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Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

Bonne Gouvernance, La Raison DÉtail…

Nous avons décidément pris le pli de ce rendez-vous avec le comique et le burlesque, toutes les semaines, qu’il faut guetter le plus souvent au détour d’une saillie officielle. Le champion toutes catégories, indiscutable, c’est bien le Premier ministre, si l’on considère que le Parlement, où les bagarres de borne-fontaine sont l’ordinaire, est hors-concours.

Le chef du gouvernement se dispute le pompon quand même avec la ministre des Affaires étrangères.

La brave dame, déjà chahutée pour des soupçons de népotisme, avec le mari et la fille aux affaires, se fend d’un premier entretien : sous prétexte de son statut exceptionnel de mère de famille ayant aidé bien des misérables, elle serait un «gros calibre»

Au regard de sa corpulence et de son vocabulaire, le mystère demeure entier. Madame Sy, Yassine Fall, fera mieux : lors de son récent voyage en Russie, en guise de compte-rendu des travaux devant micros et caméras, la ministre des Affaires étrangères produit un galimatias qui fait le tour des réseaux sociaux. Son accent à couper au couteau est un moindre mal devant les énormités qu’elle dégurgite : «Le Sénégal, un pays qui mange…» s’impose dans nos annales diplomatiques, à côté des animaux de l’ancien ministre du Tourisme, Mame Mbaye Niang

On ne finit pas de paniquer avec Madame Yassine Fall que le Premier ministre, soi-même, lui chipe le beau rôle.

Sans doute las de batailler avec les humains, qui ont le mauvais goût de lui apporter la réplique, cette semaine, c’est aux objets que le chef du gouvernement s’en prend : les cafetières et les frigos-bars de l’Administration ont des bouilles qui ne lui reviennent sans doute pas. On ne peut, dans ce cas, l’accuser d’ethnicisme antirépublicain, ni lui reprocher de s’en prendre à la foi d’une communauté en violation de notre sacro-sainte laïcité.

A l’intention des dernières générations de Sénégalais, le duo Diomaye-Sonko n’a rien inventé : la transition de la raison d’Etat à la raison détail date de bien longtemps…

Depuis plus d’un demi-siècle, malheureusement, le paupérisme national de notre tiers-mondisme exalté multiplie les mesquines économies républicaines, dope le misérabilisme d’Etat qui, au quotidien, nous enfonce le nez dans le déprimant et trivial dénuement ; notre destin est de visionner trois fois par semaine le charitable don d’un pays sans doute moins riche mais plus industrieux que le nôtre, avec parfois en guise de dessert au JT, le spectacle anesthésiant des côtes saillantes de nos morveux dépenaillés en divagation sur les boulevards.

Le complexe d’infériorité, ça nous connaît ; il est la base de l’économie de la pitié dans laquelle nous nous sommes enfermés…

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Le Festival mondial des arts nègres, en 1966, qui voit le Sénégal accueillir le gratin planétaire, alors que les années de sècheresse entament leur cycle pour un long bail avec le Sahel, passe pour un abominable crime économique. Nous sommes si pauvres…

D’ailleurs, c’est bien simple : l’année suivante, dans le gouvernement, pour combattre la famine, ça a la bonne idée de tailler dans les bourses d’étudiants, entre autres solutions lumineuses pour éteindre nos cauchemars. Résultat des courses : en mai 1968, le pays se retrouve au bord du gouffre.

Le coût des vies perdues ou estropiées est indécent ; tout comme est inavouable celui du maintien de l’ordre, depuis les équipements, qui vont des balles réelles jusqu’aux grenades lacrymogènes ; si on les additionne à la popote et aux heures supplémentaires des Forces de l’ordre pour calmer tous ces gamins furax qui entraînent le pays dans la chienlit, auxquels s’ajoutent les dégâts matériels causés à l’échelle nationale, la conclusion s’impose tout de suite : ça n’en valait pas la peine. La leçon ne sera jamais retenue…

Lorsqu’Abdou Diouf arrive au pouvoir, en 1981, son fonds de commerce est le châtiment des voleurs, en l’honneur desquels naît la Cour de répression de l’enrichissement illicite, la tristement célèbre Crei.

Doit-on croire qu’un Sénégalais, dans sa tête, ne saurait vivre confortablement ? Le régime nouvellement installé fait traquer les fonctionnaires qui arborent un opulent standing, comme les privilégiés trop riches qui ne viennent pas se prosterner aux pieds des nouveaux maîtres du pays.

C’est dans l’air du temps, et «l’école nouvelle» que dictent les austères financiers de Bretton Woods, nous rabote le savoir, la connaissance, l’instruction et, en passant, l’éducation, l’art et la culture

Ça nous tire par le bas et annonce l’ère des «ajustements structurels». Pour habiller tout ça d’un boubou très local, ça nous rebaptise les écoles et lycées, quelques rues et avenues au passage, brûle des héros et ressuscite des renégats, pour convaincre le Peuple avide de revanches sur l’Histoire que le ghetto insalubre du sous-développement est notre seule dignité.

Abdou Diouf, en dépit de sa taille, fait figure de nain intellectuel. Il tue notre Culture, comprenez notre faculté à créer le rêve, la fameuse «soft power» par laquelle le monde moderne fourgue ses hallucinations, depuis la gastronomie française, «de la fourche à la fourchette», jusqu’à la terreur atomique américaine qu’Hollywood bazarde au monde entier, en plus de son toxique Coca Cola et de ses jeans Levi’s 501 posés sur les belles fesses de Marilyn Monroe. Nous autres, Sénégalais, dont les années cruciales se sont déroulées sous Abdou Diouf, sommes des Sahéliens aptes juste à tendre la sébile.

