Senexalaat - Opinions, Idées et Débats des Sénégalais
Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

Mots Et Maux De La Presse Nationale

J’ai eu la surprise de me retrouver, ce lundi, à la Une du quotidien Le Peuple… Le média, n’ayant pas pris la peine de me solliciter pour une interview, a repris l’une de mes anciennes chroniques, plus précisément celle publiée le 26 mars 2024 dans les colonnes du journal Le Quotidien, sans précision aucune, créant ainsi une confusion possible chez le lecteur…

Je dois, avant de poursuivre, faire une précision qui, en temps normal, ne serait pas opportune. Mais, je connais un tant soit peu notre pays, l’esprit de cour qui le caractérise, les confusions actuelles, les manipulations hâtives, les parties prenantes de notre espace public singulier, les retournements de veste fréquents et les gages que d’aucuns donnent à chaque nouveau régime pour rentrer dans ses bonnes grâces. Je pense être suffisamment aguerri dans la conversation publique pour ne pas dire que je maintiens tout ce que j’ai écrit dans cette chronique dont le titre est intitulé «Faire face». Je pense tout ce que j’y ai dit aujourd’hui plus qu’hier. Là n’est pas le souci. Le problème réside dans la manière cavalière de faire, qui hélas devient de plus en plus fréquente dans la presse de notre pays.

Cet épisode m’a mené à une réflexion sur l’état dans lequel se trouve la presse nationale. Elle donne l’air d’un vaste champ de ruines où la médiocrité côtoie l’indélicatesse en matière d’éthique et de déontologie. Un observateur averti et un minimum honnête sait que la presse sénégalaise, dans ses larges pans, fait face à une crise qui a sérieusement entamé sa réputation. Et je ne vois pas surgir ne serait-ce que le début d’une remise en question, premier pas avant les prémices d’une éventuelle mais ô combien nécessaire rectification.

A LIRE  LE CHAPITRE FÉMININ

Il est illusoire de penser arriver à une maturité démocratique sans une presse libre, exigeante, de qualité et fidèle à la promesse initiale de ce secteur. Dire la vérité, sacraliser les faits, faire preuve d’équilibre dans le traitement de l’information, voilà, dans les grandes lignes, ce qui est attendu du «quatrième pouvoir» dont ne peut se passer toute démocratie vitale.

Si le Sénégal reste, malgré les alternances politiques, une démocratie de faible intensité, la presse en porte une responsabilité. A l’aune des méthodes, des pratiques et du positionnement d’une partie du corps journalistique, se remarque une maladie sénégalaise dans le traitement et la diffusion de l’information.

Au micro de TV5, au lendemain de la Présidentielle de 2019, je pointais le danger qui nous guettait -en vrai il était déjà présent- relativement au positionnement de deux grands groupes audiovisuels, qui avaient chacun pris fait et cause l’un pour la majorité et l’autre l’opposition. Les choses se sont dégradées ensuite et nous avons eu droit à une vraie entreprise de manipulation, de diffusion sans complexe de mensonges et de fake-news et de promotion d’un nouveau type de sénégalais, le chroniqueur télé. Sorti de nulle part souvent, il accumule les mensonges et les propos diffamatoires, excelle dans l’art de conter des histoires invraisemblables et est parvenu à s’infiltrer dans le cœur de l’espace public avec, comme arme efficace, la contrevérité. Certains, c’est un secret de polichinelle, sont rétribués au prorata des énormités qu’ils sortent, des propos tendancieux et salaces qu’ils colportent sur d’honnêtes citoyens. Mais notre société est devenue si perméable et permissive au mensonge que rien ne semble arrêter ce cheptel de menteurs à visage découvert et sans complexe aucun qui inondent nos médias et en sont devenus les têtes de gondole.

A LIRE  HOMMAGE A «VIEUX SEYE» QUI M’INOCULA LE VIRUS DU JOURNALISME

 Je suis au regret de dire qu’il m’est devenu impossible de lire la plupart de nos journaux ou de regarder certaines télévisions car y sévissent journalistes et animateurs médiocres, incapables de tenir un propos cohérent et substantiel dans aucune langue et surtout téméraires parce qu’ignorants et incultes. Nous voyons tous le niveau de dégradation dans la presse et nous semblons nous complaire de cet état de fait, qui est devenu un danger pour notre démocratie et pour le vivre-ensemble.

L’autre problème sérieux auquel nous faisons face est relatif au caractère partisan d’une partie de la presse, notamment les chaînes YouTube qui, parce que leur modèle économique fonctionne sur la base du nombre de «vues», normalisent l’outrance, le discours antirépublicain et les atteintes à la dignité humaine. Insultes, propos complotistes, accusations graveleuses, diffamations, mensonges éhontés forment une machine à faire du buzz au préjudice de la responsabilité éditoriale et de l’éthique tout court. J’avais fait remarquer à une journaliste d’une web tv que sur ses vingt-deux dernières émissions, elle avait invité seize personnes membres ou sympathisants d’une seule formation politique. Elle a assumé violer allègrement les règles qui régissent son métier au nom du buzz. Car, me disait-elle, avec eux, j’ai une audience plus large.

Le mal est général et très profond, car le service public, composé de journalistes talentueux et professionnels, ne fait pas mieux dans le respect des règles d’équilibre et de pluralisme. La Rts est une plaie pour la démocratie sénégalaise et cela ne risque guère de changer…Il y a trop de mots à poser sur la presse sénégalaise, mais panser ses plaies ne semble être une urgence pour grand monde.

A LIRE  LA CULTURE DU CONTROLE PARLEMENTAIRE SUR L’EXECUTIF







Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *