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La Crise Financiere Mondiale En Perspective Et La Quete D’une Nouvelle Souverainete Monetaire En Afrique

Un article de Jacques Attali paru en mai dernier sur la nouvelle crise financière mondiale à venir et des écrits de nombreux spécialistes de la question et des tendances monétaires centrifuges par rapport au Franc CFA, doivent sonner l’alerte sur l’urgence de traiter de ces questions forcément liées au contexte géostratégique actuel.

Le propos de l’ancien sherpa du Président Mitterrand est, en quelques mots, le suivant : « Une immense crise financière menace. A moins d’agir vite, elle frappera probablement au cours de l’été 2023 ».

La situation mondiale ne tient aujourd’hui que par la force du dollar, lui-même légitimé parla puissance économique, militaire et politique des Etats-Unis d’Amérique qui restent le premier refuge des capitaux du monde.

Or les USA sont aujourd’hui menacés par une très grave crise budgétaire, financière, climatique et politique, sur un fond d’endettement public qui fait 120 % du PIB américain ».

Le contexte et causes de cette crise sont identifiés comme suit :

«Aux USA et en Europe, le COVID a nécessité la sollicitation excessive de la planche à billets pour préserver les emplois et l’économie « quoi qu’il en coûte »

La guerre en Ukraine a déclenché des dépenses massives d’armements en faveur de ce pays pesant sur la trésorerie des Etats engagés et de leurs alliés, et remis en cause la mondialisation financière parle biais des sanctions infligées à la Russie.

Une crise bancaire s’est déclenchée au niveau de la Silicon Valley Bank, aux Usa, prolongée en Europe par la faillite du « Crédit Suisse » vite absorbée par l’Union des Banques Suisses (UBS).

La cause de la faillite de la Silicon Valley Bank est connue.

Les obligations qu’elles a souscrites, à une époque où les taux d’intérêts étaient bas (1ou 2% et même parfois proches de 0%), ont vu leur valeur de marché baisser du fait que la FED avait procédé à de nouvelles émissions d’obligations à des taux plus élevés(3, 4, 5%) dans le cadre de la lutte contre l’inflation. Les achats des obligations anciennes ont donc baissé du fait que les nouveaux souscripteurs avaient une préférence pour les nouvelles, plus fortement rémunérées.

Ne pouvant attendre leur recouvrement à date échue, faute de trésorerie disponible pour faire face aux demandes de retraits de ses déposants (start up), la Silicon Valley Bank vendit son stock d’obligations à un coût inférieur à leur valeur comptable, déclenchant par ce fait des pertes d’exploitation alimentant à leur tour des rumeurs de cessation de paiement.

Les pertes comptables étant supérieures aux fonds propres, et les demandes de retraits de dépôts supérieures au disponible, la Silicon Valley Bank fût déclarée en faillite parles autorités monétaires après un « bank run » dévastateur.

La faillite a ainsi tiré son origine d’une remontée trop forte des taux de la FED, et des demandes de retraits trop fortes des clients paniqués de la Silicon Valley Bank

L’endettement des Etats européens et américains constitue la toile de fond des crises financières. Les déficits budgétaires sont tellement importants que les Banques centrales sont obligées de racheter les bons du Trésor émis par les Etats pour leur redonner de la liquidité afin d’éviter qu’ils s’adressent aux marchés financiers à des taux d’intérêts aggravant leur endettement.

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Le partage d’une même zone monétaire en Europe est également une donnée du problème de la crise dans ce continent avec une zone euro à deux vitesses : celle des pays endettés tirant avantage de taux d’intérêts bas pour optimiser leur endettement sur les marchés financiers, et celle des pays préférant la stabilité de la monnaie synonyme de maîtrise de l’inflation au niveau statutaire de 2 % via la remontée des taux directeurs, donc des taux d’intérêts.

L’euro fort est une entrave monétaire pour certains pays européens comme la France et explique leur important déficit commercial vis à vis de la Chine.

Au regard de sa valeur actuelle — comparativement à l’ancien deutschemark plus fort — l’euro est en revanche un atout commercial pour l’Allemagne.

Cette zone euro à deux vitesses doit servir d’expérience aux pays africains en matière d’union monétaire.

