Les promesses électorales sont souvent faciles à faire par slogans et propos populistes. Celles sur la monnaie se doivent d’être plus prudentes car elles peuvent en 24 heures détruire une économie et appauvrir des millions de personnes.
J’ai récemment répondu à la question d’un journaliste me demandant ce que je pensais du Sénégal sortant de la zone CFA. Ma réponse décrivait en quelques mots et à grands traits ce que pourraient en être les conséquences immédiates, et parfois dès l’appréhension de ce risque par les agents économiques sous forme d’anticipations. Cela ne veut pas dire que je sois contre la nécessaire réforme d’un dispositif qui présente des limites sérieuses.
J’en ai exposé quelques unes et des pistes de réponses à plusieurs reprises. Je partage ce texte datant de déjà deux années qui est celui de ma dernière intervention publique sur le sujet.
Mon souci sur cette question majeure reste d’éviter de l’enfermer dans des querelles politiciennes faciles et des réformettes pour essayer de les éteindre. Elle doit par contre provoquer des réponses réalistes à la construction de souverainetés et de croissances partagées au sein d’un espace panafricain.
Conférence organisée par le Forum des Initiatives citoyennes
Dakar – Terrou Bi – le 26 mai 2022
Intervention de M. Abdoul Mbaye, ancien Premier ministre
Mesdames, mesdemoiselles, messieurs,
Je commencerai par féliciter le « Forum Initiatives citoyennes » pour cette initiative particulière, venue à point nommé sous la forme d’un débat sur une question essentielle et d’actualité ; aussi parce que je suis convaincu que les initiatives citoyennes constituent la juste voie du futur entre les propositions relevant de dogmes et d’idéologies d’une part, du populisme d’autre part.
Je voudrais également saluer tous ceux qui sont présents et ont préféré un « remue-méninge » plutôt qu’un repos de jour férié.
Puisqu’il s’agit d’introduire et de contribuer à provoquer un débat, je tâcherai d’être le plus synthétique possible, réservant le retour à des détails plus précis en réponse à d’éventuelles questions qui ne manqueront pas d’être posées.
Le thème de la conférence est un appel à des propositions. Les miennes vous sont proposées en deux chapitres principaux :
En première partie, et parce que les systèmes monétaires n’ont pas attendu notre conférence pour s’inventer, je retiendrai que le modèle existe déjà sans être optimal, et proposerai un fil conducteur pour le transformer en exemple.
En seconde partie, des propositions porteront sur les ruptures nécessaires pour transformer le modèle retenu en exemple attrayant (dans l’objectif de son possible élargissement) ou à imiter (dans le souci de sa reproduction dans d’autres sous régions de notre Continent).
Le modèle existe sans être optimal en raison des leçons de l’histoire récente qui détermine les prochains défis de notre planète que je vois défis de souveraineté dont le caractère crucial a été mis en exergue par la crise du covid 19 puis la guerre Ukraine-Russie. La nouvelle géopolitique planétaire accouchera d’un nouvel ordre ou nouvel équilibre mondial. La périphérie de ce monde, essentiellement occupée par l’Afrique, s’éloignera encore davantage de la route de la prospérité. Le développement autocentré est le nouveau chemin. Il n’est possible que dans le cadre de nations regroupées pour devenir fortes ensemble.
- L’heure est d’ailleurs déjà celle des grands ensembles dictant leurs règles et exigences, fussent-elles idéologiques, géopolitiques, économiques et commerciales. Le modèle ne peut être celui du format réduit, mais plutôt celui du regroupement et de l’intégration entre pays au sein d’une région ou d’une sous-région. Sans toutefois perdre de vue que l’ambition du périmètre trop étendu peut créer de l’inefficacité et de la lenteur mesurée en termes de décades perdues.
- Le modèle monétaire que nous recherchons aujourd’hui ne peut donc être que d’intégration monétaire d’une part, et ne peut cependant servir un ensemble en termes de progrès économique global qu’en existant dans le cadre d’une intégration économique d’autre part.
- C’est le modèle qu’offrent au monde l’UEMOA et l’UMOA depuis au moins 1994 lorsque la création de l’Union Économique a été retenue comme indispensable pour consolider et préserver l’Union Monétaire après le choc de l’unique dévaluation que le franc CFA ait connu. C’est ce modèle qui a ensuite été imité par l’Union européenne. Il n’est cependant pas le modèle parfait.
