«Cher Professeur, Il me plaît de répondre à votre réaction à la suite de ma décision d’attaquer le décret n*2023-2152 portant nomination des membres de la Commission Electorale Nationale Autonome (CENA) du fait de son irrégularité.
C’est un immense honneur que m’accorde le constitutionnaliste en se prononçant sur mon initiative. Je ne retiens, pour le moment, que la portée qui consiste à nourrir la réflexion citoyenne et la vitalité du débat. Cher Professeur,
En signant votre post, est-ce que vous vous adressez à moi en votre qualité de citoyen ou d’acteur politique engagé ? Je vous pose cette question parce que je n’ai vu nulle part votre qualité d’universitaire (professeur) sur la signature (vous avez mentionné simplement Ismaila Madior Fall).
Pourquoi est-ce que vous remettez en cause mon intérêt et ma qualité à agir?
Je vous rappelle que la CENA a été créée en tant que structure permanente et indépendante afin d’assurer qu’une seule chose : la libre expression du droit de suffrage, le droit de vote. La CENA en tant qu’organe de contrôle et de supervision a un rôle important dans la conduite des processus électoraux au Sénégal.
Toute décision qui viole les règles relatives à sa composition, son organisation et son fonctionnement est de nature à porter atteinte à l’intégrité dudit processus. Une telle violation compromet nécessairement l’expression libre et sincère du droit de suffrage, donc du droit de l’électeur. Une telle violation si elle est le fait d’un décret ne saurait se résumer à un acte administratif individuel ou collectif qui ne porterait grief qu’aux personnes qu’il concerne.
Le décret illégal pris par le président de la République dépasse les seuls intérêts particuliers que sont ceux des membres de la CENA.
Le respect de la loi et des principes du droit constitue le fondement de l’Etat de droit. En relisant mon cours sur le contentieux administratif, il m’est apparu que sur l’intérêt à agir, le juge procède à une interprétation plus ou moins rigoureuse et que la jurisprudence exige également une certaine individualisation de cet intérêt. Toutefois, les regroupements sont autorisés à recourir en excès de pouvoir à la condition de justifier un intérêt collectif en rapport avec leur objet cf. CS, 23 juillet 1975, Souleymane Sidibé et amicale des administrateurs civils du Sénégal. A titre de rappel, le processus électoral est préparé et organisé dans un seul but : l’expression libre du droit de vote. Le vote appartient à l’électeur et j’en suis un. Voilà ce qui fonde ma qualité et mon intérêt à agir. Je tiens à faire observer que je ne suis pas dans le clivage de la dualité ou de la bataille politique entre le président M. SALL et l’opposant O. SONKO. Je ne défends que l’intégrité du processus.
Il convient de noter que la CENA apparaît comme une autorité autonome garante de l’intégrité, l’équité, la crédibilité du processus électoral. En outre, la procédure de nomination de ses membres par le président de la République procède d’une compétence liée.
Vous ne devez pas affirmer de manière péremptoire que nous n’avons pas qualité et intérêt à quereller l’acte administratif. Tout citoyen doit veiller à ce que son vote ne soit pas détourné. Auriez-vous méconnu le fondement juridique de la création de la CENA rappelé dans le rapport de présentation du décret portant application : « Le contrôle et la supervision des opérations électorales et référendaires qui constituent un gage de la sincérité et de la transparence des élections ont conduit à la création, par consensus, de la Commission Electorale Nationale Autonome, CENA, par la loi n° 2005.07 du 11 mai 2005 »
La capacité juridique de l’électeur dans le cadre des élections départementales et municipales que vous avez invoquée concerne particulièrement le contentieux des opérations électorales et de l’élection du bureau des Conseils départemental et municipal.
L’éminent professeur ne devrait s’égarer dans un domaine qui lui est inconnu !
Ce n’est pas la première fois que j’attaque des décrets pris par le président de la République dans le cadre du processus électoral. Est-il besoin de vous rappeler qu’en 2014, j’avais amené le président de la République, sous vos conseils, à fondre les trois décrets fixant le nombre de conseillers à élire dans les départements, villes et communes; ce qui jusque-là était inconnu du jargon juridique au point que la Cour suprême ait mis entre guillemets le terme « fondus ».
Nous avons les arguments pour déconstruire les vôtres. Par conséquent, la justice nous édifiera.
Enfin, je ne me suis jamais autoproclamé expert électoral. C’est une réalité et vous le savez. Est-il besoin de vous le rappeler ? J’assume ma position d’expert électoral international reconnu par le ministère de l’Intérieur, la société civile sénégalaise, la presse nationale et celle internationale ainsi que les organismes internationaux.
Je vais juste vous donner une illustration : voir lettre annexée. Sachez que ce contentieux dépasse le citoyen O. Sonko ; il s’agit d’un combat pour la préservation de la démocratie et de l’Etat de droit. Je ne fais point partie de ces gens-là de tous bords qui envisagent un avenir sombre à partir de mars 2024. Je défie vos experts non autoproclamés à me rejoindre dans un débat public en la matière électorale, et ce, en attendant que le juge veuille bien se prononcer».