Evoquant le cas de l’Afrique, justement, Attali s’exprime très clairement : « Les colonisateurs ont développé beaucoup les régions côtières pour exporter les produits bruts vers le reste du monde et pas pour développer l’énorme marché interne qui supposerait des trains, des routes, des infrastructures intra-africaines qui sont clairement ce qui manque aujourd’hui ».

Poursuivant de plus belle, l’économiste affirme : « C’est très inquiétant, surtout quand les termes de l’échange ne sont pas bons. On le voit dans beaucoup de pays africains, le cours des matières premières, en particulier agricoles, n’est pas bon parce qu’ils n’ont pas obtenu la capacité de transformer ces matières premières sur place et que la transformation se fait ailleurs. Quand vous produisez des noix de cajou ou du cacao et que vous ne pouvez pas ou n’avez pas le droit de les transformer sur place, vous perdez l’essentiel de la valeur ajoutée de vos propres produits. Cela parla décision unilatérale des multinationales ».

Cela se passe de commentaires

Concernant toujours l’Afrique, voici une voix autorisée qui résume le modèle économique qui lui a été imposé à l’Afrique depuis la seconde guerre mondiale, date de la dernière restructuration d’envergure de l’ordre économique mondial, modèle à l’origine de la pauvreté et de l’endettement perpétuel.

Insérée dans le commerce mondial pour une part infime (5%) masquant en réalité la valeur réelle des biens exportés du fait du diktat des marchés boursiers, l’Afrique n’en subit pas moins les impacts de ces crises tout particulièrement via l’inflation et l’aggravation du poids de la dette dans les budgets nationaux.

Les banques en tant qu’intermédiaires agréés des acteurs économiques (importateurs et exportateurs), et principaux animateurs des marchés financiers, sont au centre de ces crises cycliques.

Cette crise majeure annoncée interviendrait alors dans un contexte géopolitique gros de changements inédits dans l’organisation de l’économie mondiale, dont le fait déclencheur est le conflit géostratégique Ukraine/Russie avec comme conséquences les sanctions économiques contre la Russie et l’apparition des BRICS comme un nouveau pôle économique mondial.

Le partenariat économique et militaire avec la France remis en cause par des coups d’Etat

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Le conflit sus évoqué a trouvé un écho en Afrique, continent en proie à des coups d’Etat remettant en cause les pouvoirs en place mais également dénonçant le politique de la France accusée d’avoir entretenu une politique de coopération économique et monétaire sans rapport avec les besoins de développement des Etats relevant de son « pré carré ».

A ce titre, et après celui du Mali, le coup d’Etat survenu au Niger nous paraît être le plus clivant en termes de remise en question du partenariat économique et militaire avec la France.

A y voir de près, les sanctions contre le Niger sont de l’ordre de celles prises contre la Russie du fait de l’attaque perpétrée contre l’Ukraine, à savoir : le gel des avoirs financiers et monétaires du Niger à la BCEAO et auprès des autres banques commerciales de l’Uemoa, la suspension de toutes les transactions commerciales et financières entre les banques du Niger et celles des pays de l’Uemoa, et celle de toute assistance financière de la BOAD jusqu’à retour de l’ordre constitutionnel antérieur.

La différence est que la Russie ne fait pas partie de la zone euro ni de l’Union Européenne, alors que le Niger est partie intégrante de la CEDEAO et de l’UEMOA.

La levée de ces sanctions contre ce pays sahélien dépendra-t-elle du retour à l’ordre constitutionnel c’est-à-dire la réinstallation au pouvoir du président Bazoum ? Au cas où cela ne se ferait pas, l’UEMOA serait-elle prête à prendre le risque d’une sortie du Mali, du Burkina Faso et du Niger hors de la CEDEAO et de l’UEMOA puisque ces Etats sont alliés dans cette crise avec le Niger ?

