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Pour Une Plus Grande Fermete Dans La Protection Des Libertes Fondamentales

On a pu dire : « Les libertés publiques dans lesquelles entrent les droits civils et politiques sont par excellence, au plan du droit positif, la traduction de cet idéal, de liberté philosophique, sa façade juridique…

Cette façade qui n’a aucun sens en elle-même, et pour elle-même : selon que l’esprit de liberté sera ou non vivace, les libertés publiques prendront une importance particulière dans l’ordonnancement juridique ou, au contraire, dépériront sous le fait de violations répétées, acceptées dans l’indifférence. »

La défense des droits fondamentaux ou plus précisément des droits civils et politiques, tel était l’objet des procédures judiciaires devant la Cour Suprême et le Tribunal d’Instance de Ziguinchor du leader du principal parti d’opposition : Ousmane SONKO.

Pour revenir brièvement aux faits, rappelons qu’Ousmane SONKO, leader charismatique et courageux de PASTEF s’est vu refuser, sans aucune justification, la délivrance des fiches de candidature pour l’élection présidentielle de février 2024.

Cette violation injustifiée, constitutive de voie de fait, constituait la énième forfaiture du régime de Macky SALL à l’encontre de l’opposant Ousmane SONKO dont l’ambition légitime est de sortir le Sénégal et les sénégalais de la misère et des maux qui gangrènent notre Etat et qui en noms: corruption, gabegie, pillage des ressources nationales, etc…

En effet, après avoir honteusement fomenté un complot de viol dans le but de discréditer l’opposant, les juges ont finalement écarté cette incrimination de viol pour retenir le délit de corruption de la jeunesse !

Tour à tour, le leader Ousmane SONKO est ensuite accusé de diffamation dans le dossier du « festin de 35 milliards » ou l’affaire PRODAC sous la direction du ministre du tourisme Mame Mbaye Niang et le candidat de Macky SALL aux élections présidentielles de 2024, lui-même mentor dudit ministre et supérieur hiérarchique, le premier ministre Amadou BA

Il est ensuite arrêté Mano militari alors qu’il effectuait son « Némékou Tour », délesté de ses effets personnels, de quatre (04) portables et d’une forte somme d’argent puis conduit à son domicile sis à Keur Gorgui pour y être enfermé avec sa famille 56 jours durant

Le 56e jour, jour de la « délivrance », alors qu’il revenait de la prière du vendredi, il est accusé de vol de portable devant la porte d’entrée de sa demeure.

Après avoir été brutalisé ainsi que ses épouses, il est arrêté cette fois-ci, pour de bon par les forces de l’ordre sur ordre du Procureur de la République avec cinq (05) chefs d’inculpation (appel à l’insurrection, destruction des biens publics, etc.)

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La persécution et l’acharnement judiciaire…

La persécution et l’acharnement judiciaire, ne suffisant pas, c’est au tour de l’administration avec la Direction Générale des Elections (DGE) de prendre la relève en lui refusant de lui délivrer les fiches de candidature. Car, si on ne peut le supprimer physiquement, il faut le détruire civilement en l’empêchant de jouir de ses libertés fondamentales.

Pourtant, le Sénégal a garanti le respect et la protection des droits fondamentaux en signant et ratifiant les principales conventions en la matière comme la Charte des Nations Unies, la Charte africaine des droits de l’homme, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen en les proclamant dans la loi fondamentale.

C’est différentes conventions et traités internationaux où le Sénégal a librement aliéné une partie de sa souveraineté, imposent notamment aux Etats membres l’obligation de promouvoir le respect universel et effectif des droits et des libertés de l’homme.

Ces droits découlent, en effet, de la dignité inhérente à la personne humaine ; l’idéal de l’être humain, libre, libéré de la crainte et de la misère, ne peut être réalisé que si les conditions permettant à chacun de jouir de ses droits économiques, sociaux et culturels aussi bien de ses droits civils et politiques sont créées.

À cet effet, l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme, prévoit : « toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales, compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi. »

Cependant, si la démocratie est un droit égal à tous, sa défense est forcément le rôle de l’avocat qui, pour combattre les atteintes, doit identifier les obstacles de fait et de droit qui pourraient entraver la libre jouissance des droits fondamentaux.

En l’espèce, le refus de délivrance des fiches de candidature par la DGE ne reposait sur aucun argument sinon l’arbitraire et une insulte grave et intolérable aux conventions internationales en la matière signées par l’État du Sénégal, mais aussi une insulte au principe sacro-saint de la séparation des pouvoirs qui définit les compétences respectives du pouvoir exécutif, du pouvoir législatif, et enfin du pouvoir judiciaire.