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Insulter Senghor ne suffira pas, il faudra aussi prouver à quel point le p’tit gars de Djilor est un traître à sa race. Rien ne lui sera épargné par un régime qui s’arcboute deux décennies durant à démolir l’œuvre du poète-Président, histoire de masquer sa médiocrité.

Senghor serait mort avant 2000, même son décès passerait inaperçu et sa dépouille reposerait en Normandie où, dès sa disgrâce, il se réfugie aux côtés de la rare personne dont la confiance ne lui fera jamais défaut, jusque dans la tombe.

En 2000, lorsque Wade arrive au pouvoir, il y a un léger mieux : nous avons un mégalomane aux manettes. Jusque-là, Abdou Diouf, même s’il ne se refuse rien, voit petit pour le commun des Sénégalais. Dans son entourage, ça ne crève pas la dalle, alors que le Sénégalais ordinaire se réfugie dans la foi irrationnelle aux miracles et assiège les conteurs de paradis imaginaires…

Le temps de Wade est celui du Pharaon qui rassure son Peuple en s’agenouillant comme tout le monde aux pieds de son marabout, histoire de faire semblant. Le Wade-Man-Chauve fantasme ouvertement de grandes avenues, de ponts, de statues, de rencontres planétaires. Son nombril devrait être le centre du monde, tout Sénégalais qu’il est. Sa méthode : tirer des médiocres de leur crasse et en faire des gadgets rutilants. Ces miraculés se succèdent sur le podium, avec la longévité d’une olive dont on bouffe la chair et recrache le noyau, selon une formule adaptée à un Président français.

Ils s’en mettent tous plein les poches, parce que s’enrichir est le but ultime ; la manière importe peu, pourvu qu’elle serve la cause commune. Bien sûr, les partages de butins sont souvent sanglants. Les déchirements en famille se succèdent, entre les veinards qui ne laissent pas de trace et les maudits dont l’hémoglobine indispose le monde entier…

Retour à la norme en 2012.

Le fonds de commerce de Macky Sall, le vainqueur de la Présidentielle, ancien Premier ministre docile qui obéit alors au doigt et à l’œil de son mentor, le fils du Président, est la promesse d’un retour à la modestie républicaine, comprenez notre statut de pauvres, qui mendions le respect des autres, économisons les bouts de chandelles et diabolisons le moindre signe d’aisance.

Bien sûr, lui et les siens ne sont pas concernés. Son patrimoine qui s’étend jusqu’à Houston est le produit de la volonté divine. Entre Wolofs obtus, on parle de «travail maternel et bonne étoile paternelle». En lots de consolation, des gadgets comme on en distribue à Noël : trains électriques, soldats de plombs et étrennes éphémères.

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Chacun se console comme il peut ?

Macky Sall confirmera les Sénégalais dans leur mentalité de pauvres, au point de créer son opposant idéal, celui qui dénonce la misère et le pillage de nos maigres ressources, glorifie le crève-la-faim auquel il distribue les bons… poings et désigne les missions suicidaires.

Le nouveau régime surgi des urnes du 24 mars 2024 n’inventera pas la roue, parce qu’aucun de ceux qui le composent n’a une tête de Prix Nobel. Ces braves gens se posent les mêmes questions que leurs prédécesseurs plus de quarante ans durant, se demandant pourquoi il y a si peu de riches, alors que la question fondamentale, depuis toujours, à l’évidence, devrait porter sur le paradoxe d’un pays si riche avec autant de pauvres.

Vous voulez mon avis ? M’en fiche, je vous l’assène quand même…

Le problème n’est pas le peu de «riches» fonctionnaires ou privés, lesquels, en fait, ne sont qu’aisés. L’énormité provient de l’immensité de la pauvreté sur nos terres si fertiles, pour un peuple parsemé de gens si brillants, si entreprenants. Ce qu’on appelle des milliards en Cfa ne sont que des millions en dollars ; nos millions ne sont que des milliers en euros…

Payer un loyer, en plus d’une facture d’eau et d’électricité, après avoir acheté un quintal de riz, un décalitre d’huile, un pot de tomate concentrée, un kilo de sucre et quelques fantaisies maraîchères, dans la tête d’un Sénégalais ordinaire, relève de l’exploit olympique.

Notre rapport à l’argent est psychédélique ; celui au travail, psychanalytique ; et au progrès, masochiste.

«Les grands esprits discutent des idées ; les esprits moyens discutent des événements ; les petits esprits discutent des gens», professe Eleanor Roosevelt, femme de tête et de cœur, qui se retrouve au final First Lady américaine pour avoir sagement épousé un lointain cousin dont le chic est d’atterrir à la Maison Blanche. A n’en pas douter, les grandes nations également, sur la place publique, ne peuvent débattre que du futur lointain qui attend la descendance de son Peuple, et des pansements qu’exigent les blessures de l’Histoire pour bâtir l’avenir du citoyen du Monde, gentleman de l’Universel.

En réalité, à nous autres Sénégalais, il manque juste la culture qui permet de se poser les bonnes questions : par exemple, comment sommes-nous passés de Germaine Acogny à Nabou Lèye ?







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