Senexalaat - Opinions, Idées et Débats des Sénégalais
Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

Seconde Phase De Libération De L’afrique : Des Caractéristiques De L’actuelle Phase Des Luttes Contre Le Colonialisme En Afrique ! (par Guy Marius Sagna Et Fodé Roland Diagne)

Seconde Phase De Libération De L’afrique : Des Caractéristiques De L’actuelle Phase Des Luttes Contre Le Colonialisme En Afrique !  (par Guy Marius Sagna Et Fodé Roland Diagne)

Il ne fait plus aucun doute que l’Asie sous l’impulsion de la Chine socialiste a retrouvé le chemin de la sortie du sous développement colonial et néocolonial, que l’Amérique du Sud en prend le chemin même si elle est encore confrontée à des obstacles dressés par l’impérialisme.

 

Mais alors que se passe-t-il en Afrique ? Plus de 66 ans après la conférence de Bandung en 1955, 63 ans après la conférence panafricaine d’Accra en 1958 et 54 ans après la Tricontinentale à la Havane en 1967, un enfant Burkinabé de 14 ans abat un drone de l’armée française, des populations civiles africaines manifestent contre la présence des chars français, le peuple malien est vent debout pour demander leur départ et la jeunesse du pré-carré françafricain clame de plus en plus fort partout “pour la souveraineté nationale, CFA, armée française, Auchan, Carrefour, Total, francophonie, dégagez”, certains États néocoloniaux de la françafrique, de l’eurafrique et l’usafrique commencent à diversifier leur coopération internationale.

 

Quelle signification peut-on et doit-on donner à ces évolutions en cours en Afrique ? Quelles directions prennent celles-ci ? Quel en est le contexte géopolitique ? Quelles sont les forces sociales africaines qui portent ces luttes ?

 

Caractéristiques systémiques du colonialisme et du néocolonialisme

 

La colonisation est l’annexion de territoires, de pays, d’États, de Nations par les puissances impérialistes. La particularité du colonialisme à l’époque de “l’impérialisme stade suprême du capitalisme” est d’avoir organisé un partage territorial du continent africain entre les différentes puissances impérialistes, partage qui a mis fin au processus d’évolution endogène des modes de production pré-coloniaux et a balkanisé le continent.

 

Le système colonial est au fond une intégration de l’économie pré-coloniale africaine en position subordonnée et complémentaire, en position d’appendice du mode de production capitaliste tendant à devenir mondial.

 

Au contraire de ce qu’il a réalisé au centre de l’impérialisme, le capitalisme n’a détruit ni les modes de production pré-capitalistes en Afrique, ni les classes exploiteuses esclavagistes, moyenâgeuses, médiévales et féodales. Le capitalisme se les a associés en se les subordonnant par l’introduction de l’économie monétaire, les cultures de rente et l’exploitation minière.

 

Les populations laborieuses africaines sont ainsi tombées sous le joug des monopoles, des multinationales impérialistes en tant que réserve de main d’œuvre taillable et corvéable à merci. Cette interférence coloniale a empêché et empêche le développement endogène normal des nations et des nationalités africaines. Le découpage territorial impérialiste a stoppé le processus de formation historique des nations par la naissance et le développement interne du capitalisme. Les nationalités africaines, que les impérialistes désignent sous le nom  »d’ethnies »,  »clans » ou de  »tribus », ont été séparées par des frontières tracées à coups de canon et ensuite emprisonnées dans des frontières des « empires coloniaux » puis d’États multinationaux lors des indépendances.

 

Cette balkanisation est à la base du panafricanisme des peuples auquel appelaient les communistes Lamine Arfan Senghor et Tiémoko Garang Kouyaté par la formule « l’union libre des peuples libres » d’Afrique.

 

Les langues nationales sont confinées dans la position de  »dialectes » et les cultures nationales sont considérées comme  »exotiques et primitives ». L’impérialisme exporte sa « civilisation universelle » spécifique pour conditionner culturellement les nouvelles classes sociales bourgeoises et l’élite petite bourgeoise nées de la colonisation prolongée par le néocolonialisme. 

 

Comme le dit pertinemment Amilcar Cabral « le colonialisme peut être considéré comme la paralysie ou la déviation, ou encore l’arrêt de l’histoire d’un peuple en faveur de l’accélération du développement historique d’autres peuples… Ils nous ont fait sortir de l’histoire, de notre propre histoire, pour les suivre dans leur train, à la dernière place, dans le train de leur histoire ».

 

L’impérialisme est donc un frein au développement des forces productives dans les colonies et semi-colonies. C’est un frein à la formation du marché national en ce sens qu’il lie verticalement chacun des secteurs de l’économie nationale à travers le pays colonisateur directement au marché mondial capitaliste. Il brise l’intégration horizontale de l’économie du pays colonisé pour lui substituer une intégration verticale à l’économie du pays colonisateur et à l’économie mondiale. Ainsi l’agriculture de rente, l’industrie minière extractive, en un mot l’activité économique rurale et urbaine produit directement pour les industries de la Métropole coloniale puis pour le commerce extérieur mais pas pour le marché national.

 

La zone monétaire CFA est une captation des avoirs financiers (devises) des États africains au profit du commerce extérieur, de la balance commerciale, des investissements et des comptes d’opérations bancaires de l’impérialisme français.

 

Les intégrations économiques sous-régionale et continentale à l’instar de ce qu’ont été l’AOF (Afrique Occidentale Française) ou l’AEF (Afrique Équatoriale Française) ou encore l’UEMOA (Union Économique et Monétaire Ouest Africaine) ou encore la CEDEAO (Communauté des Etats de l’Afrique de l’ouest) sont des formes d’un « panafricanisme » colonial et néocolonial au service de la domination impérialiste.

 

En fait, tout en laissant intact le mode d’exploitation coloniale, le néocolonialisme a consisté à associer la bourgeoise bureaucratique d’État issue de l’intelligentsia coloniale, la bourgeoisie privée sous traitante confinée souvent dans l’import-import et les classes exploiteuses pré-coloniales autochtones au système prédateur impérialiste. En d’autre terme le néocolonialisme consiste à attribuer l’indépendance politique formelle, c’est-à-dire un changement de forme dans la superstructure tout en maintenant la structure, l’anatomie économique du colonialisme et du semi colonialisme dont l’essence demeure la spécialisation dans les monocultures agricoles ou/et les extractions minières.

