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Le Pari De Khalifa Sall

Un petit quart d’heure de discours en français et presque autant en wolof, devant des militants surexcités, pendus aux lèvres de leur leader dans l’attente d’une nouvelle feuille de route. Le lundi 21 octobre 2019, Khalifa Sall sorti quelques jours plus tôt, endossait déjà le boubou d’un présidentiable. Le discours servi était, presque, une profession de foi. Fidélité aux valeurs socialistes. 

Ancrage dans l’opposition, « avec responsabilité mais sans compromission, avec fermeté mais sans excès ». Le décor était campé. La prison n’est pas venue à bout de l’ambition de l’ancien maire de Dakar, mais ceux qui s’attendaient à un durcissement de sa démarche politique devront s’adapter au tempo de Sall : « Nous ne devons avoir ni haine ni rancœur, même dans l’adversité. Nous ne devons pas céder aux excès de la politique, ni perdre notre temps à ressasser le passé. » 

Khalifa Sall avait tourné la page de ses déboires judiciaires, mais il savait qu’il lui faudrait faire preuve de tact pour recouvrer tous ses droits. En attendant, il se projetait dans le futur et déclinait son projet de société à travers trois viatiques : la résilience, l’attachement à son identité idéologique (le socialisme) et la centralité des conclusions des Assises nationales dans son programme politique. En se présidentialisant ainsi en avance, Khalifa Sall affichait sa volonté de reprendre son projet politique là où il l’avait laissé avant sa mésaventure judiciaire. « Une grande Nation comme la nôtre ne peut se construire qu’à travers de grandes dynamiques autour des femmes, des hommes et des valeurs. Nous devons être ces femmes et ces hommes et incarner ces valeurs pour tracer un chemin d’espoir pour les millions de Sénégalais qui s’impatientent et s’angoissent. »

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Formé à l’école senghorienne, Khalifa Sall sait que dans notre culture, la retenue, le secret et la hauteur passent pour les attributs nécessaires de tout présidentiable. Il polit son image, adresse des œillades appuyées à la grande famille socialiste et déclame son amour au « peuple » des Assises. Il sait qu’en son absence, de nouvelles vocations ont vu le jour et de nouvelles ambitions se sont affirmées. Il lui fallait donc brusquer le rythme des saisons pour rattraper son retard. 

Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis ce discours de reprise en main de son destin politique. Inspirateur de Yewwi Askan Wi, son compagnonnage avec ses anciens alliés a buté sur la nécessité de répondre ou non à l’appel au dialogue du président de la République. Privé de ses droits civils et politiques, le leader de Takhawou Sénégal, a préféré prendre part au dialogue plutôt que de continuer à chauffer la rue comme l’y invitent les autres leaders de cette coalition de l’opposition. Exclu de Yewwi, l’ancien maire de Dakar a fait sienne ce conseil de la romancière française Valérie Perrin : « Il faut apprendre à donner de votre absence à ceux qui n’ont pas compris l’importance de votre présence. » Depuis plusieurs mois, Khalifa Sall fait le tour du pays pour vendre sa candidature. Le « Mottalli yeene » qu’il a entamé depuis 8 mois est un succès. Sa bonne connaissance du monde rural le promène de village en village dans le Sénégal profond. A Kédougou, à Tamba, à Koumpentoum, à Koungheul, à Kaffrine, à Kaolack, à Fatick, à Louga, à Diourbel et au Walo, le candidat arpente les routes sinueuses et les pistes cahoteuses pour établir un dialogue direct avec les populations. Sa maîtrise des questions agricoles et son programme axé sur la revitalisation de l’agriculture l’aident beaucoup dans cette immersion dans le pays profond. L’approche de co-construction de son programme avec les Sénégalais est un changement de paradigme bien accueilli. 

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Dans ce contexte de montée des périls, entretenu par des radicalités corrosives, Khalifa Sall se positionne comme un recours apaisant pour tous les citoyens en quête de normalité. Son sens du dépassement, sa stature d’homme d’Etat, sa promesse d’une tranquillité républicaine avec une Constitution figée sur le marbre de notre vivre ensemble, sa capacité à fédérer les Sénégalais autour du grand projet national, son refus de la chasse aux sorcières, etc. lui donnent des atouts non négligeables pour mettre fin aux meurtrissures nées des disputes autour de l’enjeu de pouvoir. Khalifa Sall, comme le laissent penser nombre d’observateurs politiques, n’est pas le favori de la présidentielle du 25 février 2024, mais il sait qu’un miracle, comme un pari, cela se prépare, cela se conditionne et cela se réalise à force de volonté et de persévérance. Loin de la fureur médiatique dakaroise, il avance avec méthode vers son objectif. Comme un certain… Macky Sall en 2012. 







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