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Mamoudou Sidiki Kah, Doyen Des Kakabe De Thilogne Jaaraama

C’était le dernier mot que je pouvais dire, du fond de mon sincère moi-même, lorsque se refermait ta fraîche tombe, ce jeudi 30 novembre 2023 : Jaaraama Baab Mamoudou ! Au rayonnant soleil de ton âge, la quarantaine à peine, nous, cinq ou six garnements casse – cous, avions neuf, douze, treize ans. Proviseur du lycée Abdoulaye Sadji de Rufisque tu étais et nous, tous nouveaux lycéens, pour la plus part.

Baab Mamoudou, tu nous avais tous réunis sous ton toit, et nous avais éduqués sous le sceau de ton empreinte.

Où que tu vinsses, quelqu’un témoignait que c’est toi qui l’avais pris par la main, la première fois, pour le faire entrer à l’école, un autre confirmait que c’est toi, quand il avait perdu tout espoir d’être orienté, qui avais assuré son transfert sans difficulté aucune.

Tu étais généreux, franchement gratuit sans calcul, sans attendre un retour ou une quelconque reconnaissance. Partout, tu étais parmi les tiens, des amis de différentes couches et conditions sociales, amitiés solides et fécondes que le temps et les vicissitudes de l’air n’ont jamais su altérer. De chaleureux rapports avec tes aînés, commissaire Mamadou Racine Ly, Abdoul Wahab Ly dit Zeynoul Abidine, premiers fonctionnaires thilognois dont les maisons, comme la tienne, ne désemplissaient jamais de monde. Que dirais-tu de Jagaraf Samba Mari Dia, de Daouda Fofana de Ndiouf, de Samba Thiam de la RTS, de Idrissa Ly de Lidoubé, de Jafaar Matel de la Mauritanie ? Que dirais-tu de Bassarou Sow, des frères Bham et Oumar Samba Diouldé, de Samba Mourouyel Mbodj de Mody Hawa Ba ? J’imagine la solitude de Sylla Ba.

De ce que le Fouta et la région comptait d’importants, du Fedde Bamtoore à l’Association Pour la Renaissance du Poular (ARP) dont tu étais membre fondateur, à certains membres du « Groupe Nobal » en passant par les chanteurs classiques jusqu’aux gens de modestes conditions, tu ne manifestais aucun complexe de t’afficher avec.

Tu savais compter et gérer tes relations, créer des cloisons étanches avec la personne concernée, donner de la main droite ce que la gauche ne pouvait évaluer. Houdou Sidiki Kah, commissaire ne savait distinguer les limites fraternelle de la tutelle parentale. Les rôles de grand frère s’emmêlaient à ceux de père protecteur.

Des homonymes, tu en avais, à profusion, à battre un record. Que dirais-tu de tes frères Mamadou Amadou, Kalidou Amadou, Abou Ka, Hamidou Sidiki, Diéliya Sidiki, de Kalidou, Adama et Fatimata Wahab de Saydou Kane de Blanchot, Mamadou Sow ? Nassirou Athie et Mouhadji Sam dit Baba Galle ?

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Fiançailles, mariages, démarches administratives passaient entre tes mains, pour toute la famille. Quand vint le moment de fonder un foyer, tu ne fus en aucun instant attiré par les chants des sirènes. Tu choisis la famille Ka de Dakar qui a gardé intacte son originalité et eus comme beau-père Amadou Ibra Kane.

Khady Kane tu épousas dans toute son innocence, sa pureté à ses quinze ans comme ont disait « kosam am rufi e karaw am », les semblables se sont unis. Tu eus des enfants, sans exceptions, à l’image du couple béni pour l’éternité. Aucun parmi eux n’a dévié du droit chemin. Tous avaient eu un cursus scolaire exemplaire. Tous vivent sous leur propre toi, dans de confortables conditions.

Chez toi, on ne parle que le poular, le poular authentique. même si tous tes enfants sont nés et ont grandi à Dakar, tu ne leur parlais que dans ta langue maternelle. Un visiteur ou hôte se présente à la maison, la première chose à faire pour toi, c’est d’expliquer aux enfants leurs liens de parenté avec l’hôte. Ce fait semble banal mais très important. S’y ajoutent les soirées de conte, couché sur le dos, ton dernier sur ta poitrine, tu lui épelais les mots et lui faisais articuler les expressions  avant de lui servir un féerique conte plein de morale.

L’arbre de ta généalogie, comme ton jeune frère, commissaire Houdou  Sidiki Kah, tu en avais à revendre, même aux rares griots de la famille qui tenteraient d’en dérouler.Tu étais de l’Odyssée de la création de l’ASC des Sicap Amitié 2 avec les Amadou Elimane Kane,  vice-président président de la Fédération Sénégalaise de Football (FSF). Tu avais un engagement citoyen pour la commune, le sport et la fondation de l’hôpital Gaspard Camara.

Tu étais aussi debout pour la Grande mosquée de Grand Dakar. Avec Thilogne c’était la consécration d’un patriote, d’un démocrate éprouvé qui vouait un amour infini à ses terres d’origine et le confirmait dans ses actions de tous les jours. Tu étais présent à tous les grands rendez-vous, à tous les moments historiques décisifs. Tu étais coopté par les sages dans le comité de suivi de la réhabilitation de la grande mosquée de Thilogne et avais montré ta sérénité inaltérable pendant les chauds moments de discussion. Tu étais là aux prémices de la fondation de Thilogne Association Développement (TAD), avec la jeunesse partageant leurs idéaux et en démocrate authentique frayant avec eux en toute modestie.

