Ce chapeau de notre contribution, « Woto Wad » est une expression injontive en langue Pulaar qu’il arrive, qu’un supérieur adresse à son dépendant, souvent d’un ton sec, pour le mettre en garde contre son comportement qui laisserait à désirer. Ici « Woto Wad » peut être adressé au Président Macky Sall, par ses compatriotes, en rapport avec ses tendances à basculer de plus en plus dangereusement dans une dictature. Oui, c’est le mot. Ce qui est terrible est qu’il ne semble pas en être conscient. C’est dommage parce qu’il court le risque de ternir son bilan au dernier moment en en faisant à sa tête pendant que, la fin de son dernier mandat approche.
Il ne peut certainement pas ignorer que quand on cherche à concentrer tous les pouvoirs d’Etat entre ses mains et qu’on y arrive, avec tout ce qui s’y rapporte, on est seul responsable de tout ce qui peut se passer, surtout de regrettable dans le pays. C’est pour quoi, en usant de son pouvoir manifestement sans limite, contre certains compatriotes dans l’exercice de leur droit de s’opposer et de chercher à le remplacer, le suzerain qui nous gouverne doit être conscient que « gouverner c’est prévoir ».
Avis d’hommes de paix avisés
Prévoir quoi ? Ce que seuls les hommes avertis peuvent apercevoir venir. Notamment les conséquences que peut engendrer le fait de n’en faire qu’à sa tête. A rappeler que se fonder sur les avis et autres conseils, provenant de soit disant amis, qui s’astreignent à ne lui dire que ce qui est susceptible de lui faire plaisir, équivaut à n’en faire qu’à sa tête.
Je me souviens que notre père, toujours inspiré par une certaine sagesse paysanne ancestrale, nous disait que de tels amis ne seraient que les amis de la poche, non du destinataire des paroles mielleuses. Ces faux amis disparaissent dans la nature, toujours à la recherche d’autres poches lourdes, dès que leur bienfaiteur du moment ne dispose plus de ce qui les attirait vers lui, à savoir des « enveloppes », des passe-droits, le parapluie protecteur qui encourage ceux qui en bénéficient à ne rien craindre, quoi qu’ils commettent comme délits, voire crimes, ce qui arrive lorsqu’on perd le pouvoir, d’une manière ou d’une autre.
En observant l’arène politique Sénégalaise, on a du mal à croire que certains des acteurs qui y évoluent sont d’authentiques croyants, qui seraient convaincus que tout a une fin, que les profits qu’ils en tirent ne seront pas éternels. Autrement ils ne mettraient jamais de côté les recommandations à bien se conduire, à ne jamais contribuer à humilier qui que ce soit, que prodiguent le Coran, la Bible et d’autres croyances. On dirait qu’ils font une question de vie ou de mort leur acharnement à ôter de la tête des opposants toute idée d’accéder un jour au pouvoir.
Le pouvoir ne relève pas d’une couronne héréditaire
C’est comme si ce pouvoir était une couronne royale, dont ne pourraient prétendre que ceux d’une même dynastie, imbues d’un droit inviolable de s’opposer à ce qu’on s’oppose à eux. C’est une telle folie qui fait oublier à certains que le Sénégal est une République, rien à voir avec un royaume. Ses règles d’accéder au pouvoir sont définies par une constitution dont le gardien en titre, le Président de la République est quelques fois classé premier dans l’art de la violer. C’est en conséquence de cela que l’acharnement tant décrié du Président Macky Sall d’empêcher Monsieur Ousmane Sonko de pouvoir compétir à sa succession, et la détermination de celui-ci de lui résister au prix de sa vie, pour y parvenir, risque d’entrainer le pays dans une situation de ni guerre ni paix permanente, incompatible avec un fonctionnement correct des institutions, des services publics et des entreprises.
Que nul n’en ignore, et que personne ne prétende être surpris demain lorsque cette vitesse monstrueuse qui rampe tout doucement vers la palissade y arrivera.
Avertissement
Au lieu de faire courir, notre pauvre Sénégal un risque de dislocation, ceux qui pourraient en porter la responsabilité doivent revenir à la raison, sans délai car « thiaakhaan faakhee » « te moussiba saytaane la »
En tout cas le Président de la République sera le responsable en chef, mais pas le responsable exclusif, de ce qu’aucune Sénégalaise, aucun Sénégalais conscient, de quelque bord politique qu’il soit, ne devrait souhaiter. Qu’aucun comportement de politicien irresponsable ne vienne donner raison à ceux qui estiment préférable de tourner le dos à toute préoccupation politique, à cause de la situation qui nous guette, de vivre constamment dans une peur bleue.
Mais une telle attitude ne serait pas à encourager. Il faut continuer à chercher le bon grain parmi les plus de deux cents citoyens qui demandent à faire parrainer leur candidature. Qui sait ? En tout cas souhaitons tomber sur quelqu’un qui, à défaut de pouvoir faire mieux que certains que nous avons vus à l’œuvre, comme chef de l’Etat, ne nous fasse pas regretter son prédécesseur. Notre cher Macky Sall peut sourire un bout de temps avant de se fâcher par la suite, si je reconnais que dans son bilan sur deux mandats, il a du mérite en politique structurelle, pour aussitôt le critiquer après.
En effet sur le plan structurel, on peut dire que ça peut aller. Mais presque pour tout le reste de son bilan, souhaitons beaucoup mieux avec son prochain successeur. Deux points plus que noirs de son bilan, il n’y a pas lieu de chercher longtemps pour les identifier.
