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MÉsaventure

Macky Sall aurait-il perdu le sommeil ? Pas de doute : il ne dort plus à poings fermés. Il est probable que son insomnie soit liée aux réactions suscitées par son fameux décret qui annule l’élection prévue de longue date le 25 février pour la repousser au mois de décembre prochain avec une prorogation de son mandat à la tête de l’Etat.

« Un mandat bonus !», raillent non sans malice et perfidie ses adversaires qui fulminent contre son attitude outrancière. Avait-il prévu l’effet causé par sa décision de report de la présidentielle à laquelle il ne prend pas part ? 

Il n’a commencé à mesurer l’amplitude de l’onde de choc provoquée que lorsqu’il a fini de s’adresser au pays et à la nation. Un véritable tollé, en vérité. Dans la foulée, il s’est employé à limiter les dégâts en levant les équivoques, en dissipant les malentendus éventuels et surtout en initiant une démarche de justification et d’explication auprès des médias pour ne pas perdre la face.

Le mal est fait. Presque. Puisqu’il se surprend à découvrir l’écho de la désapprobation et surtout sa résonnance mondiale. Or Macky est sensible à son image sur le plan international qu’il ne souhaiterait voir écornée ou dégradée. D’où sa promptitude à accorder un entretien à la chaîne Web TV de l’Agence américaine de presse AP. La presse nationale est zappée, soit dit en passant…

Dès lors, à quoi a servi sa sortie via cette tribune bien visible au demeurant ? Bien malin qui le saurait. En revanche, elle n’a pas émoussé l’ardeur des contempteurs qui rebondissent avec plus d’allant, notamment les coalisés, les impactés et les … recalés.

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Les pays de grande démocratie exigent la tenue de la présidentielle suivant l’agenda électoral inscrit dans une loi constitutionnelle.

En écho, cinq juristes de renom se fendent d’un retentissant article co-signé pour dénier au Président de la République la prérogative, loin d’être sienne, de report de l’élection majeure.

« Il appartient exclusivement au Conseil Constitutionnel de décider de l’opportunité de report de l’élection présidentielle », précisent ces universitaires respectés. Ils ajoutent : « Plus que il doit restaurer l’autorité attachée à ses décisions pour sauver la démocratie sénégalaise. » Sans appel.

Justement ce rappel de principe suffit à lui seul à empêcher au « gardien de la Constitution » de dormir mais surtout de convaincre grand monde.

L’acte posé par le Président Sall et le vote dérogatoire de l’Assemblée nationale au cours d’une houleuse session « remettent en cause les fondements de notre République », écrivent les juristes.

Pire, selon eux, ces «violent la charte fondamentale qui dénie au Président de la République et au Parlement toute prérogative pour interrompre le processus électoral déjà enclenché. » Les professeurs de haut rang voient dans l’effet d’allongement du dernier mandat du président sortant un « artifice » méritant une censure du Conseil Constitutionnel du fait qu’il viole la Charte fondamentale dans ses dispositions intangibles, « hors de portée de toute modification ».

Cet article au vitriol, volontairement polémique, s’ajoute au débat ininterrompu par médias interposés soulignant l’inopportunité de la mesure présidentielle alors que son auteur s’érigeait en objecteur face aux dérives des putchistes de la sous-région qui, à leur tour, tournent en dérision les sempiternelles rodomontades du président sénégalais.

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Loin d’être los, l’épisode révèle un isolement accentué du chef de l’Etat qui a tenté d’afficher une incarnation républicaine. Informée ou pas, l’opposition a senti que le Président est reclus dans une solitude qui le désavantage. Usé ? Las ? Anxieux ?

Pour éviter le chaos et les fuites, il a organisé avec minutie sa déclaration qui n’a été ébruitée qu’au dernier moment. Le secrétariat exécutif politique de l’APR ignorait tout de la démarche, à l’exception de deux pôles mis au parfum : le Président de l’Assemblée nationale et celui du Groupe parlementaire de la majorité.

Les deux étaient-ils outillés pour endiguer la bronca qui allait suivre ? Pas si sûr. D’autant qu’il se dit que certains alliés au sein de la coalition Benno et pas des moindres, restent attachés à leur choix initial « quoi qu’il advienne ! » Traduction : rien n’est négociable à cette étape fatidique.

Usant de leur poids politique, Moustapha Niasse et Aminta Mbengue Ndiaye ont mis à contribution leur incomparable expérience pour raffraîchir les mémoires en alertant surtout sur les dangers qui guettent à trop vouloir affaiblir son propre camp par des divisions à calculs infinitésimaux.

En clair les fossoyeurs sont à contenir dans de stricts réduits pour éviter la bérézina. Dès lors, qui est habilité à calmer ces remuants trublions ? Tout le monde le sait. Mais personne ne veut ou n’ose piper mot à propos de la « main invisible » qui actionne ces fantassins que le grand nombre prend pour des loufoques.

Le déséquilibre qu’ils créent fausse l’introuvable cohésion, indispensable à toute stratégie conquérante. De ce fait, l’isolement de Macky s’est transformé en une solitude impossible à déchiffrer au plan politique.

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S’y ajoute son orgueil personnel difficile à canaliser. Douze ans à la tête du pays, rarement il a fendillé l’armure. Son physique impressionnant et ses larges épaules, le rendent-ils désormais craintif, moins chaleureux, peu communicatif au point d’assister impuissant à la rencontre des extrêmes ? Désormais il redoute la déconstruction de son œuvre et l’atmosphère de fin de règne peut accroître son niveau de stress. 

En privilégiant sa posture de chef de l’Etat au détriment de son rôle politique pivot, il brouille les pistes et envoie ses partisans dans les cordes ou dans le décor. Est-il compréhensible que les instances de sa formation soient dans l’inaction une semaine durant ?

Faute de consignes claires, ils sont restés muets, rasant les murs et le plus souvent cloîtrés en attendant une éclaircie qui tarde à rayonner. D’ailleurs de quels arguments disposent-ils pour croiser le fer avec des adversaires requinqués par les failles du pouvoir ?

Ce moment est décisif dans le long conflit qui s’ouvre et oppose des acteurs suivant des accointances à géométrie variable. Les rapprochements qui se dessinent et les écarts qui se creusent donnent un aperçu de la recomposition de l’échiquier. Les bases sont aussi obscures que les doctrines sont illisibles.

L’absence d’identité formelle évacue la sincérité des alliances et ôte toute rationalité à la politique menée chez nous. En d’autres termes, l’actuelle classe politique manque de classe pour n’avoir pas fait les classes.

Or la politique la plus aboutie commence par le b.a.-ba, une somme éprouvée de connaissances élémentaires (pratiques et théoriques à la fois).  







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