Tu étais chargé de la reconstruction de la mosquée de Badel, qu’on appelle Diama Amadou Yaya. Tu étais toujours là aux ziaras annuels de Thierno Hamet Baaba Talla quand tes forces te le permettaient. Tu étais à la mairie, dans les écoles, à encourager les jeunes à étudier. Tu étais là, dans la grande mosquée, après la prière, bonnet retourné à recueillir des billets et des pièces de monnaies pour la mosquée ou pour un nécessiteux. Tu étais là avec ton cousin le Khalif Thierno Mamadou Lamine Talla à aller rendre visite à Coumba Kodadi Sall, mère de Samba Soya Diagne, à l’historien Ounty Dia de Sinthiou Boukary, aux Jagarafs Yira et Diaga Dia. Tu étais là pendant la nuit de Maouloud entre Molle, Hallaybe Golléra tard dans la nuit à consacrer pour chaque quartier une partie de ton temps avec El Hadji Sidiki Kah, comme accompagnant. Tu étais là à la rencontre de la diaspora en France et aux États-Unis. Tu avais tenu une conférence mémorable avec Amadou Moudou Diallo de Thilogne, président à l’époque de Poular Speaking à New York. Tu avais tenu les foutankais en haleine en expliquant que Thilogne se transcrit Thilone et non Thilogne. Thilone, diminutif pluriel d’un arbre qui aurait donné son nom au village.

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Pour un poularophone, mathématicien de plus, la faute est de la légèreté ou de la négligence du bureaucrate qui aurait peu de connaissance socio – historique du milieu. Cette erreur devait interpeler au plus haut point les autorités de tutelle, le maire de la commune notamment pour une rectification administrative du nom.

N, est une occlusion nasale dentale  (muumal ñonndal deeƴngal takoñiiƴewal, « Ñ » est une occlusion nasale palatale (muumal ñonndal deeƴngal ɗakañiiwal). Amadou Moudo de souligner par ailleurs, que tu avais tenu ce jour-là un cours magistral sur comment lire et décrypter les textes du grand chanteur de Leele Samba Diop. Les Thilognois avaient t-ils réussi à déchiffrer et assimiler tes messages, ton enseignement ? Peu importait pour toi. L’essentiel pour toi était de poser des jalons.  Tu ne parlais jamais des autres, tout comme tu ne parlais jamais de toi-même, donnant raison à l’adage « deyyere bhuri haala », le silence vaut son pesant d’or.

Tu ne leur diras jamais que tu étais le premier bachelier pas seulement de Thilogne mais du canton du Bossoya. Tu ne leur diras jamais que tu venais en vacances scolaire à cheval accompagné d’un garde de cercle, qui après les vacances, revenait te chercher. Tu ne leur dira jamais qui tu es, ce que tu représentes, les opportunités alléchantes maintes fois offertes à toi sur un plateau, que tu avais sagement repoussées du revers de la main. Parce que tu ne voulais jamais biaiser, te compromettre, tenir un langage de duplicité, langage qui n’avait jamais été le tien. Tu n’avais jamais affiché un comportement ostentatoire Tu n’avais jamais aimé les discours élogieux, flatteurs. Tu n’avais aucune hauteur, aucune suffisance, aucune prétention, aucune convoitise. Tout simplement parce que tu ne réclamais rien pour toi, ne revendiquais rien, ne demandais rien.  Tu étais unique, indifférent aux lauriers, semblable à Sidiki et Amadou Djeliya. Tu préférais l’enseignement comme sacerdoce, ta bibliothèque bien fournie, le coran parmi, toujours à portée de main un crayon pour griffonner sur un jeu d’esprit, un journal ou un livre, si ce n’était te pencher pour écrire carrément un poème en poular, un livre.

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Une chronique très prisée que je m’empressais de dévorer du temps de proliferation de journaux d’opinion, source de respiration de la démocratie portait la signature Dooro. Nul doute concluais-je son auteur était haalpoular de par la consonance du surnom. Il avait une belle plume, une très belle plume, ce Dooro. Les sujets d’actualités qu’il posait, traitaient avec un léger détachement, propre aux hommes de culture, de faits de société dont il soulevait un petit pan du voile pour inciter à la réflexion. Bien plus tard, quelques dix ans après, on me fila à l’oreille que ce Dooro était notre Dooro. Toujours effacé, toujours discret. Tu étais aussi touche à tout, à la mécanique automobile, à l’électricité, à l’entretien, à la réparation au bricole.

Les familles de Sylla, Gollera, Siiwe, Agnam Thiodaye, Sinthiou Bamambé  Kaolack Mbour Tambacounda Dakar, tes innombrables homonymes de loin ou de près t’ont rendu un hommage reconnaissant à la hauteur de ta grandeur, de la grandeur de ton âme, père et grand-père de tous. Nous ne te pleurons pas Dooro, mais saluons ta mémoire, ce grand monsieur que tu es, qui part après avoir accompli entièrement sa mission, à la grande satisfaction des parents, amis et alliés. Nous ne te pleurons pas Dooro, miraculé de la nuit du Mawlid, après une visite des quartiers Hallaybe, Mollé, Gollera de Thilogne et environnants avec son accompagnant El Hadj Sidiki Ka qui sonnait comme un tour d’honneur, le glas d’un au revoir.

Repose en paix Dooro Sidiki Diéliya, dans la terre que tu as tant chérie, tant aimée, sur qui tu t’es tant investi.

Que Janaoul Firdawsi soit ta dernière demeure.

Adieu Dooro !







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