Ces questions sont d’actualité dans la mesure où le Premier ministre burkinabé, Apollinaire Kyelem de Tambela, a tenu, lors de la conférence de Ouagadougou, les propos suivants : “Les richesses de notre pays sont essentiellement constituées de minerais et de produits agricoles […]. Ce sont des matières premières dont nous ne maîtrisons pas les cours mondiaux. Les prix sontfixés à Paris, Londres et New York. Ils évoluent à la hausse ou à la baisse selon les caprices du marché. Dans ces conditions, il est difficile d’avoir une monnaie stable basée sur ces matières premières, à moins de trouver d’autres garanties. C’est pourquoi nous devrions envisager une alternative sérieuse au CFA”.

Les pouvoirs militaires au Mali, au Burkina Faso et au Niger pourraient-ils être amenés à envisager la création d’une monnaie commune éventuellement liée aux devises des BRICS ?

Si l’on se réfère à la tentation de la République Centrafricaine de passer aux crypto monnaies, il faudrait fortement envisager cette hypothèse si les sanctions contre le Niger ne sont pas levées.

En définitive, une idée reçue semble devoir être relativisée à l’épreuve des faits : Avoir une monnaie en commun conduirait à un développement économique harmonieux des pays concernés.

L’expérience européenne montre une zone euro divisée sur les objectifs de stabilité de la monnaie via des taux directeurs forts de la BCE, dans le souci de préserver la valeur de la monnaie, et des objectifs d’équilibre budgétaire basés sur une politique de taux directeurs bas, et par conséquent de taux d’intérêts négatifs voire voisins de 0 (comme on a pu l’observer dans un passé récent) dans le but d’éviter des charges financières supplémentaires pratiqués sur les marchés obligataires.

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Aussi, on peut constater des opinions différentes sur la zone euro et son efficacité. Après le Brexit de la Grande Bretagne, certains souhaitent le « Frexit » en France, et d’autres subodorent une orientation de l’Italie vers les BRICS.

L’euro est considérée par de nombreux économistes comme une entrave monétaire qui explique l’important déficit commercial des pays européens comme la France vis à vis de la Chine.

En revanche, l’un des avantages de la monnaie commune est de permettre une gestion en commun des réserves de changes (comme par exemple en UEMOA) essentielles pour l’importation de marchandises et de biens libellés en devises. La solidarité qu’elle induit permet de prémunir les pays à faible capacité exportatrice contre l’incapacité d’acheter sur le marché international via leurs propres devises.

De ce point de vue les recettes d’exportation de la Côte d’Ivoire, rapatriées à la BCEAO, contribuent grandement à la capacité d’importation des pays de la zone.

La création de monnaies nationales autonomes souvent évoquée se heurte à cette question des réserves de changes qui conditionnent les capacités d’importation, dans une configuration où les marchés intérieurs sont étroits (pas comme la Chine dont le marché intérieur est propice à l’établissement d’une monnaie nationale) et où le commerce intra zone est faible.

Par conséquent, une monnaie commune sans flexibilité peut nuire à des pays à forte capacité d’exportation sur le marché international.

En revanche un pays à monnaie nationale, ne comptant donc que sur ses propres réserves de change, peut se heurter, en cas d’insuffisance de ces réserves, a des difficultés d’importation de biens de consommation et d’équipements.

On a pu observer par le passé que des pays se trouvant dans cette configuration étaient obligés de dégager des priorités pour l’accès à ces réserves de change afin de pouvoir importer.

L’insuffisance des réserves de change renvoie à la faiblesse des revenus tirés de l’exportation des matières premières africaines sans transformation, car, en économie parfaite, les recettes d’exportation doivent pouvoir générer des devises permettant aux importateurs d’ouvrir des lettres de crédit via les intermédiaires agréés que sont les banques commerciales.

Aussi, le débat monnaies nationales vs monnaie commune doit permettre de régler les questions de complémentarité et de renforcement du commerce intra zone, de la compétitivité face aux exportations asiatiques, de la disponibilité de réserves de change pour préserver les capacités nationales d’importation.

Concernant la crise financière à venir, nous sommes peu surpris par les alertes au regard de son déclenchement périodique depuis 1973, date de la création du pétrodollar et de l’abandon de la conversion fixe de la devise américaine en or (35 dollars l’once d’or), et du développement des produits dérivés en parallèle à l’activité réelle.

Cela nous vaut le concept de bulle financière dont l’essence est d’éclater







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