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Il A Mal, Toi Aussi !

C’est vrai, il est mal pensé d’avoir des maux mal pansés ; mais ne pas pouvoir les extérioriser, engendre, souvent, un profond soupir, synonyme de douleur. L’intériorisation d’un mal crée, froidement, un raidissement dans le corpus humain, et par ricochet, social. En antinomie de la raison, le mal est le signe de l’absurdité du monde ou de l’histoire et du caractère insensé des conduites humaines. Ce sentiment d’avoir mal, provoqué par les comportements successifs de quelques acteurs de la classe politique, – à la suite du délibéré par le Conseil constitutionnel, annonçant les heureux invités à la campagne présidentielle, – est un lit factice gavé d’immondices sulfureux pour la nation sénégalaise. Quelques scénarii se dessinent de façon orthogonale et dont le point de jonction se situe au cœur de la dimension politicienne de cette crise (réelle ou latente ?), qui se donne à lire dans des concepts clefs : actes, comportements, défiance, simplification et stratégie. Décryptage.

UN : les actes. Certes, les actes posés ici et là, sont expressifs, mais je m’en éloigne, au risque de tomber dans du juridisme évanescent ; en revanche, il apparaît clairement qu’il existe une exploitation plurielle annexée d’une « hyperbolisation » excessive que l’on peut faire des textes juridiques. Personne n’est blâmable, tout le monde a raison. Ce nœud inextricable, avec un ordre de densité croissante, de jour en jour, à la solde des citoyens, complexifie les actes posés. Pèle-même, des instruments réglementaires et communicationnels sont convoqués (commission d’enquête parlementaire, l’adoption du projet de Loi par l’Assemblée nationale ; réunion de l’Union des Magistrats du Sénégal, communiqué assurant protection et solidarité de corps, discours du Chef de l’État et décret abrogeant le processus électoral, sortie d’éminents constitutionnalistes, surdose communicationnelle dans les réseaux sociaux, retrait et remise de licence d’un organe d’informations). Des actes, de part et d’autre, conflictogènes, à prendre très au sérieux. En ce moment précis, notre construction État-nation repose sur de frêles épaules, soutenue par un cratère, avec, en dessous, un magma en fusion. Une architecture bien craquelante qui ne résiste point aux premiers soubresauts. Il y a manifestement fissure. Les lignes de notre territoire national bougent, avec un écart d’amplitude proche du seuil critique. Malheureusement.

A supposer que l’enquête parlementaire valide que le Conseil constitutionnel a dit la vérité, toute la vérité, c’est-à-dire s’appuyant sur la plénitude de son rôle, et de son outil de travail (le droit) pour lire et dire rien que le droit. Ce cas nous renvoie, alors, à des juges exempts de tout acte corruptogène, qui aménagent subrepticement des haies d’honneur dans la sacralité de leur conscience, pour éviter l’opprobre, à tous instants. Nous allons conclure que du haut de leur manteau d’éthique et de responsabilité, ces sages d’état si chevillés, de manière intangible, aux principes sacro-saints de l’administration, ont une haute perception de la « régalienneté » de leur mission

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DEUX : le comportement de toute une corporation (juges, magistrats,), (journaliste, technicien des media) a été synchrone, avec une auto-défense des pairs (communiqué et édito commun), de manière urgente, claire et nette. Il s’agit là, d’un rapport objet/sujet assez saisissant de la théorie du comportement humain au fondement de l’intervention sociale. Si l’ombre d’un doute n’a pas plané sur leur comportement exprimé, à contrario, le comportement implicite d’un côté (probable refus de répondre à une instance législative d’égale dignité ?) et d’un autre côté (menace d’une journée sans presse), trahit souvent son porteur.

Dans ce prolongement, à l’hémicycle, lors du vote du projet de Loi, le comportement ostracisant et aphone des parlementaires des deux coalitions (Bby et Wallu) si clivants d’habitude, face à une extase verbale des parlementaires de l’autre camp, renvoie, à la surface, un message très bruyant. J’emprunte à Nietzsche son propos selon lequel « le corps est d’une grande intelligence ». Un seul organe lui confère une supériorité sur l’animal, c’est son cerveau, instrument de l’esprit et de l’intelligence. Ce qui se trame sous nos yeux repositionne, de manière coordonnée, un jeu d’esprit, avec des corps habiles, drapés dans des oripeaux d’une intelligence comportementale. Voilà justement où se situe la complexité du jeu qui relève d’une approche stratégique. Personne n’y gagne et tout le monde y perd. Cruel destin, j’allais écrire.

TROIS : Si les exigences s’élèvent tandis que les degrés de satisfaction déclinent, suivant un mouvement sinusoïdal, alors une défiance des lois de la République surgit, avec des discours haineux et violents, facilitée par l’existence d’un environnement digital ouvert à tous les risques qui s’y attachent. En vérité, à l’heure de l’intelligence artificielle, et de la superposition de plusieurs outils digitaux, marqués par des standards de la communauté, nous allons droit vers une défiance digitale, même avec une réduction de l’accès aux débits des données mobiles. Le « e-citoyen » étant déjà confortablement installé dans notre territoire national, l’amplification de la crise (réelle ou latente ?) se fait avec une aisance déconcertante. Par prolongement, cette situation aboutit à une défiance institutionnelle assez pernicieuse et porteuse de ravalement du rang de l’Autorité à une atomisation de son statut. Ici, les motifs argumentatifs de la non-confiance et de la défiance institutionnelle sont faiblement saisissables. Il y a simplement un effet de mode et surtout d’attirance vers de nouvelles options politiques plus inclusives et en phase avec les préoccupations réelles des populations. Le rapport de non-confiance ou de défiance unissant les citoyens à la politique se nourrit d’une variété de facteurs relatifs à la position sociale des citoyens, à la mise en cause de leurs intérêts par les politiques publiques comme à leur perception normative de l’univers politique. Ce qui, sans doute, participe à un rapport au politique construit de façon endogène, à dimension fortement normative et manifestant une capacité argumentative fondée sur différents types de principes.

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Dans cette perspective, la relation de défiance politique est d’abord fonction du rapport dynamique entre efficacité de l’action publique et exigences du respect des lois et règlements, par les citoyens. On peut en envisager que la défiance augmente sous l’effet d’une érosion cumulative des politiques publiques et d’une réponse limitée face aux réels problèmes qu’elles sont supposées traiter et générant ainsi un sentiment manifeste de déception. Mais cette défiance peut également résulter d’une augmentation des exigences des citoyens à l’égard du politique, selon une logique mercantiliste, les “bénéficiaires” de l’action publique espérant toujours davantage, à performances égales ou même croissantes.

A y voir de plus près, autant la situation est complexe, autant l’on note une simplification des motifs argumentatifs dans plusieurs prises de parole. Il est courant de lire et d’entendre une fixation sur une date butoir : le 02 avril 2024. C’est méconnaître les arcanes technico-institutionnelles et juridiques de la charge présidentielle. Le « Je » présidentiel est trop chargé et charrie des décrets. Le fait de convoquer les articles de la Constitution rien qu’en misant sur l’article 52, en termes de pouvoirs exceptionnels, démontre à suffisance, le fil tenu qui lie le président de la République et le Peuple. Ce qui se passe, dans notre pays, exige la combinaison d’une agilité collective et l’inventaire d’une intelligence émotionnelle, pour créer une catharsis apte à sauvegarder notre territoire craquelé et chahuté, par des balafres visibles. L’avantage de la simplification des faits politiques complexes permet de trouver un consensus et de faire naître une évidence. Au moins, à ce niveau, c’est souhaitable. En revanche, ne peut avoir une approche simplificatrice, c’est faire preuve d’une gestion des risques internes et externes pour parer à toute éventualité.

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QUATRE : il demeure constant que cette situation nécessite plus qu’une simple démarche opérationnelle, faite de « marche » et de « méthodes scolaires ». Le comment qui est utilisé pour chercher « qui » ou « quoi » me paraît limité ? Il faut inventer une véritable stratégie politique portée par un leadership éclairé. Les différents protagonistes politico-sociaux élaborent une stratégie pour avoir une adhésion du peuple, seul destinataire de politique publique et seul capable de sanctionner un candidat à la présidentielle. Que les spins doctes en communication et les stratèges en politiques publiques entrent en jeu, la seule constante qu’est le peuple sera l’arbitre, lorsque la tension sera estompée. Heureusement, ici, d’autres ressorts culturels et cultuels existent. Ils sont actionnables en tout temps et en tous lieux. Toute stratégie non actionnable ne permet pas d’impacter l’issue de cette crise (réelle ou latente). La meilleure des stratégies doit se baser sur la vérité. Vérité des différentes parties prenantes, dans l’appréhension des problèmes, la mise en avant du contenu de la Constitution et la quête de sortie du dilemme.

A contrario, à supposer que le Conseil constitutionnel n’a pas dit et lit le droit ; autrement, a grugé les Sénégalais d’une contre-vérité féroce et stupide. En ce moment, les conséquences peuvent être fâcheuses et très fâcheuses. C’est tout un pan de l’Administration publique qui va s’écrouler. Car, “si tu ne sais pas porter ton péché, ce n’est pas la faute de ton péché : si tu renies ton péché, ce n’est pas toujours ton péché qui est indigne de toi, mais toi de lui.” C’est un scénario catastrophe sans limite et fin.

En tout état de cause, le bissap est tiré, il faut en prendre deux gorgées et se mettre très vite autour de la table du dialogue. Nul doute que des préconisations actionnables en sortiront. Il a mal, toi aussi !

Dr Ousseynou TOURE,

Expert en Développement territorial,

Spécialiste en communication & formation







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