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Les Candidatures A L’election Presidentielle Au Senegal

Parmi les neuf (09) dossiers de candidature à l’élection présidentielle figure : «Une déclaration sur l’honneur par laquelle le candidat atteste que sa candidature est conforme aux dispositions des articles 4 et 28 de la Constitution, qu’il a exclusivement la nationalité sénégalaise et qu’il sait écrire, lire et parler couramment la langue officielle» (Art. L.121) du Code électoral La Constitution de 2001 mise à jour en 2022 a réaffirmé et consolidé cette disposition en son article 28 : «Tout candidat à la présidence de la République doit être exclusivement de nationalité sénégalaise, jouir de ses droits civils et politiques, être âgé de trente-cinq (35) ans au moins et de soixante- quinze (75) ans au plus le jour du scrutin. Il doit savoir écrire, lire et parler couramment la langue officielle». C’est dire que la question de l’exclusivité de la nationalité sénégalaise à l’élection présidentielle a une histoire. Les autres élections, législatives ou locales, ne sont pas concernées par cette disposition. On peut donc considérer que l’exclusivité de la nationalité sénégalaise ne concerne que les candidats qui aspirent à exercer la charge d’une fonction éminente et très élevée, celle présidentielle considérée comme la clé de voûte des institutions. Il ne faut donc pas la diluer dans des considérations générales sur la bi- nationalité, la double nationalité, l’attachement à une patrie. Il ne s’agit pas non plus de l’étendre à tous les autres corps de l’Etat et des institutions de la République, comme le suggèrent certains. Le patriotisme, la contribution des binationaux au développement économique, social, culturel ou sportif de notre pays ne fait l’ombre d’aucun doute.

A la lumière de la trajectoire de notre histoire politique on s’aperçoit que l’exclusivité de la nationalité à l’élection présidentielle n’a pas toujours existé. De 1960 à 1992, il n’existait pas de juridiction constitutionnelle autonome. C’est la Cour suprême qui, en sus de ses compétences en matière civile, pénale, sociale et administratives, était compétente en sections réunies en matière constitutionnelle. C’est pourquoi la loi constitutionnelle n°92-23 du 30 mai 1992 initiée par les pouvoirs publics sénégalais, a profondément réformé la justice constitutionnelle en créant une juridiction constitutionnelle chargée de dire le droit constitutionnel et de contrôler les élections nationales, dénommée Conseil constitutionnel (CC). De 1960 à nos jours la question de la nationalité sénégalaise est inscrite dans la Charte fondamentale du pays. Mais, elle n’était pas exclusive. C’est sans doute la raison qui faisait que la question de la double nationalité du président Léopold Sédar Senghor qui a dirigé le pays pendant vingt (20) ne s’est jamais posée (1960- 1980). Mais c’est à partir de 1991 que l’exclusivité de la nationalité sénégalaise pour tout candidat à l’élection présidentielle a commencé à se poser. Elle a été réaffirmée par le Code électoral consensuel de 1992, plus connu sous le nom de Code Kéba Mbaye, fruit d’un consensus entre les acteurs politiques. On peut donc considérer qu’une des conditionnalités pour pouvoir briguer les suffrages des Sénégalais à l’élection présidentielle, figure la Déclaration sur l’honneur de l’exclusivité de la nationalité sénégalaise. Cette disposition qui régit depuis lors le processus électoral dans notre pays est devenue un acquis historique irréversible.

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Les articles 4 et 28 de la Constitution du 22 janvier 2001, adoptés sous le magistère du président Abdoulaye Wade, ont réaffirmé à nouveau et consolidé cette disposition. Mais, dans la pratique, on peut s’interroger sur l’application effective de ce principe depuis son adoption en 1992, à savoir pour les élections présidentielles de 1993, 2000, 2007, 2012 et 2019 ? La simple Déclaration sur l’honneur qui est prévue par l’article LO. 114 du Code électoral, selon laquelle le candidat atteste qu’il «a exclusivement la nationalité sénégalaise» est- elle suffisante pour prouver le bienfondé de l’effectivité réelle de la renonciation à d’autres nationalités ? Une renonciation purement verbale estelle suffisante ? Assurément pas. Mais la notion «Déclaration sur l’honneur», pour quelqu’un qui aspire à exercer la fonction présidentielle qui, par excellence, est la plus élevée dans un Etat moderne, même si elle n’est pas efficace, revêt tout de même une signification symbolique de haute portée. Les citoyens, peuvent-ils accorder leur confiance à un candidat qui dès la phase préliminaire de constitution de dossier de candidature ne leur dit pas la vérité. Cela renvoie à la notion de parjure, qui est un délit sévèrement puni par la Charte fondamentale de notre pays.

Maintenant le problème qui se pose est de s’interroger sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de contrôle et de vérification de l’exclusivité de la nationalité des candidats à l’élection présidentielle. L’idéal aurait été que le C.C. puisse se rendre dans les 198 pays au monde pour procéder au contrôle et à la vérification de l’exclusivité de la nationalité des candidats. Mais en raison du nombre restreint des membres du C.C. (07) et en raison des délais extrêmement courts entre le dépôt et la publication des listes de candidature, une telle modalité de contrôle ne peut se faire au regard de l’article 29 de la Constitution qui dispose : «Les candidatures sont déposées au greffe du Conseil constitutionnel, soixante jours (60) francs au moins et soixante-quinze (75) jours francs au plus avant le premier tour du scrutin.»

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Qu’en est-il du cas du candidat Karim Wade qui suscite tant de passion et de polémique ? En effet, les dossiers de candidature de ce dernier ont été déposés le 26 décembre 2023. La date de clôture des listes par le C.C. a eu lieu le 20 janvier 2024. C’est dire que la déclaration sur l’honneur de Karim Wade a été faite sans la production de l’acte de justice qui devait la valider. Comme le prévoit le Code électoral en son article L. 127, «le droit de réclamation contre la liste des candidats est ouvert à tout candidat. Le C.C examine ces recours et statue sans délai». C’est ainsi que le candidat Thierno Alassane Sall président du Parti Républicain des Valeurs a été le premier à se manifester le 22 décembre 2023, en déposant un recours conformément à la loi électorale, pour demander l’invalidation de la candidature de Karim Wade au motif que ce dernier détient une double nationalité (sénégalaise et française), alors que la Constitution exige la nationalité exclusivement sénégalaise pour être éligible. Le candidat de la coalition Karim 2024 réagit à l’interpellation qui lui a été adressée en fournissant un document prouvant la renonciation à sa nationalité française. Le décret portant rupture du lien d’allégeance de Karim Wade à la nation française a été signé le 16 janvier 2024 et publié le 17 janvier de la même année, soit trois (03) jours avant la publication de la liste définitive des candidats à la présidentielle dont la date était fixée au 20 janvier 2024. C’est dire que le décret de perte d’allégeances était arrivé tardivement par rapport à la Déclaration sur l’honneur de renonciation de Karim Wade à la nationalité française. Comme chacun le sait, les délais en matière de procédure sont fondamentaux en Droit. C’est la raison pour laquelle, le C.C a considéré que lorsque le candidat Karim Wade faisait sa Déclaration sur l’honneur, il n’était pas exclusivement de nationalité sénégalaise. C’est pourquoi, le C.C a donné raison à Thierno Alassane Sall qui a visé la fausse Déclaration sur l’honneur du candidat du PDS. Celle-ci, par définition, n’est rien d’autre que la perte du lien d’allégeance qui suppose la perte de la fidélité et de la soumission à une nation. Mais, cette perte de la nationalité française, pour être validée devait être accompagnée par un acte administratif qui en atteste l’effectivité. Or, le décret de renonciation de Karim Wade signé par le Premier ministre français en date du 16 janvier 2024 est postérieur à la date à laquelle il a fait sa Déclaration sur l’honneur. De nombreuses critiques ont été formulées à l’endroit du Conseil constitutionnel. Si certaines d’entre elles sont parfaitement recevables, d’autres le sont moins, et par conséquent doivent être relativisées. Nous devons tenir compte de la nature et des limites de cette institution qui est née dans un contexte particulier de l’évolution de notre système politique. Du fait de sa composition très réduite (07 membres), le mode de désignation des membres du C.C doit être revu et augmenté. Il en est de son mode de saisine et de désignation des membres qui composent cette prestigieuse institution. La procédure contentieuse doit être également réexaminée et réformée en profondeur pour s’adapter aux exigences de notre époque. Le Conseil constitutionnel a des compétences d’attribution, c’est-à-dire des prérogatives limitativement énumérées par la loi. Mais en attendant, nous devons avoir un profond respect en notre justice dont le Conseil constitutionnel est partie intégrante. Ce n’est pas avoir une attitude citoyenne que de jeter en pâture la justice de son pays en passant tout son temps à la dénigrer. C’est encore bien moins de faire preuve d’une attitude républicaine et citoyenne en cherchant coûte que coûte à jeter par-dessus bord la justice de son pays en la défiant perpétuellement par des accusations fallacieuses contre les juges qui sont chargés de dire le Droit, afin de créer les conditions d’une déstabilisation institutionnelle de notre pays

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Ousmane BADIANE

Expert électoral







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