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Gawlo, ÉgÉrie Sans Mandat

Alors que Soda Mama Fall entre dans le grand âge, qu’Awa Sène Sarr consume ses derniers éclats dans son exil belge, que la dynastie de Mbissine Thérèse Diop, peine à trouver, dans les actrices actuelles, des héritières de renom ; alors que la filiation des Yandé Codou Sène a perdu son souffle dans la transmission, perdant, dans la majesté déclinante des Kiné Lam, les notes authentiques de la grandiloquence sénégalaise, il y a à la vérité, une, voire des places vacantes, sur le trône artistique féminin. 

Perles et diadèmes, cauris, or et magnificence, sommeillent, en écrin patient, attendant le trésor à protéger. En voici les cases à cocher : silhouette élancée de la grande royale, port serein et regard impérial, secret et génie de l’attirail de séduction, soupçon de galbe et de formes, indépendance et puissance presque intimidantes, l’élégance caractéristique de ce charme sénégalais, a conçu un modèle, mais peu d’icônes sur la scène actuelle. Coumba Gawlo offre un intérim, dont l’imperfection ne doit pas ternir la légitimité.

La prêtresse de Kor Dior et de Yo Male, qui eût la merveilleuse idée de se nourrir des divas du continent, de Sangaré à Makéba, s’est taillé au fil du temps un nom et une réputation. Elle a jeté, comme un voile de conquête, sa voix dans le monde.  L’aventure s’est soldée par un bilan correct. Des invitations qui parsèment une carrière riche, des tubes continentaux, une allure et un regard, qui taillade comme une lame. Il y a toujours eu cette impression chez Gawlo que ses grâces corporelles achevaient de compléter ses chansons, ou inversement. Impression trouble d’avoir tout, mais pourtant de sentir un manque. 

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Il semble qu’elle soit quelque part, un fort beau lieu du reste, bloquée dans le trafic artistique, où son œuvre, quoique grandiose, n’a pas encore dompté ou posé son empreinte dans la postérité. Si les mémoires se souviendront à coup sûr de ce bassin enchanteur, de ces chansons évocatrices du désir, de cette tessiture particulière qui voyage du grave à l’aigu, il manque ce ne je ne sais quoi, par lequel on met la mémoire sous scellé. 

Encore jeune, défiant les décennies, et empilant à chaque âge de nouvelles munitions de séduction, sa carrière musicale paraît, elle, piétiner. Arrêtée passivement, dans ce temps figé que le fait glorieux passé n’arrive pas à décoincer. Il en résulte le nouveau rôle de Gawlo, égérie d’une idée sénégalaise que l’on exhibe, que l’on porte en trophée, dont la fierté nationale se drape pour cacher son déficit. Egérie banale. À portée du quidam, favorite des princes et de la cour politique. 

La modernité des réseaux sociaux, prompte à façonner une célébrité à partir de rien, ou à l’ensevelir, par la logique identique des modes, a redimensionné le trône virtuel de Gawlo. Elle dont la parole est puissamment désirée sans jamais être entendue, elle dont les charmes usinent les fantasmes des jeunes premiers, elle qui est devenue un tableau qui vole au vent de l’actu, se baladant dans un espace national chatoyant et gigantesque où elle flotte. Nulle mission confiée, nul statut, vivant hors du temps musical, elle est à l’image des premières dames qui accompagnent leurs maris et se trouvent des causes, presque artificielles, pour combler le vide d’une existence.

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Il est sain de ne pas trop pénétrer le secret des idoles. La familiarité tue l’admiration. Partager un bout de chagrin et de faiblesse du héros, c’est dénuder le mythe. Coumba Gawlo est aussi, à ce titre, égérie multi-casquette. Celle de ce malaise indicible qui étreint nombre de femmes sénégalaises, tellement belles qu’elles en deviennent suspectes, tellement charismatiques que leur ombre éblouit les hommes jusqu’à la démission, si majestueuses qu’on n’entrevoit pas l’abandon lubrique aux jeux, semblant ainsi inaccessibles mais pourtant si gourmandes de s’abandonner aux marchés des amants, si autonomes qu’elles résistent à la corruption habile des mâles. C’est presque la genèse d’une solitude, d’une blessure, d’un destin de femme noire, dont le malheur est parfois, parfois seulement, d’être prisonnière de sa beauté et de ses ornements, entre autres.

Dans l’éclat du sourire qui nous fige, c’est l’irradiation d’une égérie sans mandat. Il en ainsi des étendards, qu’il leur faut cette légèreté (vide) pour danser au son du vent et des envies. La tête au ciel, les pieds sur la discrète brûlure du sol.

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