séne Dit Pape Sène

Ancien inspecteur de l’Education Nationale à la retraite

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