 

La définition la plus scientifique du colonialisme, du semi-colonialisme ou néocolonialisme est celle de l’Internationale Communiste (IC) en 1928 à son VIéme congrès. Les thèses du Komintern définissent qu’il s’agit, en plus de l’annexion politique, d’une annexion économique qui « au fond … consiste en un monopole, basé non seulement sur la pression économique mais aussi sur la contrainte non économique de la bourgeoisie du pays impérialiste dans le pays dépendant, monopole, qui a deux fonctions principales : d’un côté, l’exploitation impitoyable des colonies …, d’autre part, le monopole impérialiste sert à conserver et à développer les conditions de sa propre existence, c’est-à-dire l’assujettissement des masses coloniales; dans sa fonction d’exploiteur colonial, l’impérialisme est, par rapport au pays colonial, avant tout un parasite qui suce le sang de son organisme économique ».

 

Ce monopole sur le peuple colonisé de la bourgeoisie du pays impérialiste instaure dans les colonies et les néocolonies « une agriculture obligée, de travailler en grande partie pour l’exportation, mais sans être nullement libérée par là des entraves des formes économiques pré-capitalistes. En règle générale, elle se transforme en économie marchande libre grâce à la subordination des formes de production pré-capitalistes aux besoins du capital financier, à l’intensification des méthodes pré-capitalistes d’exploitation, à l’assujettissement de l’économie paysanne au joug du capital marchand et usuraire qui se développent rapidement, au renforcement des charges fiscales, etc… ». « L’exploitation des paysans se renforce, mais leurs méthodes de production ne sont pas renouvelées » (idem).

 

Ainsi « la véritable industrialisation des pays coloniaux, en particulier la création d’une industrie viable de construction mécanique capable de favoriser le développement indépendant des forces productives du pays, loin d’être encouragée, est au contraire entravée par la métropole. C’est en cela, au fond que consiste sa fonction d’oppression coloniale : le pays colonial est contraint de sacrifier les intérêts de son développement indépendant et de jouer le rôle d’appendice économique (agriculture, matières premières) du capitalisme étranger, afin de renforcer au détriment des classes laborieuses du pays colonial le pouvoir économique et politique de la bourgeoisie du pays impérialiste, de perpétuer son monopole colonial et de renforcer son expansion dans le reste du monde » (idem).

 

Le néocolonialisme ne change absolument rien quand au fond à cette réalité qui consiste à maintenir la néo-colonie dans les griffes de la dépendance et donc du sous développement. Comme le précise Amilcar Cabral « tant dans le colonialisme que dans le néocolonialisme, la caractéristique essentielle de la domination impérialiste demeure : négation du processus historique du peuple dominé, au moyen de l’usurpation violente de la liberté du processus de développement des forces productives nationales ».

 

C’est la compréhension de cette réalité objective oppressive qui conduit Amilcar Cabral à définir l’indépendance véritable comme étant la souveraineté nationale et populaire qui permet de rompre cette soumission et de renouer avec le développement endogène des forces productives.

 

La nouvelle donne géopolitique et géostratégique

 

Dès sa naissance, le capitalisme en tant que mode de production a été marqué par ce que d’aucun appelle aujourd’hui « mondialisation ou globalisation ». En effet la classe sociale porteuse de ce système économique et social, la bourgeoisie ou le patronat actionnaire des groupes monopolistes, a été boosté dans sa conquête de la puissance économique et politique par la découverte des matières premières minérales comme le charbon, le fer, l’or et les matières premières agricoles comme la laine, le coton, le café, la canne à sucre dont l’exploitation exigeait une main d’œuvre ayant comme seule possession la force de travail manuelle et/ou intellectuelle : la classe ouvrière, le prolétariat. C’est de là qu’est né, parallèlement à la contradiction capital – prolétariat, le système colonial et esclavagiste par la conquête militaire brutale du continent américain, le génocide des amérindiens qui est le premier grand crime contre l’humanité de l’ère moderne capitaliste, l’émigration massive des populations européennes persécutées et/ou appauvries pour peupler le continent américain complétée par la traite et l’esclavage des Noirs d‘Afrique.

 

Du 15ème au 18ème siècle le sous continent européen devenant capitaliste sera à la fois la puissance scientifique, technologique, industrielle, financière, militaire, culturelle, stratégique et géopolitique. C’est en Europe qu’arrivaient les matières premières pillées en Amérique puis en Afrique et en Asie pour être transformées en produits industriels, en marchandises et en services.

Au 19éme et au 20éme siècle, la seconde phase de la « mondialisation » capitaliste s’opéra par la conquête des empires coloniaux en Asie et en Afrique. L’Europe, notamment sa partie occidentale, bientôt suivie des USA étaient toujours « l’atelier du monde » transformant les matières premières agricoles et minières en produits industriels de consommation.

 

Toutes les guerres coloniales du capitalisme naissant, puis du capitalisme en expansion et enfin du capitalisme arrivé à maturité, l’impérialisme, qui s’est partagé le monde par la conquête de vastes empires coloniaux sans omettre les guerres inter-impérialistes comme la guerre de 1914-1918 pour un nouveau partage ont ceci de caractéristique : elles ont été faites pour voler les matières premières pour les transformer en marchandises industrielles et surexploiter la main d’œuvre esclave ou asservie par le travail forcé dans les colonies.

 

Or ce qui caractérise l’évolution actuelle, c’est que les luttes de libération nationale, fin du 18éme et durant le 19éme siècle sur le continent américain dans le sillage des indépendances des USA et de Haïti, puis celles du 20éme siècle soutenues par la Révolution Bolchevique, l’URSS et le camp socialiste victorieux du Nazisme ont engendré les dits pays « émergents » comme la Chine, l’Inde, le Brésil, le Vietnam et les nouvelles expériences révolutionnaires, progressistes, antilibérales comme le Venezuela, la Bolivie, l’Équateur, le Nicaragua, le Brésil, etc., qui s’appuient sur l’héroïque résistance économique, culturelle, politique et idéologique de Cuba.