- Ce modèle reste en effet à mes yeux imparfait et figé. C’est pourquoi il a été longtemps soumis à de vives critiques. Celles-ci ont imposé les réformes de décembre 2019. Mais je pense que ces réformes sont insuffisantes lorsqu’elles n’ont pas correspondu à de simples leurres.
- Il me semble par conséquent nécessaire de faire le choix de véritables ruptures qui pourraient nous conduire vers le juste modèle en mesure de créer un mouvement global d’émergence économique partagé entre les différents membres d’une union économique et monétaire constituée. L’objectif étant bien entendu que chaque membre gagne davantage en union que seul. C’est également ce principe qui doit permettre la mesure de la réussite du projet.
Toutes les réformes ou ruptures que je souhaite proposer pour cheminer vers un modèle monétaire optimal le sont à l’aune des défis de souverainetés, qu’il s’agisse de la protection, du renforcement ou de la recherche de souverainetés en dyptique :
1-souveraineté globale de l’ensemble concerné, et
2-souveraineté individuelle de chaque pays membre.
Pourquoi ?
Revenons à la guerre Russie-Ukraine, et avant cela au gel des avoirs de pays que l’on cherche à détruire (exemple de l’Iran).
Les avoirs à l’étranger sont constitutifs des réserves en devises, elles-mêmes contrepartie essentielle de l’émission monétaire et instrument indispensable pour le commerce et la croissance d’une nation.
Le blocage de ses avoirs est devenu une arme de combat majeure pour contraindre un pays souverain à baisser les armes, à abandonner des postures jugées par lui d’intérêt national.
Les réserves apparaissent comme l’élément majeur de souveraineté d’un État. En dépendent :
- La sécurité militaire (achat armements),
- La sécurité alimentaire (achat de produits alimentaires essentiels ou en complément de productions nationales),
- La sécurité sanitaire (achats médicaments et équipements)
- et même la sécurité intérieure mise en cause par les conséquences d’un manque de devises en termes de pénurie et de hausse des prix.
La politique monétaire se doit donc de replacer le rôle des réserves et celui de leur nature comme primordial avant même ce qu’elles produisent comme monnaie dont elles ne sont qu’une des contreparties.
Plus près de nous, au sein de la zone UEMOA, des décisions de sanction ont été prises par la Conférence des chefs d’état de l’Union (9 janvier 2022) endossant celles de la CEDEAO contre le Mali. Ces sanctions ont été prises en l’absence des représentants de cet état, comme moyen d’agir contre de nouveaux pouvoirs nationaux et donc comme attentat à une souveraineté nationale (sans jugement de valeur à porter) ; elles l’ont donc été en violation de la règle principale de l’unanimité des Traités devant permettre la prise de décisions par les organes supérieurs en charge de la gouvernance des institutions communes. Cela doit par conséquent conduire à une double réflexion :
- Sur l’exposition au diktat des autres pays membres ligués contre lui d’un pays membre d’une union monétaire, alors qu’il a renoncé à son pouvoir régalien de battre monnaie au profit de la Banque centrale unique ;
- Sur l’exposition de l’ensemble des pays membres à des sanctions contre leur organisation décidées de l’étranger.
Imaginons que demain, les pays occidentaux pourraient par exemple décider de geler les avoirs chez eux des pays UMOA parce que ces derniers ne soutiendraient pas suffisamment la cause LGBTQ.
Quelles ruptures nécessaires pour transformer le modèle retenu en exemple ?
Ayant retenu que l’UEMOA et l’UMOA étaient des modèles, bien entendu améliorables, proposés au reste de l’Afrique et du monde, permettez que la suite de mon intervention les prenne comme références pour toutefois aboutir à des principes et recommandations qui conserveront leur caractère général à l’échelle au moins africaine.
Des constats faits en introduction de ma présentation et des problématiques majeures identifiées, je tire les conclusions suivantes avec
- D’une part le souci d’un intérêt pour l’essentiel, notamment la sauvegarde de la souveraineté en toutes circonstances,
- Et d’autre part le refus de privilégier les réformettes légères, quelque puisse être la force de leur exigence.