C’est encore une insulte oh combien gravissime à l’endroit des millions de sénégalais d’ici et de la diaspora qui s’identifient à la doctrine du leader de PASTEF: « De par son positionnement doctrinal, le PASTEF et son leader Ousmane SONKO s’inscrivent parfaitement dans la lignée de ces grands partis ou mouvements politiques qui, tout au long de l’histoire ont combattu pour l’émancipation de l’Afrique. La nouvelle génération, incarnée par SONKO, veut « démarchandiser la politique » et « définir un nouveau contrat social» à même de jeter les bases d’une « nouvelle voie » du progrès national.

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Energie de ce programme de rupture générationnelle‚ bâtie autour du triptyque patriotisme, panafricanisme et l’antisystème qui sera le « feu qui chassera les ténèbres du repli sur soi, du pillage des ressources publiques, du clientélisme, de la gabegie, de l’incompétence, bref, de nombreux maux… »

Ces atteintes intolérables à la liberté de candidater ont justement été relevées avec fermeté par Madame Marième Diop GAYE, Procureur près la Cour Suprême qui, à la place d’un réquisitoire, nous a gratifié d’un cours magistral sur les libertés publiques et les droits fondamentaux dont le droit de candidater, la liberté syndicale, la liberté d’association ainsi que les droits de la défense comme la présomption d’innocence, le droit à l’assistance d’un avocat dès la première interpellation, le droit à un délai raisonnable, l’égalité des armes, bref, toutes les conditions requises pour un procès juste et équitable. Elle a aussi affirmé que les droits fondamentaux d’Ousmane SONKO ont été injustement violés par le refus de la DGE de lui délivrer des fiches de candidature ; que l’acte de retrait d’une fiche de parrainage est une simple prétention à la candidature qui ne préjuge pas de sa recevabilité qui sera tranchée par le Conseil Constitutionnel, lequel reçoit les candidatures, en arrête la liste et statue sur les contestations y relatives (article 2 de la loi Organique 2016-23 du 14 juillet 2016 portant création du Conseil Constitutionnel) ;

Cette fermeté dans l’affirmation des principes fondamentaux est en droite ligne avec la jurisprudence de la Cour de Justice européenne qui dans l’arrêt Selmouni contre France du 28 juillet 1999 consacre l’un des plus beaux principes juridiques qui soit, celui de l’élévation des standards démocratiques : « La Cour estime en effet que le niveau d’exigence croissant en matière de protection des droits de L’homme et des libertés fondamentales implique, parallèlement et inéluctablement, une plus grande fermeté dans l’appréciation des atteintes aux valeurs fondamentales des sociétés démocratiques. » Les démocraties ont le devoir de combattre cette inclination qui conduit toujours à s’attaquer aux libertés publiques ou individuelles pour atteindre l’illusoire de sécurité absolue.

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La décision du juge Sabassy FAYE, Président du Tribunal d’Instance de Ziguinchor ne nous surprend guère dans la mesure où ce sont les principes fondamentaux du droit invoqués à juste titre et développés brillamment par la sublime défense de Ousmane SONKO sur la compétence, la recevabilité, et l’état de contumace qui ont été appliqués.

Le juge Sabassy et le verdict… sur le siége

Bref, le droit a simplement été dit. Sur le reproche injustifié fait au juge par l’AJE de n’avoir pas suffisamment pris le temps qu’il faut pour délibérer, nous lui répondrons seulement que, pour la rédaction d’un jugement, les motivations ou considérants découlent de manière évidente des arguments ou moyens juridiques développés tout au long du procès par les différentes parties au cours de leurs plaidoiries. Qu’ainsi, le juge Sabassy FAYE aurait même pu rendre son verdict sur le siège.

Nous souhaitons que cette décision rendue, qui constitue un signal fort dans le contexte actuel marqué par les prochaines joutes électorales pour le fauteuil présidentiel, fasse jurisprudence pour que les atteintes aux droits fondamentaux et libertés publiques des candidats de tous bords et des citoyens soient non seulement sanctionnées, mais qu’elles puissent faire aussi l’objet d’une réparation comme le prévoit le second alinéa de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme qui dispose : « Tout individu lésé pourrait faire appel à l’organe judiciaire ou administratif compétent pour demander réparation en cas de violation du droit proclamé à l’article 13 (2) si ce droit est reconnu par la loi ou la constitution de son pays. »

A cet égard, la justice aura un rôle capital à jouer dans la mesure où elle devra rester indépendante, neutre, impartiale et objective.

En conclusion, on peut avec le grand publiciste Maurice Duverger, tirer la sonnette d’alarme : « Les libertés étant partout menacées, il est essentiel que leur protection soit renforcée dans les rares pays qui les pratiquent. »

Et Jean – Noël Jeanneney de renchérir : « En démocratie, si l’on n’a pas les moyens de faire que la pratique se conforme à la loi républicaine, il vaut souvent mieux pour le moral et la morale de tout le milieu concerné, rapprocher la loi de la pratique. »

Ousseynou FALL

Docteur en droit diplômé de l’OMPI et de l’OAPI







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