 

Parmi ces pays, la Chine socialiste et la Russie bourgeoise, qui a bénéficié de l’existence de l’URSS durant 70 ans, sont de véritables puissances économiques, scientifiques, techniques, culturelles et militaires en passe de surpasser dans ces différents domaines les impérialismes US et UE.

A LIRE  « Encore bravo peuple sénégalais, cette fois pour votre remarquable cohérence ! »

 

Ces pays émergents sont devenus aussi les nouveaux « pays ateliers » qui produisent tout ce que la planète consomme, en particulier tout ce que consomment l’UE et les USA, lesquels parallèlement se « désindustrialisent » progressivement par suite des « délocalisations » dues à la recherche des bas salaires pour devenir des parasites vivant de la dollarisation du commerce mondial, de la spéculation, de l’usure, de la rente et du capital fictif.

 

Ce sont des États de plus en plus rentiers, spéculatifs, financiers engorgés de capital fictif dont les Firmes Transnationales courent partout dans le monde à la recherche d’une main d’œuvre bon marché et qui cherchent à casser toutes les conquêtes sociales et démocratiques des générations passées des classes populaires dans les pays impérialistes eux-mêmes et à maintenir leur hégémonie oppressive sur les autres peuples. C’est le règne de l’extorsion par tous les moyens du profit maximum.

 

Cette évolution objective de la division internationale du travail au cours de cette troisième phase de la « mondialisation ou globalisation », c’est-à-dire de l’internationalisation du capital et de la recherche du profit maximum, confère un caractère particulier au nouveau cycle des guerres d’agressions coloniales de l’impérialisme US/OTAN et UE contre les peuples. En effet le nouveau cycle des guerres impérialistes résulte du besoin pour l’impérialisme de contrôler les sources de matières premières stratégiques indispensables au développement des pays « émergents ». Il s’agit de générer des profits colossaux en contrôlant et rendant les pays « émergents » dépendants d’eux pour leur accès aux matières premières dont ils ont besoin pour continuer à se développer. Par leur mainmise sur les richesses stratégiques des pays producteurs, les USA et l’UE s’érigent en usuriers rentiers fixant les conditions d’accès aux matières premières aux pays « émergents ». Les Firmes Transnationales US et de l’UE peuvent ainsi spéculer sur les prix, fixer les taxes, poser leurs conditions, organiser le sabotage des économies ou les affaiblir, mener la guerre commerciale et donc continuer à exploiter et dominer l’économie mondiale. Voilà d’où provient le fait que les économies des USA et de l’UE dépendent toujours plus fortement du complexe militaro-industriel, de la finance spéculative et du capital fictif. Voilà aussi pourquoi l’impérialisme pour contrer la baisse tendancielle du taux de profit appauvrit les travailleurs dans l’UE et les USA et pille les richesses des pays dépendants tout en y délocalisant pour les bas salaires et y exportant les capitaux.

 

L’impérialisme Français a un taux de croissance quasi nul, mais une économie exportatrice de plus en plus dépendante des ventes d’armes, notamment des avions de guerre achetés surtout par les pétromonarchies saoudo-émiratis et qataris.

Voilà pourquoi l’impérialisme provoque les actuelles guerres de « faible ou moyenne intensité » contre les pays faibles ou encore sous développés pour les asservir. C’est le cas des deux guerres contre l’Irak, de la guerre contre l’ex-Yougoslavie, contre l’Afghanistan, la Côte d’Ivoire, la Libye, le Mali, la Centrafrique.

 

Voilà pourquoi les USA/OTAN et l’UE se servent des Émirats des pétro-dollars pour financer et armer les groupes djihado-terroristes comme Daesh, l’EIL, Al Qaïda, Al-Nostra, Shebab, Boko Haram, Mujao, MNLA, Ansardine, etc., et propagent à travers leurs médias la théorie fasciste des « guerres de religions, des cultures, des civilisations ».

 

En vérité, il s’agit d’en finir avec des pouvoirs laïcs qui refusent de se soumettre au diktat des impérialistes, lesquels donc, malgré la nature bourgeoise ou féodale de leur régime, rejettent la domination impérialiste et même parfois cherchent à développer leur pays pour en faire des pays « émergents » parce souverains. 

 

L’Afghanistan de Najibullah, l’Irak de Saddam Hussein, la Libye de Kadhafi, la Syrie de Bachar sont justement ce type de pays où l’argent du pétrole, par le biais des nationalisations de la production, du raffinage et même de l’industrie pétrochimique, a doté ces pays d’un indice du développement humain (idh) qu’on ne trouve nulle part dans les néo-colonies africaines soumises et serviles à l’impérialisme.

 

Mieux, ces pays ont investi dans des réalisations économiques, éducatives, sanitaires et sociales qui commençaient à les mettre sur les rails de la vraie « émergence » et leur permettaient de projeter la mise en place de banques pour l’autofinancement de projets panafricains dans le cas de la Libye. C’est justement cela qui est détruit par les agresseurs impérialistes qui, à coups de bombes et de missiles, s’évertuent à ramener ces pays à « l’âge de pierre » pour ensuite insérer ces pays détruits dans le système inique de la dépendance néocoloniale de la dette, des plans d’ajustement structurel libéraux, des privatisations et, ainsi sous le prétexte de la « reconstruction », distribuer le profit maximum à leurs entreprises privées.

 

En plus, comme on le voit en Irak et en Libye, à cette destruction massive des infrastructures, des réalisations économiques, culturelles, éducatives, sanitaires et sociales, à ce pillage des œuvres historiques et à cette prédation gloutonne, il faut ajouter les assassinats ciblés des ingénieurs, des savants, des chercheurs, des professeurs des pays agressés par les impérialistes afin de les rendre dépendants pour une ou plusieurs générations. C’est aussi en cela que l’impérialisme, c’est la barbarie. Ce nouveau cycle de guerres Otano/US/UE contre les pays indépendants sont une revanche en complicité avec le panislamisme politique fasciste contre la lutte de libération nationale, notamment pan-arabe laïque qui les avait rendus indépendants.

 

Les vrais pays « émergents », au contraire des vitrines agitées par les impérialistes comme mirage que furent les NPI (Nouveaux pays industrialisés) comme la Corée du Sud, Taïwan, Argentine, etc., en fondant les BRICS font évoluer le monde vers le multilatéralisme contre l’hégémonie unilatérale séculaire de la françafrique, l’eurafrique et l’usafrique.

