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Requiem Pour Les Perdants

La liste s’allonge chaque jour un peu plus. À l’heure où j’écris ils sont 78 candidats à la candidature de l’élection présidentielle de février 2024.  Cela donne le tournis. On n’est plus surpris par le nombre car on a compris le mécanisme. Ces gens cherchent des monnaies d’échange. La plupart se retireront quand il faudra déposer le dossier de candidature au Conseil constitutionnel. Ils sont sûrs d’échouer mais peu importe, ils ne se sont de toutes façons pas déclarés pour gagner.

Combien ne sont porteurs d’aucun projet pour les Sénégalais ? Une pléiade. Ils n’en voient même pas l’intérêt.

Combien sont porteurs de projets qui les dépassent ? Un certain nombre mais bien peu.

Combien seront minés par l’échec inéluctable qui les attend au bout de leur quête ambitieuse et souvent démesurée ? Presque personne.

Quel mystère réside donc en ces ambitieux dévorés par l’ambition du pouvoir ? Ne voient-ils pas comme c’est difficile pour Macky ? Les indécisions qui le minent, les souffrances qui l’habitent, la chasse à l’homme dont il est l’objet chaque fois qu’il se déplace à l’étranger ? N’est ce pas là autant de repoussoirs pour s’engager dans cette « galère » ?

Quand nous les voyons défiler sur notre petit écran, nous ne nous intéressons pas à leur face glorieuse, très peu en ont en vérité, mais plutôt à la liste de leurs échecs et les insatisfactions qu’ils nous ont procurées. C’est bien cela, et c’est triste, qui nous passionne. Nous aimons dire bienvenue aux futurs vaincus. Nous jubilons de notre future satisfaction de les voir mordre la poussière et de venir nous expliquer les raisons de leurs échecs. C’est notre ultime revanche sur eux. Nous nous demandons s’ils ne recherchent pas dans le fonds comme Morny, un voluptueux du pouvoir, « dans les ivresses imaginées de la puissance et des plaisirs, à fuir l’inexorable échec qui rythme leur vie » car ils savent qu’ils ne sont rien sans leur proximité avec les ors de la République.

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Ces futurs vaincus ont de la ressource, ils se tourneront vers d’autres vainqueurs pour y arrimer leurs ambitions, ballottés dans les flots de leurs rêves et leur souffrance, sans aucun secret, ni aucune séquelle de leur échec cuisant.

Ils ont le talent de l’oubli instantané, rien ne les oblige si ce n’est la servitude du pouvoir.

Vous les verrez déjà aux parrainages, les premiers recalés, après avoir fustigé le pouvoir de les avoir retenus iront très vite rejoindre d’autres flots plus mugissants, plus florissants. Vous les verrez ensuite au deuxième tour rejoindre celui qu’ils pensent va gagner. C’est la vie de ces apôtres de la reptation qui se rebellent quand tout est en jeu, eux qui riaient aux éclats avec vous, eux qui applaudissaient vos discours.  Ils se rangeront comme par enchantement quand l’heure du choix final sonnera. Combien de ceux-là ont rallié Macky Sall entre les deux tours de la présidentielle de 2012 ? Ils savent mieux que quiconque jeter la querelle dans la rivière évoquant un intérêt supérieur qu’ils n’ont jamais eu ni dans leur coeur, ni dans leur tête. Ils ne considèrent cet intérêt supérieur que quand il s’impose à eux et devient leur intérêt personnel.

Abdoulaye Daouda Diallo s’est finalement rangé derrière le choix qu’il contestait après avoir pourtant fini par convaincre la moitié de l’APR de la mauvaise idée du président. On verra comment lors de cette campagne il ravalera ses propos. Aly Ngouille Ndiaye et Mahammad Boun Dionne ont persisté dans leur rébellion et ont scellé une alliance de circonstance. Mais accepteront-ils de faire le compromis que l’un se range derrière l’autre après avoir refusé, l’un et l’autre, de se ranger derrière Amadou Ba ? Auront-ils un autre choix ? Pour exister il faut se mettre à plusieurs et accepter des sacrifices. Mame Boye Diao se devrait de rejoindre l’un ou l’autre des camps. Seul il se fera dévorer. Les loups chassent en meute et il ne faut pas s’isoler. L’amère expérience de feu Tanor (paix à son âme) et Niasse en 2012 a montré ce qu’il ne fallait pas faire.

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Macky jouerait-il un jeu trouble ? Abdoulaye Daouda Diallo et Mahammad Boun Dionne s’estiment tous deux trahis par leur mentor qui, jusqu’ au dernier moment, leur aurait laissé entendre qu’ils tenaient la corde. Mais « on ne trahit bien que ceux que l’on aime », disait Maurice Sacks et de toute façon, pour ne pas « trahir » il faut d’abord gagner, ce qui n’est le cas de personne. Les jeux sont encore ouverts, tous ont encore droit à la légitimité de la trahison.

Si Amadou Ba ne se démarque pas assez tôt du président, alors ce dernier sera l’homme qui le fera perdre. Le caractère de M. Ba ne laisse cependant pas penser qu’il puisse s’extraire du piège dans lequel il est prisonnier.

En claironnant partout les critères qui ont conduit au choix d’Amadou Ba, Macky a savamment dressé les murs de la prison dans laquelle il l’a enfermé. « Avec Amadou Ba, ce sera la continuité, ce sera moi sans moi », semble t-il dire.

Parlant d’Amadou Ba, les opposants pourraient dire : « Lui, c’est Lui sans lui ». Cette saillie suffirait à galvaniser et mobiliser tous ceux qui sont contre le président, à voter contre son poulain.

Si d’aucuns pensent, que les candidatures internes de BBY sont suscitées par le président pour mieux contrôler son parti menacé d’implosion, quitte à affaiblir son Premier ministre, on ne pourrait leur donner tort. L’hypothèse reste possible tant le président montre sa volonté de vouloir rester au pouvoir même s’il n’est pas candidat. À chacune de ses récentes sorties, il n’a pu se refréner d’indiquer qu’il a bien droit à un deuxième quinquennat, ce qui en dit long sur son état d’esprit. Il lui faudrait alors dans cette perspective, à défaut d’être président, d’avoir la mainmise sur son parti. C’est la carte maitresse qu’il garde encore près de son cœur et qu’il entend jouer. Il ne faudrait pas, comme cela en prend le chemin, qu’à l’issue de cette bataille, que le cheval APR ne se mue en mulet, par l’incurie et les rivalités internes de ses chefs.

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La sortie au vitriol de Madiambel décrivant Boun Dionne comme un franc-tireur, n’assoira pas dans l’esprit de la plupart des observateurs l’ex-Premier ministre en vrai opposant. Bien au contraire, elle contribue davantage à épaissir encore plus le mystère. On y verra de toute façon plus clair quand la composition des états-majors de campagne de ces « rebelles » sera dévoilée et qu’on connaitra leur sort réservé lors des parrainages. Ce sera le test ultime.

En attendant, parmi cette escouade de candidats, nous voterons comme le suggérait Jean D’Ormesson pour Aly Baba car nous serons au moins sûrs qu’il n’y aura que … 40 voleurs !

Dr Tidiane Sow est Coach en Communication politique.







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