Ces 4 et 5 novembre 2025, l’UCAD (Université Cheikh Anta Diop) de Dakar, à travers le laboratoire de recherche sur les transformations économiques et sociales de l’institut fondamental d’Afrique noire (LARTES-IFAN) a abrité le colloque international : Repenser les transformations sociales en Afrique, état des lieux, dynamiques et innovations. Ce colloque-hommage au Professeur de classe exceptionnelle Abdou Salam Fall s’est finalement tenu en son absence car le Pr Fall a été soustrait à notre affection le 15 aout passé à St Louis du Sénégal. Face à l’action, l’œuvre de cet homme multidimensionnel qui allie humanisme et professionnalisme, l’on se pose la question de savoir : combien de vie pour en faire autant ? les magnifiques témoignages sur cet homme solidaire de toutes les quêtes de progrès ont été nombreux. Néanmoins, celui de sa fille Aminata Tooly Fall en est un résumé : Papa, quelle élégance !
Le Pr Fall est un militant du savoir, de la religion, de la dynamique associative et coopérative, du développement…Entre autres, nigérien, tchadien, camerounais, belge, français, américain…éclaireurs, musiciens, académiciens, technocrates, privés, coopérants…ont interagi pour célébrer l’immense penseur et un des leurs car solidaire de toutes les quêtes de progrès.
Le Pr Abdou Salam Fall a notablement inspiré de variées thématiques de recherche: Les défis environnementaux, l’agriculture urbaine, l’économie sociale et solidaire, la migration, l’urbanisation , les ruralités, les relations urbain-rural, la religion, particulièrement, l’islam noir, les inégalités sociales, l’insertion, la santé, les rapports genre, les réseaux de sociabilité, la méthodologie…Le Pr Fall, apporteur de la dimension sociale, multiplicateur de spécialités, un athlète de haut niveau des faits sociaux ; il faudra combien de vie pour en faire autant!
Lors de leurs interventions, ses disciples ont confirmé les qualités du maitre : la directrice de son laboratoire, le Pr Rokhaya Cissé a mis l’accent sur la rigueur du maitre pourchassant les données du quantitatif au qualitatif : «il ne s’agit pas de pas photographier une vague mais filmer l’océan ». Le Pr Fall invitait à interpréter, recoder les réponses «autres» pour une plus grande précision. La Dr camerounaise Annick voit en le Pr Fall une sociologie militante, un dépassement des clivages disciplinaires.
Ses collègues ont magnifié son dynamisme intellectuel et entrepreneurial. La Pr Jacqueline et lui avaient mis en place une coopérative de recherche française, LUCI (l’université coopérative internationale) pour (co produire, co construire, co écrire). Jacqueline et Fall convergeaient sur une épistémologie du sud, des savoirs situés, des expériences invisibilisées repérées au Sénégal. Cette épistémologie du sud ne renvoyant pas à un sud géographique mais un sud épistémologique où seul le savoir scientifique est valide. Dans ce sens, le Pr Fall invitait à cesser de travailler sur les acteurs mais à travailler avec les acteurs, à dépasser la monoculture scientifique selon Jacqueline. Le Pr belge Patrick Develtere a traité des coopératives africaines et le développement durable. Pr Develtere annonce son ouvrage « L’étoile des coopératives en Afrique » mettant l’accent sur la bonne étoile du mouvement coopératif africain. Le Pr de Droit, ancien de l’UGB de St louis A T NDIAYE avec la touche, le verbe décanté qu’on lui connait a traité de l’économie sociale et solidaire et du droit de l’entreprise. Le Pr A T Ndiaye souligne l’exonération en cas d’entreprises coopératives mais avec des règles à respecter au risque du retrait d’agrément. Il corrobore aussi cette caractéristique de l’économie sociale et solidaire qu’est une fiscalité permissive. A sa suite, cet expert du ministère de l’économie sociale et solidaire et disciple du Pr Fall montre comment ils ont travaillé à faire l’état des lieux, la mesure et les secteurs concernés par ESS. Secteur pour lequel, il plaide pour un accès à la protection sociale.
Pour ma part, votre serviteur, j’ai traité des thèmes de 1-Touba- mouridisme et 2-des intervenants au développement rural.
– Les fondations d’Ahmadou Bamba (RTA) que sont Touba, le mouridisme et le Magal ont suscité beaucoup d’engouement chez les chercheurs car constituant une pluralité de singularités que sont : son idéologie, sa spatialisation, ses faits de société, ses dynamiques migratoires, sa relation avec la politique, sa doctrine économique, sa pratique agricole expansive et source de déforestation, leur dextérité dans le secteur informel, l’habileté dans le management des masses mourides…Ses défis et dérives semblent pour leurs parts insuffisamment explorés. Ainsi, la confrérie mouride est, aujourd’hui, un ‘’façonneur’’ de la politique et de l’économie au Sénégal. Quelle suite aux velléités d’autonomie (à l’image du Vatican) agités (Cheikh Guèye, Ahmadou Bamba Diagne, Cheikh Bamba Dièye, 2024) et au vœu d’un plus d’Etat dans Touba (Kanté, 2009 ; D Sow, 2020) ? Dépouiller de ces insuffisances, le dynamisme toubien et la synergie mouride ne sont-ils pas à propager pour une renaissance sénégalaise et africaine ?
– Le rural subsaharien et sénégalais en crise et en transition connait une quête de développement composite, un inter développement par apports d’acteurs et de méthodes divers. Ces apports n’ont pas encore été porteurs de développement mais soulagent. Aussi, une mutation des mentalités, une autonomisation des femmes (40°/° des entrepreneurs individuels) et un encadrement des jeunes majoritaires sont des prérequis au développement rural sénégalais et subsaharien.
Le Pr Abdou Salam Fall constitue un filon inépuisable. A Gaya du vénérable Maodo (RTA), reposez du sommeil des érudits.
Dakar, ce 07-11-2025
P B Moussa Kanté, chercheur UGB