 

Ce changement progressif du rapport des forces à l’échelle mondiale au dépend de l’impérialisme est une opportunité pour l’actuel soulèvement souverainiste en Afrique.

 

La stratégie du chaos prétexte à l’occupation militaire de l’Afrique

 

Si la première phase des luttes de libérations africaines s’est estompée avec la fin de l’apartheid (à l’exception du Sahara occidental et de la symbolique Palestine) dans les années 90 correspondant à la défaite de l’URSS, la période immédiate qui a suivi a été marquée par une adaptation servile des bourgeoisies et des élites, y compris au sein de la gauche, au nouveau rapport des forces au profit de l’impérialisme considéré comme « tout puissant » voire prétendument « invincible » US et UE.

 

Les « conférences nationales » instrumentalisées pour orienter les luttes populaires des peuples africains vers les réformes démocratiques multipartites sans poser la question des souverainetés nationales et donc sans s’attaquer aux racines socio-économiques de l’oppression néocoloniale, l’adoption du libéralisme (moins d’État) comme unique programme politique quelque soit le parti au pouvoir dans la quasi totalité des pays africains, les plans libéraux d’ajustement structurel, les dévaluations des monnaies, notamment du franc colonial CFA puis les privatisations ont été généralisées en Afrique sous la houlette des institutions de Bretton Woods (FMI, BM, OMC).

 

Mais dès que les pays dits « émergents », notamment les BRICS ont commencé vers les années 2000 à investir massivement en Afrique, particulièrement dans les infrastructures, à y vendre leurs produits industrialisés et à y prendre des parts de marchés provoquant le recul de la mainmise économique des impérialistes Occidentaux, de nouvelles menaces découlant de la nouvelle stratégie militarisée des USA et de l’UE sont apparues.

 

L’impérialisme Occidental s’est évertué à militariser sa présence en instrumentalisant son alliance avec les pétromonarchies pour contrecarrer ses « concurrents » des pays dits « émergents » dans le vain espoir de rendre « éternel » le système capitaliste sous leur hégémonie.

 

Après avoir renvoyé l’Afghanistan, puis l’Irak « à l’âge de pierre » selon l’expression de G. Bush, l’occupation militaire de ces pays avait précédé l’installation de pouvoirs fantoches. Puis l’agression coloniale de l’OTAN/Françafrique et l’assassinat de Kadhafi ont livré la Libye aux hordes surarmées de Al-Qaïda et/ou Daesh qui se sont ensuite répandues dans les autres pays africains. Boko Haram, Mujao, Ansardine, des mouvements armés séparatistes et/ou djihado-terroristes bien avant comme Shebab, LRA de Kony, sévissent ainsi du Sahel-Sahara à l’Afrique de l’est.

 

Associant les idéologies bourgeoises assénant « there is no alternative » à la pensée économique libérale et « le choc, la guerre des religions, des cultures, des civilisations », les impérialistes qui les avaient déjà mises en avant contre l’URSS et le Communisme ont ainsi imposé au monde les thérapies libérales et la « guerre contre le terrorisme islamiste » devenues les deux mamelles de leur nouvelle « mondialisation ».

 

Ces mouvements terroristes de fanatiques religieux armés sont devenus les nouveaux prétextes du redéploiement militaire des réseaux de la françafrique, l’eurafrique, l’usafrique à travers l’opération Barkhane, Takuba et AFRICOM pour la recolonisation économico-militaire de l’Afrique. Cette déstabilisation militarisée des pays africains s’est développée à partir de la destruction consciente de la Libye comme le révèle Hama Ag Mahmoud, un des ténors du MNLA (Mouvement National de Libération de l’Azawad) qui l’a quitté avec fracas en décembre 2012, peu avant le déclenchement de l’opération Serval au Mali : 

 

« – La France aurait donc poussé le MNLA à occuper les villes du Nord du Mali ? – Oui tout à fait. La France a demandé au MNLA de l’aider à faire déserter tous les combattants de l’Azawad qui étaient dans l’armée libyenne, pendant la guerre de Libye. Ensuite de bloquer le recrutement des libyens dans l’Azawad et dans l’Aïr au Niger. Et en contrepartie, elle nous avait donné son feu vert pour l’indépendance de l’Azawad. C’est l’accord qui a été conclu avant la guerre entre le MNLA et la France. Et immédiatement la guerre gagnée par le MNLA, la France a changé complètement de politique. Elle a mis tout son dispositif diplomatique contre le MNLA. Alors conclusion, l’objectif de la France était tout simplement d’affaiblir le gouvernement malien et je peux vous assurer que ce n’était pas pour donner raison au MNLA » (Interview, Le Courrier du Sahara, en date du 17 janvier 15 cité par Gri Gri international du 28/02/15).

 

En réalité, il y a des velléités françaises de réveiller la vieille antienne coloniale de l’OCRS (Organisation Commune des Régions Sahariennes) pour séparer les peuples des matières premières que le FLN Algérien et l’US-RDA de Modibo Keita avaient fait échouer grâce à une solidarité panafricaine dans les années 1957-1962.

 

La Libye a donc été ainsi livrée aux chefs de guerre financés par les théocraties des pétrodollars et armés par les marchands d’armes US et de l’UE dans le but de créer un foyer à partir duquel propager partout en Afrique le cancer djihado-terroriste. La Libye est devenue pour l’Afrique ce qu’a été l’Afghanistan pour toute l’Asie jusqu’à la défaite récente des USA. Ce foyer de subversion a produit et métastasé pour devenir Daesh, Al Nosra, Al Qaïda en Syrie puis en Irak, Boko Haram au Nigeria et Ansardine-Mujao-MNLA au Mali.

 

A chaque déstabilisation d’un pays africain, les impérialistes US, de l’UE et Français se pointent pour « porter secours » dans leur « désintéressée » grande magnanimité aux « incapables africains » comme on l’a vu au Mali avec l’opération Serval puis en Centrafrique avec Sangaris avant que ce stratagème ne mute en Barkhane (dunes qui se déplacent dans le désert au gré des vents), nom que s’est donné la mouvante occupation militaire française du Sahel-Sahara du Mali en Centrafrique.

 

C’est ce cycle des guerres impérialistes de recolonisation qui est aussi à la base de la révolte souverainiste qui s’empare de la jeunesse et des peuples en Afrique.