Ainsi, il faut réaffirmer avec force que le franc CFA est bien une monnaie africaine, ayant cours légal au sein de pays africains. Elle est une monnaie commune à 8 pays africains. Elle est donc en sus panafricaine et ce n’est pas rien. Elle a même été modèle mondial inspirant l’Euro, cette dernière répétition n’est pas inutile.
Mais sa nature de monnaie africaine n’est pas synonyme de souveraineté assurée ni pour l’ensemble des membres constitués en union, ni pour chacun d’eux pris séparément (exemple récent du Mali).
Il faut donc le réformer.
Des réformes ont été annoncées en décembre 2019. Mais elles sont caractéristiques d’une fausse réforme parce que parfois insuffisante et parfois tromperie.
Sous la pression de la jeunesse africaine et d’un débat également entretenu par des universitaires, le 21 décembre 2019 les changements suivants ont été annoncés par le président de la France et celui de la Conférence des chefs d’états de l’UEMOA
En réponse aux activistes :
- Le changement de la dénomination du franc CFA au cours de l’année 2020 ;
- Le choix d’intégrer la nouvelle zone d’émission de la future monnaie de la CEDEAO qui s’appellera « Eco » ;
- La fin de la présence de ressortissants français dans les instances de gouvernance de la zone UMOA ;
En réponse aux économistes et à la communauté des détenteurs de francs CFA :
- Le maintien de la parité fixe par rapport à l’Euro (dans l’attente de l’intégration à la zone Eco) ;
- Le maintien d’une « garantie illimitée » du franc CFA par la France mais excluant la contrainte de dépôt obligatoire d’une partie des réserves de la BCEAO dans les livres du Trésor français.
Les engagements pris et relevant de l’État français ont été respectés. Ils ont donné lieu à la signature d’un nouvel accord de coopération liant l’État français et les États membres de l’UMOA signé le 21 décembre 2019.
Ceux pris par le président du Conseil des ministres de l’UMOA ne l’ont pas été : ils concernaient le passage du franc CFA vers l’Eco en 2020. C’est une première déception : les engagements pris devant son ou les peuples d’une Communauté doivent être respectés !
Je propose de passer au crible des souverainetés les points de cette réforme qui fut annoncée majeure :
- Le changement de la dénomination du franc CFA au cours de l’année 2020 ;
Il était important d’y donner suite car correspondant à une demande forte ; mais force est de reconnaître que le passage vers la dénomination Eco fut annoncé comme un leurre visant à « calmer le jeu » car cela était impossible dans de tels délais. Cette promesse de nouvelle dénomination devrait être tenue ; la seule problématique significative est celle du coût des remplacements des signes monétaires.
Toutefois retenons qu’un changement de dénomination n’apportera aucun gain en termes de souveraineté. Le faire croire est un autre leurre.
- Le choix d’intégrer la nouvelle zone d’émission de la future monnaie de la CEDEAO qui s’appellera « Eco » ;
Ce fut un second leurre fait pour calmer les activistes en affichant une volonté de rejoindre l’Afrique en s’éloignant de la France ; mais ceux qui prenaient cet engagement savaient pertinemment que ce projet entamé en 2009 ne serait pas tenu avant très longtemps. Relevons qu’il n’y aurait pas eu d’évolution en termes de souveraineté.
- La fin de la présence de ressortissants français dans les instances de gouvernance de la zone UMOA ;
C’est certes un acquis mais qui reste toutefois mineur, puisque des rapports écrits (art 5 de l’Accord de coopération du 21/12/2019) se substituent à des présences physiques. Les rencontres physiques étant organisées sur demande (art 6), le retour d’un représentant de la France étant prévu en cas de crise (art 8). Il n’y a donc pas d ‘évolution majeure en termes de souveraineté.
- Le maintien de la parité fixe par rapport à l’Euro (dans l’attente de l’intégration à la zone Eco) ;
C’est un maintien de dépendance par la parité ; il n’y a donc pas de gain de souveraineté. Et dans l’hypothèse d’un franc CFA qui serait surévalué par rapport à l’Euro, c’est le choix de privilégier le commerce avec la zone Euro, donc un frein à une indépendance commerciale accrue.