Démocratie et justice
En ce qui concerne la justice et la démocratie c’est le désastre, c’est le monde à l’envers pour un pays qui était un exemple en Afrique. Ceux qui font des déplacements en Afrique et ailleurs ont dû noter des avis pas du tout élogieux pour des sénégalais qui bombaient la poitrine avant la défaite de Abdou Diouf, pour la réputation de notre pays relativement à la démocratie et aux droits de l’homme.
Les observateurs qui avaient suivi l’affaire Khalifa Ababacar Sall et, dans une moindre mesure, l’affaire Karim Wade, de leur arrestation à leur jugement en dernier ressort avaient dû être sidérés par les décisions qui curieusement les avaient condamnés à des peines sévères fermes, privatives de leurs droits électoraux. Ces privations ayant été le but réel des bruyants remous-ménages qui y avaient abouti. Dans tout cela, les étudiants en droit et leurs professeurs étaient tombés à la renverse, lorsque le verdict concernant Khalifa Sall a été prononcé. A quoi sert t-il d’apprendre ou d’enseigner le droit, des lors que manifestement ce qu’on enseigne dans les facultés de droit et au C.F.J est méconnaissable quelque fois, appliqué dans les procès politiques.
Ne parlons pas du cas de Ousmane Sonko, qui empêche tellement de dormir les gens du pouvoir, que prononcer ce nom en lieu public soit en passe de devenir un risque de se voir mettre sous mandat de dépôt, sans pouvoir bénéficier d’une liberté provisoire. Attention au terrible article 80 du code de procédure pénale, institutionnalisé cependant, il ne faut pas l’oublier, sous le régime de Abdou Diouf, très vilipendé par tous les opposants de l’époque, surtout Abdoulaye Wade et de Macky Sall, qui ont cessé de le faire une fois au pouvoir et utilisateur dudit texte de loi. En tout état de cause cet article à fait l’affaire de ces opposants, qui n’en disaient pourtant pas que du bien. Cette loi, véritable arme aux mains du pouvoir est tout sauf une loi digne d’exister dans un pays démocratique. Abdoulaye Wade, puis Macky Sall avaient promis de l’abroger, le fait est la ils ne l’ont pas fait.
Sagesse et détermination de Sonko
Mais si draconienne que puisse être une disposition pénale, des opposants lui résistent. Le cas du prisonnier politique Ousmane Sonko en est une illustration. Une patate chaude dans la main de Macky Sall. Que lui reste t- il à faire pour s’en débarrasser ? S’il a le courage de s’en référer à l’électorat dans un scrutin transparent, libre et honnête, où pourra participer qui veut dans des conditions non discriminatoires, il a la réponse. Autrement la solution qui lui resterait est celle qui est pratiquée dans les pays qui, jusqu’à une période pas très lointaine rêvaient de la démocratie au Sénégal.
En perspective de cette alternative qui n’est pas souhaitable j’ai écrit ce papier, « Président Sall, Woto Wad ». Une invite à tempérer son acharnement contre Ousmane Sonko, dont le seul tort serait sa détermination à compétir pour le pouvoir, instaurer une politique autre que celle actuelle, d’obtenir que le Président Sall se mette à l’écart, sans rétroviseur, et s’abstienne de son nouvel acharnement de vouloir nous imposer un remplaçant de son seul choix Macky Sall a déjà connu des troubles psychologique qu’il avait vécus dans la solitude .
Macky Sall et son « ni oui ni non »
C’était lorsqu’il avait sans doute traversé le désagrément résultant du fait de passer des nuits sans dormir à cause d’une situation qu’il aurait pu éviter. C’était lorsqu’il était traumatisé par des hésitations entre respecter sa parole de s’en aller au terme de son deuxième mandat en cours, justement au moment où il était tenté de changer d’avis, et entrainer les institutions judiciaires, comme il avait les moyens, de le faire, de faire déclarer recevable sa candidature rudement contestée pour un troisième mandant. Lui-même et ses partisants, assimilent sans doute à un risque de perdre le pouvoir, le fait d’avoir en face de lui des candidats dont Ousmane Sonko. Avec ma prétention de connaitre la psychologie des hommes qui ont goutté le pouvoir et qui ne doutent pas que dans des élections réguliers ils perdraient, j’étais sensible au son sort Macky, au point que j’avais publié à son temps un papier de presse sous le chapeau « Pauvre Macky ». Je ne pouvais pas m’empêcher de le faire, habitué à essayer de comprendre « l’homme en situation ». Une façon de parler car, en ce qui concerne Monsieur le Président Sall, il n’avait rien à faire avec ma compréhension, si bienveillante soit t-elle.
Conseils à Macky
Souhaitons-lui la force de pouvoir désister à son dangereux combat contre Sonko, dépourvu de finalité légitime, en ce qui le concerne. Faire d’un point d’honneur des tracasseries inutiles qu’on s’est crées soi même, ce n’est pas bien indiqué et, au surplus, ce n’est pas faire preuve de sagesse. Les observateurs qui assistent au duel entre les deux protagonistes susurrent que dans ce combat, Ousmane sonko est plus motivé. Ce qui le prouve est que dans l’inégalité de force, Macky Sall peut s’adjoindre la justice et les forces publiques. Alors que, quant au brave Sonko, il ne compte que sur ses seuls biceps et sur un très grand nombre de militants et sympathisants déterminés de son parti, prêts à tout sacrifier pour lui, d’après les oui- dires, se basant sur sa conviction qu’il se bat dans l’intérêt de tous. Voilà pour quoi, en fait, il propose sa vie à qui veut la prendre, dès lors que pour lui, son rêve pour le Sénégal le justifie malgré les risques qu’il court avec sa grève de la faim, qui empêche plus d’un de dormir.
Qui disait qu’on ne meurt qu’une fois ? Surtout quand on meurt pour une cause juste, qui en vaut la peine.
Dakar, 1 Novembre 2023
Maître Wagane FAYE