A LIRE  QUE VIVE LE NOUVEAU TYPE DE CITOYEN !

 

Le multilatéralisme anti-hégémonique contre l’unilatéralisme impérialiste

 

La stratégie guerrière du chaos est la réponse systémique du capitalisme mondialisé sous direction US au remplacement progressif du monde unipolaire issu de la défaite du camp socialiste d’Europe, de l’URSS par le monde multipolaire.

 

Jusqu’à la guerre contre la Libye, y compris au Conseil de Sécurité de l’ONU, la dite « communauté internationale » se résumait de fait à l’UE et les USA, lesquels se partageaient les rôles selon leurs intérêts contre le reste du monde. Mais comme on le voit en Syrie et en Ukraine, la Russie, la Chine et les résistances des États-Nations qui défendent leur indépendance commencent à changer cette donne.

 

Du Sahel, au Golfe de Guinée, en Afrique centrale et de l’est, mais aussi au Moyen-Orient, en Asie ex-Soviétique et en Amérique du Sud, le bloc impérialiste décadent et parasitaire USA/UE joue la carte agressive des guerres, des sanctions et des coups d’états (institutionnels ou militaires) pour contrôler les économies nationales, les sources de matières premières et imposer la dictature libérale afin de préserver son hégémonie qui perdure depuis 500 ans.

 

Ces guerres ou déstabilisations néocoloniales de l’Occident impérialiste rencontrent de plus en plus, partout, des résistances. C’est l’extension même du domaine des interventions impérialistes de l’AFRICOM et de l’OTAN en alliance avec le despotisme des pétromonarchies et le djihado- terrorisme à l’Afrique qui est à la base des contradictions qui minent actuellement les réseaux françafricain, eurafricain et usafricain en Afrique.

 

Cette tendance agressive et déstabilisatrice est aggravée par l’actuelle crise systémique de surproduction et de sur-accumulation du capitalisme mondialisé. La défaite de l’URSS et du camp socialiste d’Europe avait permis de surmonter temporairement la crise de sur-accumulation du capital par les monopoles du capital financier, l’autre obstacle, ce sont les diktats libéraux des plans d’ajustement structurel du FMI, Banque Mondiale et l’OMC qui, instrumentalisant la dette, l’ont levés dans les néo-colonies du « tiers monde ».

 

La contradiction entre d’une part la socialisation toujours plus poussée de la production à l’échelle mondiale de l’activité économique et d’autre part l’accaparement privé monopolisé de celle-ci rend de plus en plus insupportable à des millions de travailleurs et de peuples l’exploitation capitaliste et impérialiste.

 

Le libéralisme est la politique économique du capital pour contrer la loi de la baisse tendancielle du taux de profit des Firmes Transnationales. Tout ce qui, de prés ou de loin, échappe à cette soumission au libéralisme outrancier est à éliminer parce que le mouvement actuel vers le multilatéralisme est suicidaire pour l’hégémonie Occidentale sur le monde.

 

Or le libéralisme est une politique économique qui livre les économies nationales au pillage des Firmes Transnationales et ne sert ainsi qu’à développer le sous-développement, le non-développement, la dépendance à l’étranger et l’oppression nationale. En effet le libéralisme, c’est « moins d’État » dans l’économie donc la loi de la jungle qui règne dans « le marché de la concurrence » en réalité toujours faussée par la tendance au monopole impérialiste.

 

Ces facteurs sont à la base des contradictions qui minent la re-mondialisation actuelle du capitalisme entre le centre impérialiste, la périphérie asservie et les pays émergents en développement. Le multilatéralisme né du développement des pays émergents ruine l’unilatéralisme prédateur des USA et de l’UE.

 

En réaction à cet affaiblissement, l’impérialisme se fascise dans l’UE et les USA en politique intérieure pavant la voie aux fascistes et devient de plus en plus guerrier en politique extérieure.

 

Les phases de l’évolution de l’Afrique

 

De 1960 à nos jours, l’Afrique a traversé les phases suivantes :

 

– 1960 à 1980 : Les massacres coloniaux à Madagascar, au Cameroun, en Algérie, au Kenya, en Afrique du Sud de l’apartheid, etc, la corruption des leaders types Senghor, Houphouêt, les assassinats des leaders indépendantistes radicaux (Olympio, Um Nyobe, Moumié, Osende, Ouandie, Cabral, Sankara) ont permis de remplacer le colonialisme par le néocolonialisme et ont été prolongés par des coups d’états contre les régimes souverainistes africains au Togo, au Sénégal, au Ghana, au Mali, etc. Seule la Guinée du PDG/RDA a su résister aux agressions et autres complots des impérialistes.

 

Des dictatures militaires et civiles (Côte d’Ivoire, Sénégal) françafricaine, eurafricaine et usafricaine se sont installées partout en Afrique à quelques exceptions près dans un contexte de luttes armées des peuples des colonies portugaises et de luttes anti-apartheid au Zimbabwe, en Namibie et en Afrique du Sud.

 

De 1980 au milieu des années 90 ont été imposés les plans libéraux d’ajustement structurel au nom de la dette sous la houlette des institutions de Bretton Woods (FMI, Banque Mondiale, OMC). L’une des grandes résistances en Afrique d’alors a été l’avènement de Thomas Sankara au pouvoir au Burkina Faso qui a lancé un appel à l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine) pour tenter d’organiser le refus collectif des présidents africains de “payer la dette, car si je suis seul, l’année prochaine je ne serai pas parmi vous”.

 

« There is no alternativ », il n’y a pas d’alternative au libéralisme proclamèrent Thatcher, Reagan, Kohl et Mitterrand. La défaite du camp socialiste d’Europe et le « moins d’Etat » libéral vont être utilisés par l’impérialisme et les bourgeoisies bureaucratiques apatrides africaines au pouvoir pour transformer, sous le vocable anti-communiste du “vent d’est”, les dictatures militaro-civiles néocoloniales de la période précédente en régimes multipartites présidentialistes néocoloniaux qui vont organiser l’accaparement par le biais des privatisations bradages après les dévaluations monétaires des secteurs économiques stratégiques des pays africains.