- Le maintien d’une « garantie illimitée » du franc CFA par la France mais excluant la contrainte de dépôt obligatoire d’une partie des réserves de la BCEAO dans les livres du Trésor français;
La suppression du compte d’opérations n’empêche pas la nécessité de détenir des réserves en euros ; la garantie illimitée est le maintien d’une illusion qui crée un lien de dépendance, et donc affaiblit le degré de souveraineté. Cette posture de garant conservé par la France contribuera à ralentir la marche vers l’Eco en maintenant la suspicion des autres États membres de la CEDEAO. Soulignons enfin qu’une monnaie émise par une banque centrale compétente n’a pas besoin de garant financier.
Ces constats conduisent ainsi à l’interrogation suivante : où se trouveraient donc les vraies réformes en sus du changement de dénomination du franc CFA qui ne serait d’ailleurs qu’une petite réforme bien que symbolique, et au coût élevé ?
Évoquons d’abord les réformes créant ou renforçant une souveraineté globale :
- Mettre fin à la garantie illimitée par la France. Parce qu’elle n’existe pas dans les faits, elle n’est pas nécessaire sauf si nous admettons l’incompétence de la BCEAO à défendre la monnaie qu’elle émet depuis plus de 60 ans d’indépendance. Pour se prémunir contre le risque possible d’une conjoncture particulièrement défavorable et surprenante qui épuiserait les réserves de la BCEAO en quelques jours, il suffirait de remplacer cette « pseudo garantie » par des accords de prêts à court terme avec des institutions majeures internationales ;
- Rendre l’essentiel des réserves (sauf celles nécessaires aux opérations de clearing périodiques) comme insusceptibles d’être bloquées sous quelque prétexte que ce soit. Il faudrait donc les conserver principalement en or ou métaux précieux sur les territoires nationaux et les constituer essentiellement grâce aux productions nationales de ces métaux.
- Faire le choix d’une parité flexible par rapport à un panier de devises plutôt que par rapport au seul Euro.
A présent les réformes créant ou renforçant la souveraineté nationale :
- Il n’y a pas de distinction à faire entre une perte de souveraineté acceptable et celle qui ne le serait pas. A l’intérieur de la zone monétaire commune, il est indispensable d’adopter un mode de gouvernance partagée et collégiale de la Banque centrale commune. L’édifice construit doit reposer sur le principe que le renoncement à sa monnaie nationale conduit à faire de la banque centrale commune sa banque centrale nationale. Il faut rejeter le principe d’une Banque centrale qui serait systématiquement gouvernée par un ressortissant proposé par l’état économiquement le plus fort. C’est d’ailleurs le seul moyen de faire évoluer l’UMOA vers une zone Eco en rassurant les nouveaux partenaires sur l’acceptation de ce principe fort.
- Il faut réaffirmer l’indépendance totale des institutions de l’UEMOA vis à vis des politiques ; également le principe des prises de décisions à l’unanimité (Conférence Chefs d’État) accordant à chaque État membre un droit de veto.
- Il faut concevoir des contraintes à créer au niveau des États affaiblissant le stock de réserves commun pour qu’en contribuant à la construction de la souveraineté globale ils créent ou renforcent la leur propre. Le seul respect des critères de convergence ne suffit pas sans contraintes organisant le retour vers leur respect.
Enfin des réformes de politiques monétaires et de change peuvent contribuer à la construction ou au renforcement de certaines indépendances et donc sécurités. Je pense en particulier à la sécurité alimentaire en rapport avec le développement de l’agriculture (l’un des enjeux majeurs nés d’une vive croissance démographique), et aux sécurités sanitaires et même militaires qui dépendent du développement industriel.
A ce titre, le seul objectif de lutte contre l’inflation ne saurait suffire à la Banque centrale commune.
L’objectif affirmé doit également être de faire de l’UEMOA puis de la CEDEAO une nouvelle puissance économique sous régionale puis régionale en trouvant les bons compromis entre la lutte contre l’inflation d’une part, et le soutien à la croissance et à l’emploi d’autre part.
Car si la lutte contre l’inflation est indispensable pour protéger le pouvoir d’achat des populations et la valeur externe de la monnaie émise, la croissance qui crée la richesse et l’emploi dépend avant tout de l’investissement et par conséquent de toute une stratégie nationale reposant sur un bon environnement des affaires et des systèmes de financement adéquats.
