Qui aime bien châtie bien. La presse se fait mal toute seule en voulant s’octroyer le monopole de la douleur. Consulté, le toubib aurait prescrit la prise d’antalgiques pour soigner la crise de nerfs qui est en fait du dolorisme. En réalité, la presse n’est pas la seule à souffrir ou à porter le fardeau du manque d’oxygène. Elle parle peut-être plus fort et a un accès plus direct aux décideurs. En d’autres temps, on parlait de relations incestueuses. Mais c’est se bercer d’illusions que d’espérer que des professionnels de la fiscalité cautionnent une amnistie fiscale. Même si par ailleurs, ces derniers ont eu à bénéficier d’une loi d’amnistie de fraîche date. Pareil privilège est assimilé à une entorse pas si loin de la fraude alors que frauder, c’est voler. N’essayons surtout pas de demander au chirurgien de ne pas opérer. La presse peut crier sur tous les toits qu’elle a mal partout mais elle ne doit pas s’habituer à la facilité. La main qui donne ou efface les ardoises méprise en règle générale celle qui reçoit. On ne peut pas être l’agent principal d’une entreprise de déconsidération programmée. S’exprimant sur E-Media, le patron de 2STV a fourni un lumineux et sage conseil. Son idée simple est qu’il faut tout faire pour s’acquitter de ses impôts sachant que l’imposition est quelque chose qu’on vous impose et qui s’impose. Presse ou pas, on est d’abord un citoyen fiscal. Plus trivialement et pour ne pas vivre d’expédients, il faut payer ses dettes, même quand on croule sous les écrasantes charges. C’est de cette manière et pas d’une autre qu’on s’enrichit.
Les MAGA ou GAFA détruisent emplois et écosystèmes
La vie misérable des maisons de presse qui ne date pas d’aujourd’hui relève plus d’un manque d’organisation et méthode que du spectre de l’épée de Damoclès fiscale. L’âge d’or est révolu et ne reviendra pas. Les historiens du présent que sont les journalistes courent le risque de sortir de l’histoire du seul fait qu’ils ont choisi le métier le plus perméable au monde. Ils n’ont plus le monopole de l’ingrédient principal qu’est l’information. Les vidéos virales par exemple sont rarement le fait de spécialistes. Chacun publie et diffuse avec une facilité déconcertante au travers de canaux échappant à tout contrôle et qui se font les champions de l’optimisation fiscale. Non contents de ne contribuer le plus petit denier au trésor public, les MAGA ou GAFA détruisent emplois et écosystèmes en mangeant crue la presse classique. Ils ont réussi le tour de force d’être plus forts que les États qui ne se protègent pas contre ces nouveaux colons pour assurer la protection de ce qui reste de l’édifice. Pressée comme un citron et ayant tardé à s’ajuster, sans aucun moyen de lutter ou de compétir, la presse est à un doigt de perdre le fil comme jadis les cabines téléphoniques ont été débranchées. Elle est aussi à genou parce qu’elle n’a de cesse de se tirer une balle dans le pied. «Le tireur à l’arc qui manque sa cible ne doit pas blâmer la cible, il doit voir la cause de son échec en lui». Irréprochable dans l’art de situer les responsabilités, Confucius entretient rarement la confusion. À l’écouter, il est rare d’entrer en conflit avec la loi et avec ses principes. Nombrilistes à souhait pour avoir fétichisé leur nombre exponentiel, les acteurs de la presse respectable se sont dispersés et affaiblis. Les influenceurs et autres lanceurs d’alerte ont tôt fait de préparer le cruel festin autour de la viande de charogne.
Se réinventer et sortir des trous de serrure
Quel antidote maintenant contre les basses besognes ? Songer à se fédérer, aller au-delà de l’actualité évanescente. Expliquer, décrypter, investiguer. Se réinventer et sortir des trous de serrure qui sont du niveau des réseaux sociaux. Mais ce texte digne d’un but contre son camp n’aurait aucune objectivité s’il se bornait à délivrer que des leçons de morale. On ne peut pas chuter sans rendre hommage à tous ceux qui mettent leurs billes dans des groupes de presse. Ils sont au panthéon des grands patriotes qui créent des emplois au profit de la jeunesse majoritaire si inquiète quand d’autres choisissent de thésauriser ou d’investir dans le métier sans risque de vendeurs de sommeil qui bâtissent du chômage à grande échelle. Ceux qui prennent des risques nobles et font quelque chose de leur argent méritent d’être écoutés, respectés et sûrement pas punis. Leur punition ne sera que la punition de ceux qui voudraient les voir punir. Gouverner, c’est se mettre d’abord au soin des canards boiteux.