 

Les forces de l’opposition révolutionnaire de gauche qui furent d’antan à l’avant-garde des luttes sociales et démocratiques se sont mises à considérer que « l’impérialisme est incontournable, voire invincible » et à s’intégrer peu à peu à la gouvernance néocoloniale à travers les travaux pratiques de la participation aux gouvernements soumis aux diktats libéraux des institutions de Bretton Woods.

 

Des années 2000 à nos jours cette intégration de l’Afrique comme appendice de la nouvelle re-mondialisation libérale impérialiste aura des conséquences économiquement, socialement et culturellement désastreuses illustrées par la transformation du désert du Sahara, de la Méditerranée et l’Atlantique en cimetière à ciel ouvert ensevelissant une jeunesse désespérée chassée par la misère du non développement et piégée par l’espérance individualiste illusoire que l’émigration vers le chimérique « eldorado » européen ou états-unien où ils deviennent sans papiers alimentant l’économie souterraine.

 

Les désastres écologiques et les guerres impérialistes de faible intensité sous le faux prétexte de « guerre contre le terrorisme » vont accroître l’exode migratoire Sud/Sud et une arrivée macabre plus importante aux portes de l’Europe.

 

Les politiques racistes et la montée du fascisme dans ces supposés « eldorados » vont faire chavirer ces « rêves » en cauchemars de maltraitance faisant de l’immigration une variable racialisée des joutes électorales dans les pays européens et aux USA. L’impérialisme décadent n’a plus rien à offrir que guerres, misère, chômage, fascisme au centre et à la périphérie.

 

Branchée et de plus en plus actrice sur les réseaux, la jeunesse africaine, de plus en plus consciente de la supercherie des impérialistes, se lance progressivement dans la lutte pour la souveraineté nationale panafricaine pour une vie meilleure en Afrique.

 

Les forces sociales porteuses de l’actuelle seconde phase anti-néocoloniale

 

Le traumatisme du chaos, les investissements des pays émergents et les avancées du multilatéralisme provoquent une ligne de fracture au sein même des bourgeoisies des pays africains entre soumission à l’unilatéralisme françafricain, eurafricain et usafricain et ouverture à la coopération multilatérale des puissances émergentes. Centrafrique et Mali sont les terrains où s’expriment ouvertement cette fracture. Les investissements et les sommets russafrique, chinafrique, indiafrique, etc vont continuer à accélérer ce processus de différenciation au sein des bourgeoisies bureaucratiques dans chaque pays et entre États africains serviles ou résistants tout comme l’ont fait, à l’époque dans le contexte de la première phase des luttes anti-coloniales après 1945, les sommets de Bandung puis la Tricontinentale en 1966.

 

L’unilatéralisme de l’impérialisme prédateur est de plus en plus battu en brèche par le multilatéralisme porté par les pays « émergents ». Se sentant menacée par la recolonisation économique des groupes monopolistes françafricain, eurafricain, usafricain qui s’emparent de pans entiers des secteurs économiquement juteux que sont les Télécom, l’électricité, l’eau, les ports, les aéroports, les terres, les mines, la bourgeoisie nationale privée se scinde aussi en fractions divergentes face aux accords libéraux tels que les APE (accords de partenariat économique avec l’UE).

 

Se réapproprier certains secteurs économiques devient une exigence montante au sein de la bourgeoisie nationale privée dopée par l’arrivée des nouveaux investisseurs partenaires que sont les Chinois, les Russes, les Indiens, les Turcs, les Iraniens, etc.

 

Mais parallèlement à cette différenciation au sein des bourgeoisies africaines et entre les États africains se développent aussi des mouvements citoyens populaires dénommés « sociétés civiles » et des partis patriotiques dirigés par une jeunesse intellectuelle rebelle qui critique la mal gouvernance, la corruption, l’incompétence néocoloniale et mettent en avant l’exigence de la souveraineté nationale, monétaire, culturelle, linguistique, sécuritaire et sur les richesses du sol et du sous sol.

 

Le mouvement syndical même dominé par le réformisme en raison des trahisons des ex-gauches est aussi tiraillé entre syndicalisme alimentaire Ongisé et de lutte de classe.

 

Ces contradictions sur fond de misère sociale croissante poussent à nouveau vers le chemin de la remise en cause des « accords de coopération monétaire, économique, militaire et culturelle » qui furent imposés lors des indépendances néocoloniales des années 60 qui ont institué la françafrique, l’eurafrique et l’usafrique.

 

La jeunesse intellectuelle est à l’avant-garde de ce renouveau patriotique anti-impérialiste et panafricain qui se fait jour en réaction à la désillusion vis à vis de la chimère d’un développement possible sous la domination néocoloniale de l’impérialisme. Cette jeunesse branchée sur le monde par les réseaux sociaux et l’instantanéité de la circulation de l’information diversifiée communique et fonctionne en réseaux.

 

Cette jeunesse rebelle rejette les trahisons des leaders de la gauche historique englués dans les travaux pratiques de la collaboration alimentaire dans les gouvernements néocoloniaux tout en brandissant souvent les figures des héros et martyres de la première phase de la lutte indépendantiste en Afrique.

 

De nouvelles formes d’organisation voient le jour et rassemblent des militants issus de toutes les classes sociales qui ont un intérêt à en finir avec la domination néocoloniale : les intellectuels, les fractions souverainistes de la bourgeoisie nationale, les paysans, les éleveurs, les pêcheurs, les travailleurs de l’informel et la classe ouvrière.

 

En adhérant à ces mouvements de masses anti-impérialistes ou ces partis politiques souverainistes sans distinction de classes sociales, ces militants, consciemment ou inconsciemment, renouent avec la tradition historique de la première phase des luttes pour l’indépendance, celle du RDA (Rassemblement Démocratique Africain) né en 1946 à Bamako comme parti panafricain dont les sections territoriales organisaient les militants indépendantistes de toutes les classes sociales africaines. Seules en sont exclus les représentants de la bourgeoisie bureaucratique et de la bourgeoisie d’affaires sous traitante serviles du système néocolonial.

 

Le patriotisme panafricain de la bourgeoisie nationale et pour les plus radicaux l’anti-impérialisme révolutionnaire des classes populaires dont la classe ouvrière forgent ainsi leur unité dans des fronts politiques ou/et associatifs et/ou syndicaux multiformes et protéiformes évolutifs contre le néocolonialisme.

