Lorsque l’on assiste à une représentation théâtrale, les scènes se succèdent en plusieurs actes dans un déroulement pensé, réfléchi pour accrocher notre attention et nous mener, par le bout du nez, jusqu’à l’acte final. Au moment où le rideau tombe, la salle applaudit à tout rompre pour rendre hommage au jeu des acteurs, saluer le moment enchanteur qu’ils viennent de vivre. A ce moment-là, nul ne pense à l’immensité du travail des petites mains dans les coulisses : machinistes, éclairagistes, maquilleuses, costumiers, sonorisateurs etc. Toute une armée de compétences sans lesquelles la magie n’aurait jamais opéré… Et, au-dessus de tout ce beau monde, il y’a l’auteur de la pièce et le metteur en scène. Ils ont inventé, créé et livré un moment de joie à des centaines de spectateurs. À quelques exceptions près, l’unanimité étant impossible en la matière. Certains sortiront en grommelant, déçus ou frustrés que telle ou telle partie du spectacle ne fut pas à la hauteur de leurs attentes… Ainsi va la vie !
A l’identique, la scène… politique nous offre, mais rarement, des spectacles de haute qualité frisant la perfection. Au point où l’on ne se demande jamais le pourquoi du comment, tant la magie opère ! On se fait mener par le bout du nez, les scènes et les actes se succèdent et l’on se retrouve à la fin d’un… mandat sans en avoir saisi le fil conducteur découvrant, stupéfait le dénouement d’une intrigue savamment menée. Ceci dans l’hypothèse d’une mise en scène réussie, au service d’une histoire bien écrite et qui connait un dénouement heureux. Dans le cas contraire, d’une histoire dont les actes s’enchainent sans inspiration, laissant deviner la fin de l’intrigue dès le premier acte, les spectateurs ont une boule au ventre. Ils n’applaudissent pas. Ils subissent le jeu des acteurs, eux-mêmes stressés par le ressenti des spectateurs qui leur renvoient des ondes négatives par des soupirs désapprobateurs.
Revenons à la réalité !
Je le dis tout de go : Tout le long des douze années de règne du président Macky Sall, les sénégalais assistent, médusés, à une pièce de bien mauvais goût dont, tant la mise en scène que les acteurs se montrent bien en deçà des promesses du générique.
Au début était la promesse d’une gouvernance sobre et vertueuse… Le film annoncé, à fort budget de communication, tournera progressivement au film d’horreur. Et la chute, à laquelle nous assistons depuis le 03 février, date initiale du début de la campagne électorale pour l’élection présidentielle prévue le 24 février, dévoile progressivement les coulisses où s’activent tant de petites mains, que dis-je tant de petits esprits… La fin du spectacle approche et il y a comme un air de plagiat dans l’air. Tout ce qu’il nous est donné de voir depuis la signature du décret annulant l’élection du dimanche 25 février ressemble, étrangement, aux événements du 17 décembre 1962. La qualité de la mise en scène faisant la différence, ainsi que le jeu des acteurs, mais surtout en raison des enjeux colossaux, notamment économiques, sous-jacents.
Tout y est : Un président de la République qui fragilise le chef du gouvernement, Une assemblée nationale encerclée par les forces de l’ordre et vidée des députés de l’opposition, une judiciarisation de la politique, des guides religieux complices de fait ou par leur silence, la mise en berne de la Constitution, la domestication de l’administration, une presse qui concoure à assurer le service après-vente de toutes les dérives du pouvoir…
Il ne manque au tableau que la mise aux arrêts du Premier ministre comme ce fut le cas du président Mamadou Dia, chef du gouvernement en 1962, le contrôle total du pouvoir par un parti unique dit unifié pendant des dizaines d’années.
Ce qu’il me semble intéressant de remarquer et que les nombreux analystes de notre pays devraient scruter à la loupe lorsque je convoque ces similitudes, c’est la méthode Foccart qui semble être la trame de tout cela. Jacques Foccart, tout puissant « Monsieur Afrique » du temps du Général De Gaulle, était un expert en déstabilisation des régimes africains à peine sortis de la colonisation. Avec ses armées de mercenaires et de barbouzes, il mettait son ordre dans tous les pays africains dotés de leaders aspirant à une vraie décolonisation, plutôt qu’à une indépendance formelle. Tous les premiers coups d’Etats qui se sont déroulés en Afrique, autrefois sous domination française, portent l’empreinte de Jacques Foccart. La force de Jacques Foccart résidait dans le fait qu’il était invisible du grand public. Il ne cherchait pas la gloire pour sa personne. Il servait exclusivement le Général de Gaulle dans son idée du rayonnement de la France. Foccart inspire et continue d’inspirer une catégorie de nostalgiques de la France conquérante, « sûre d’elle-même et dominatrice » comme le disait le Général De Gaulle parlant de l’Angleterre… Malheureusement les héritiers de la Françafrique de Jacques Foccart n’ont ni son génie ni son talent. Et l’Afrique a tellement changé !
Cette digression juste pour indiquer une direction vers laquelle nous devrions porter nos regards : l’hyperactivité de Monsieur Robert Bourgi, qui se revendique fils adoptif de Jacques Foccart, doit etre interrogée et mise en contexte. Quel rôle joue-t-il auprès du président Macky Salldont il se dit familier ? On l’a vu aussi, sur une photo qui aurait dû rester privée, attablé au domicile du Premier Ministre-candidat Amadou Ba. De temps à autres Il se répand en interview suggestives sur les enjeux cruciaux de notre pays dont il aurait la nationalité, non exclusive ! J’ai vu à la une d’un site internet qu’il prétend nous apprendre ce que le président Macky Sall compte faire après le 2 avril 2024, date de son départ de la présidence de la République…
En vérité, Robert Bourgi n’a ni l’envergure de son mentor ni, surtout, sa légendaire discrétion. Il est amateur de costumes sur mesure, fait l’étalage de ses relations … Il révèle les confidences qu’on lui fait pour se faire mousser et séduire. Il n’est pas un homme de l’ombre, ce qu’il aurait dû rester ! Et c’est pourquoi la pièce en cours au Sénégal, et dont il prétend être un acteur, dévoile presque totalement l’identité des véritables auteurs de la mise en scène ! De plus, l’acteur principal est sujet, de plus en plus, à des accès d’énervement qui dévoilent des faiblesses coupables dont des dérapages verbaux incompatibles avec le prestige de la fonction… Cela pousse les souffleurs à élever la voix pour se faire entendre de lui lorsqu’il sort du texte… Malheureusement les spectateurs attentifs les entendent aussi, ce qui est le comble pour un souffleur.
Tout cela fait passablement désordre !
Espérons qu’à son retour du sommet des pays exportateurs de gaz où il se rend aujourd’hui, le 01 mars 2024, le président Macky Sall, qui va rencontrer du beau monde dans le cadre de la reconfiguration des partenariats stratégiques pour la mise en valeur de nos ressources gazières et pétrolières, nous reviendra avec des contrats signés avant la fin de son mandat prévu le 02 avril 2024.
« Heureusement que l’élection a été annulée à temps ! » pensent les mauvais esprits !
Ah ! Cette odeur de gaz !