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Aux Juges De Sauver L’honneur De La DÉmocratie SÉnÉgalaise

Messieurs les juges,

Rendez au Sénégal ce qu’il vous a donné. S’il y a une seule dette, vraiment une seule, est venu le temps de l’honorer. Je commence par cette banalité qui aurait dû à elle seule suffire.

J’ai passé la nuit dans la solitude d’une blessure profonde, à tourner et retourner dans tous les sens l’évènement politique absurde qui vient de se dérouler sous nos yeux.

Deux partis politiques ont décidé de museler toute une Nation en imposant un coup de force. Le décret annoncé par Macky Sall le 3 février, indûment adopté et qui prétend abroger un précédent décret convoquant le corps électoral pris sur la base d’une compétence liée ne suffit pas. Les violences à l’encontre des députés de l’opposition, qu’on attaque et réduit au silence, ne suffit pas. La soixantaine de jeunes tués pour avoir osé exprimer leur ras-le-bol et les milliers de détenus politiques écroués pour avoir aménagé un contre espace d’expression face à la dictature de Macky Sall, n’ont pas non plus suffi. Il a fallu en sus qu’on nous inventât de toutes pièces une « crise » et nous imposât une rhétorique qui ne traduit en rien la réalité.

Puis, lorsque nos députés ont tenu à restaurer cette réalité par le vote, le PDS/Wallu et certains députés de Benno Bokk Yakaar soutenus dans leur forfait d’usurpation par Amadou Mame Diop, président de l’Assemblée nationale, ont poussé le vice aussi loin que de soumettre cette réalité à leur répugnante volonté. Rien dans l’histoire politique du Sénégal n’égale en violence cette scène de forces de sécurité empêchant l’opposition de voter et de représenter le peuple. Rien ne sera jamais aussi insultant, méprisant et souillant que cette scène où Amadou Mame Diop prétend faire le décompte en à peine quelques secondes et en l’absence de l’opposition, pour proclamer 104 voix en faveur du report de l’élection présidentielle du 25 février au 15 décembre 2024.

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Messieurs les juges,

Il y a eu trop de morts. Beaucoup trop de morts dont nous ne pouvons faire qu’approximativement la comptabilité. Que direz-vous à leurs mères qui les pleurent encore ? À leurs enfants qu’ils ne verront pas grandir ? Aux femmes, aux époux, à ceux qui comptaient sur eux pour survivre ? Parviendrez-vous à regarder vos propres enfants dans les yeux sans baisser la tête ? Est-il uniquement question de privilèges ? Ces privilèges valent-ils vraiment votre dignité ? Valent-ils de tourner le Sénégal en dérision à la face du monde ?

Vous ne devez rien à un président et quelques députés usurpateurs. Vous le savez mieux que nous. Assumez la vocation qui vous est dévolue de droit et qui est de protéger la Constitution. Nous voulons croire que quelque part, dans ce pays, la justice peut encore s’affirmer dans un sursaut d’indépendance républicaine ; comprendre qu’elle n’est redevable qu’à la République. Ne faites pas de nous d’imbéciles naïfs de croire en vous.

N’acceptez pas de tremper vos mains dans le sang déjà versé et celui qui pourrait encore l’être davantage. Vous avez toutes les cartes en main : il suffit de dire le droit.

L’injustice, Messieurs, n’attend pas le jugement pour hurler. Si elle crève vos tympans et que malgré cela vous en veniez à arbitrer en faveur de l’iniquité, du mépris et du cynisme de l’exécutif et du législatif en faillite, j’espère que la mauvaise conscience vous plongera dans des nuits sans aube ; mais que surtout avant toute justice divine, la République et les citoyens sauront se rappeler à votre souvenir ici-bas. Laissez les faux calculs à ceux qui ont déjà failli, vous pouvez encore laver l’honneur de notre démocratie et paver une bonne fois pour toute, le chemin à une justice indépendante.

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Vous avez les cartes en main. Les véritables maîtres du jeu, c’est vous. Nos espoirs ? C’est encore vous. Notre avenir, ne vous y trompez pas, c’est également le vôtre.

Ndèye Aram Dime est consultante en affaires publiques et politiques.







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