 

Les abandons des positions de classe révolutionnaire et la collaboration dans les gouvernements néocoloniaux ont entraîné un processus d’opposition interne et de séparation entre les révolutionnaires et les opportunistes au sein même des organisations traditionnelles de la gauche historique.

A LIRE  LES MAUVAISES SOLUTIONS DE MACKY POUR LA RÉDUCTION DU TRAIN DE VIE DE L'ÉTAT

 

Certains de la gauche historique révolutionnaire se sont lancés, ici et là, dans la lutte pour la jonction avec la jeunesse patriotique rebelle dans ces mouvements de masses ou/et dans les partis-fronts mis en place pour organiser les luttes sociales, démocratiques et électorales pour bouter hors du pouvoir le néocolonialisme.

 

Cette fusion-jonction dans des cadres de masses ou des partis des militants résistants de la gauche et de la jeunesse patriotique représentants les différentes classes sociales est une voie de passage consécutive à ces décennies de reniements et de capitulations des organisations historiques de la gauche africaine et du reflux idéologique et politique du mouvement ouvrier communiste révolutionnaire.

 

Tout se passe comme si l’histoire appliquait à l’heure actuelle en Afrique le principe énoncé par Karl Marx : Parfois « tout pas en avant vaut mieux que 12 programmes » parce que la souveraineté nationale contre le néocolonialisme en est le programme minimum consensuel.

 

Il y a eu plusieurs révolutions inachevées depuis les indépendances politiques des années 60. A l’exception de l’Érythrée, seul État africain non membre du FMI, de la Banque Mondiale et de l’OMC, toutes ces tentatives ont avorté à cause d’un rapport de force insuffisant ou/et des trahisons à l’instar de celle dirigée par le leadership de Thomas Sankara au Burkina Faso, celle de mars 1991 au Mali qui a renversé la dictature militaire de l’assassin de Modibo Keita, celle du Bénin qui a mis fin à la dictature de Kérékou, celle de Jerry Rawlings au Ghana qui a réhabilité jusqu’à un certain point Kwame Nkrumah, celle du Zimbabwe de Mugabe remettant en cause l’apartheid agraire, celle au Rwanda contre les génocideurs ethnofascistes du Hutu-Power soutenu par l’impérialisme français avant de sombrer dans une agression pro-multinationales contre la RDC, celle de Joseph Désiré Kabila au Congo RDC qui a mis bas le régime de Mobutu ce plus grand assassin de Congolais après la colonisation belge, etc.

 

Dans ces affrontements entre le mouvement national révolutionnaire et le mouvement néocolonial appuyé par l’impérialisme, c’est jusqu’ici la françafrique, l’eurafrique et l’usafrique et ses alliés de la bourgeoisie néocoloniale qui l’ont emporté.

 

Les peuples africains se lèvent de nouveau pour aller à l’assaut vers l’indépendance, la souveraineté nationale et l’union panafricaine des peuples dans ce nouveau contexte du multilatéralisme démocratique qui est en train de remettre en cause l’unilatéralisme tyrannique de l’Occident impérialiste.

 

On est au début de cette nouvelle phase de lutte pour la sortie politique du néocolonialisme condition d’une perspective de développement économique, scientifique, technique, militaire, culturel et social qui devra au cours de sa trajectoire prendre en compte les intérêts de chaque classe sociale partie prenante du mouvement national patriotique et révolutionnaire.

 

Toutefois pour que les intérêts des classes populaires, notamment la classe ouvrière, la paysannerie au sens large et les travailleurs de l’informel soient pris en compte, il est nécessaire que s’élève le niveau de conscience de classe du prolétariat tout en préservant l’unité du front patriotique et panafricain en constitution actuellement contre la gouvernance libérale néocoloniale.

 

La longue période d’immersion sous les eaux boueuses du libéralisme néocolonial et des trahisons capitulardes commence à céder la place à la résistance patriotique, panafricaine et anti-impérialiste qui commence à balayer l’Afrique.

 

A un moment, il faudra apprendre à marcher sur les deux jambes dans cette longue marche vers l’abolition du néocolonialisme et la sortie du sous développement. L’actuelle poussée patriotique, panafricaine et anti-impérialiste est une étape inter-classiste de la résistance nationale et panafricaine qui précède et prépare ce que nous disions dans le journal ouvrier et populaire sénégalais Ferñent N°3 d’août 1995 en plein bourrasque contre-révolutionnaire impérialiste mondiale : « Il est probable que l’attentisme, le manque de confiance et l’hésitation vont caractériser notre classe ouvrière pendant un temps plus ou moins long. Les éléments les plus politiques ont été directement ou indirectement dans le giron des révisionnistes et des opportunistes traîtres. Le socialisme a été symbolisé par les partis révisionnistes. Et l’hypothétique « voie africaine » du panafricanisme sans contenu de classe est une voie de garage qu’expérimentent certains. Alors, il faudra que les ouvriers avancés digèrent les déconvenues suscitées par la trahison et la faillite complète du réformisme et du révisionnisme avant qu’ils ne puissent, à une vaste échelle, retrouver le chemin de la lutte pour la constitution de la classe ouvrière en force politique indépendante dans notre pays ».

 

L’actuelle poussée libératrice rassemble toutes les classes sociales ayant intérêt à en finir avec la domination néocoloniale et est dirigée par la petite bourgeoisie intellectuelle sans idéologie nette mais souverainiste. Cette voie de passage obligée pose la question de l’unité du camp souverainiste et dans ce cadre le travail politique de la réémergence de la conscience politique des classes populaires. Comme l’enseigne A. Cabral fort justement « notre opinion sur les fondements et les objectifs de la libération nationale en rapport avec la structure sociale… est dictée par notre expérience dans la lutte et l’appréciation critique d’autres expériences. A ceux qui y voient un caractère théorique, il nous faut rappeler que toute pratique engendre une théorie. Et que, s’il est vrai qu’une révolution peut échouer, même alimentée par des théories parfaitement conçues, personne n’a encore réalisé une révolution victorieuse sans théorie révolutionnaire » (l’arme de la théorie).