Dans le souci de garantir un environnement économique globalement favorable à l’investissement, la politique monétaire se donnerait donc un objectif principal de maintien de la hausse des prix dans des limites raisonnables. Pour le projet CEDEAO /ECO, l’objectif de hausse des prix serait mis en réduction progressive par rapport au taux de 10%, norme retenue pour l’accès à la zone Eco.
Cependant pour aider l’investissement porteur d’émergence économique, la politique monétaire devra également veiller à assurer des taux de crédit bas à l’investissement, dans un cadre protégé par une réglementation des changes adéquate contribuant à éviter les effets pervers de taux faibles sur la position extérieure globale de la zone d’émission de la monnaie.
Bien évidemment de telles postures de principes et de priorités pourront être remises en cause par des conjonctures spécifiques.
Pour terminer, je souhaite également aborder la question du périmètre optimal d’une union monétaire.
Au nom d’un panafricanisme présenté comme de principe, il faut éviter de créer des ensembles inefficaces où on se retrouve « entre frères » pendant un siècle sans jamais véritablement avancer.
La construction d’une nouvelle zone monétaire sous la forme d’une communauté monétaire achevée utilisant une monnaie unique ne saurait être un objectif en soi. Ce doit être un objectif au service d’une intégration économique retenue comme moyen d’accélérer la croissance de la zone concernée au profit de l’ensemble de ses membres.
Il convient de retenir que le principal obstacle à une telle intégration économique est constitué en Afrique de l’Ouest par des structures de production et de consommation qui les relient davantage au reste de l’économie mondiale qu’à d’autres économies africaines voisines ou éloignées.
Les productions minières, agricoles et de services, constitutives de l’essentiel des PIB des différents pays membres, ne s’échangent pas pour l’essentiel au sein de la zone. Cela est en partie la conséquence des politiques coloniales qui n’avaient d’autres rationalités que de mettre les économies des colonies au service des besoins des métropoles. On peine encore aujourd’hui, après plus de 60 années d’indépendance politique, à s’extraire de cette spécialisation coloniale.
La juste solution à l’intégration économique se trouve donc dans la mise en œuvre de politiques agricoles et industrielles coordonnées au niveau régional, visant à satisfaire des marchés nationaux intégrés. La monnaie doit être un des instruments facilitant le fonctionnement de ces marchés échangeant des productions nationales.
Soulignons qu’une telle démarche est aussi un projet de construction de souveraineté globale.
On peut donc retenir que la qualité et la stabilité de la future monnaie ainsi que sa protection contre l’inconvertibilité, dépendront moins du respect de critères de convergence que d’une véritable intégration des économies constituant sa zone d’émission.
Une autre problématique est sous-jacente à cette inversion de priorités qui place l’intégration économique et commerciale avant l’intégration monétaire : cherchant à délimiter le périmètre optimal de la nouvelle zone de communauté monétaire ECO, il n’est pas certain que celle de l’UMOA soit plus justifiable sur le plan économique qu’une nouvelle zone présentant un contour différent. L’UMOA ne doit pas se présenter comme « zone monétaire optimale » face aux autres membres de la CEDEAO.
Tout au plus peut-elle faire valoir sa grande expérience en matière de gouvernance d’une zone d’intégration économique et de communauté monétaire avec un statut de « zone monétaire achevée » par la mise en place d’institutions et de mécanismes idoines. C’est en ce sens qu’elle peut être acceptée comme modèle, mais modèle à parfaire comme nous l’avons relevé.
Dans une perspective d’intégration économique, la coordination des politiques agricoles, industrielles et des services, alliant objectifs de transformation locale de nos productions, création d’industries dans un souci de complémentarité mais aussi de compétition et de concurrence, doit être la base sur laquelle se greffent une monnaie et une politique monétaire communes.
C’est seulement ainsi que l’Afrique pourra prétendre jouer un rôle économique majeur à l’échelle mondiale dont dépendra ses souverainetés, le respect de ses partenaires et la préservation de sa dignité retrouvée.
J’insiste sur ce mot : c’est cette dignité que réclame la jeunesse africaine. Il ne faut pas laisser les populistes profiter de cette forte requête en proposant des réformettes monétaires inefficaces. Mais il est grand temps que les dirigeants africains, actuels ou futurs, le comprennent s’ils souhaitent résister au vent de grand changement dont les premiers souffles se sont déjà levés.
Je vous remercie de votre attention. »