 

Frayer la voie à l’alternative patriotique voire révolutionnaire au néocolonialisme

 

Les contradictions au sein des bourgeoisies compradores néocoloniales ne peuvent nous cacher qu’elles n’ont d’autre horizon que de s’enrichir par la collaboration avec telle ou telle puissance. Beaucoup d’Africains se plaignent souvent, inconsciemment dans le sillage de la propagande anti-chinoise de l’Occident impérialiste, de la « coopération chino-africaine » et de la « coopération Russo-africaine », etc.

 

On épingle souvent la « concurrence » que feraient les commerçants Chinois à la « vendeuse de cacahuètes » tout en se taisant sur la « concurrence » des grandes surfaces, Auchan ou Carrefour, à la « vendeuse de beignets ». Mais personne ne se pose la bonne question : pourquoi est-ce donc qu’en Afrique que l’on constate ces « concurrences »’ et pas à Cuba, au Vietnam, en Corée du nord, au Venezuela, au Brésil, en Inde, en Iran, en Érythrée, voire même en Europe et aux USA, etc, où investissent pourtant aussi les Chinois ? N’est-ce pas plutôt un reproche à adresser à nos gouvernants néocoloniaux incapables de faire respecter même les lois du pays et donc de protéger nos « vendeuses de cacahuètes, de beignets, nos marchés », etc ?

 

En fait, il faut dire que les travers visibles de la « coopération » Sud/Sud résultent pour l’essentiel de la corruption des gouvernants néocoloniaux africains. La « concurrence » est une loi absolue du capitalisme qui finit par produire le « monopole », voilà pourquoi il faut lutter contre la corruption de l’État pour contrôler, maîtriser et réglementer à partir des leviers économiques stratégiques l’économie nationale et africaine pour protéger nos producteurs, nos travailleurs et nos entrepreneurs pour envisager de sortir du sous développement. Il faut donc rétablir le rôle économique et pas seulement social et culturel de l’État.

 

C’est à ce niveau d’exigence que se situe l’actuelle rébellion de la jeunesse patriotique africaine. Se réapproprier les richesses nationales bradées, renégocier les contrats, sortir la France du CFA, bâtir une monnaie souveraine africaine, refuser de signer les APE, faire partir les bases militaires étrangères, apporter le soutien de l’État aux « opérateurs économiques » nationaux, protéger les productions des paysans, des pêcheurs, des éleveurs contre la concurrence étrangère, la priorité à l’école, à la santé et à l’industrialisation sont redevenus des éléments programmatiques portés par certaines associations dites de la « société civile », certains syndicats et même des nouveaux partis politiques issus de la révolte de la jeunesse africaine en pleine ébullition.

 

Cette jeunesse pour le moment à dominante intellectuelle à la tête s’émancipe peu à peu de la fable libérale de la « réussite individuelle condition de la réussite collective ». La jeunesse patriotique se détourne des chimères libérales d’autant plus que la tragédie des mers, océans et du désert devenus des cimetières pour migrants touche de plus en plus de familles.

 

En fait, cette jeunesse qui se définit comme patriotique reprend le programme de la gauche historique dont les leaders historiques ont été englués ces dernières décennies dans le marais nauséabond de la corruption et du reniement.

 

La bourgeoisie néocoloniale va globalement être inconséquente tiraillée entre soumission à l’impérialisme et soutien au multilatéralisme, la jeunesse patriotique rebelle unie aux gauches historiques qui ont rompu avec l’opportunisme vont pouvoir devenir progressivement la force montante à même d’assumer le rôle de force dirigeante de cette seconde phase de la lutte de libération nationale et africaine.

 

C’est l’équation posée et à résoudre pour que vive et triomphe l’œuvre commencée par les leaders indépendantistes de la première phase de libération anti-coloniale que sont : Lamine Arfan Senghor, Tiémoko Garang Kouyaté, Alfred Zuma, P. E. Lumumba, Nkwame Nkrumah, Sékou Touré, Saïfoulaye Diallo, Mamadou Konaté, Modibo Keita, R. Um Nyobe, F.R. Moumié, O. Afana, E. Ouandié, A. Neto, Franz Fanon, Ben Barka, A. Ramdane, Kateb Yacine, G.A. Nasser, E. Mondlane, S. Machel, Lucio Lara, C. Hani, Dulcie September, N. Mandela, R. Mugabe, S. Biko, A. Cabral, T. Sankara, Abdou Moumouni, Djibo Bakari, Cheikh Anta Diop, les 23 signataires du Manifeste du PAI, etc.

 

Il s’agit de reprendre le drapeau là où les crimes et massacres coloniaux l’avaient jeté à terre pour le dresser comme étendard actualisé de la seconde phase de la libération nationale et panafricaine parce que sans mémoire on ne sait pas où aller.

 

Il s’agit en même temps de marcher sur nos deux jambes pour que les classes laborieuses qui participent activement à la lutte fassent prendre en compte leurs intérêts de classes pour amplifier et garantir la durabilité de l’expérience souverainiste en cours.

 

Pour aller de l’avant aujourd’hui, il faudra comme le recommandait A. Cabral pour la libération réussie de la guerre de libération des colonies portugaises : « Dans plusieurs cas, la pratique de la lutte de libération et les perspectives de l’avenir sont non seulement dépourvues d’une base théorique mais aussi plus ou moins coupées de la réalité concrète du milieu. Les expériences locales ainsi que celles d’autres milieux, concernant la conquête de l’indépendance nationale, l’unité nationale et les bases pour la construction du progrès, ont été ou sont oubliées. Cependant les conditions historiques de nos jours sont très favorables à la marche victorieuse de la révolution africaine. Pour agir en accord avec ces conditions favorables, que nous aussi nous avons créées, il nous semble que parmi les nécessités à satisfaire, les trois suivantes sont très importantes : a) connaissance concrète de la réalité de chaque pays et de l’Afrique ainsi que des expériences concernant d’autres peuples ; b) élaboration, sur des bases scientifiques, des principes qui doivent orienter la marche de nos peuples vers le progrès (lutte de libération et reconstruction économique) ; c) définition des mesures pratiques à adopter dans chaque cas particulier. Tout le monde peut facilement voir en quoi ces nécessités répondent à la nature et à l’origine des principaux problèmes que nous affrontons et qui nous affligent ».

(Discours à la Troisième Conférence des peuples africains au Caire, tenue du 25 au 31 mars 1961).

Décembre 2021

 


Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *