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Les Sociétés Civiles Sont-elles Devenues Des Bourrelets Pour Les Sociétés Africaines ?

Les Sociétés Civiles Sont-elles Devenues Des Bourrelets Pour Les Sociétés Africaines ?

La question ne manque ni d’intérêt ni de pertinence au regard de la genèse de l’apparition de ce troisième acteur social et de l’ampleur des ambitions et du rôle que ce dernier prétend devoir jouer dans et pour les sociétés africaines. Faut-il le rappeler, la volonté et l’initiative de créer la dynamique de société civile africaine, comme la plupart des concepts politiques et gadgets sociaux, sont venues de nos anciens Maîtres et objecteurs de conscience, metteurs en scène et souffleurs des attitudes et comportements des acteurs de la scène politique, économique et sociale dans nos pays. Ainsi, face à l’échec de l’Aide publique au développement (Apd) incapable de sortir nos Etats du sous-développement, et plutôt provoquant la faillite des Etats, parallèlement au corset des ajustements structurels imposés à ces Etats, il a été encouragé la création de structures en dehors des pouvoirs pouvant représenter et défendre les intérêts des populations en aidant celles-ci à l’appropriation et à la mise en œuvre des politiques publiques ou des projets. C’est pourquoi elles ont pu bénéficier d’accréditation, de crédit et d’offres de financements dans la plupart des Accords et programmes signés avec les Etats (Accords de Cotonou, Lomé I et II, Dsrp1 et Dsrp2, Omd, Odd, Ape, etc.). Hélas, cette reconnaissance et les faveurs y étant liées ont contribué non seulement à la prolifération de celles-ci, mais surtout aux dérives de vassalisation de certaines Ong par des lobbies de toutes sortes dont les préoccupations sont souvent attentatoires à la philosophie, aux mœurs et aux valeurs des sociétés africaines et destructrices de cohésion sociale.

Aujourd’hui, l’on observe une mutation génétique fonctionnelle avec la mondialisation et la naissance d’une deuxième génération d’Ong qui est en train d’essaimer non plus exclusivement autour des politiques de développement économique et social, où elles pouvaient apporter de la valeur ajoutée, mais plutôt sur des questions essentielles sur lesquelles les populations elles-mêmes, en possession de pleins pouvoirs de délibération, n’ont besoin de béquilles, telles les questions politiques, civiles, civiques et de droits humains ou de défense de droits spécifiques. Cette mutation a été corroborée par un glissement sémantique des Ong au concept plus générique de Osc et de fait, par l’apparition d’une diversité d’Associations de sociétés civiles, d’Associations de droits humains, de défense de la femme, de l’enfance, de la nature, etc. Exceptées certaines parmi elles qui luttent contre certaines dérives sociétales, malheureusement elles sont moins nombreuses, la plupart de ces Osc sont des pendentifs d’organisations, de réseaux extérieurs ou des caisses de résonnance d’officines internationales qui ont entre autres missions le modelage et la dissémination des ingrédients de la pensée unique. Cette nouvelle orientation à connotation plus politique qu’économique constitue une menace sérieuse pour la souveraineté des Etats en ce sens que ces Osc de type nouveau sont enclines à internationaliser des questions purement domestiques, et dans leur analyse des situations, elles souffrent d’inaptitude à relativiser et à contextualiser. Aussi, offrent-elles l’image de gardiens de vitrines d’objets exotériques dont elles ignorent à la fois l’origine, la valeur et la fonction.

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Ainsi, la prééminence du plaidoyer pour l’extérieur sur l’action de proximité transformationnelle, le péché mignon d’usurpation de fonction en cherchant à se substituer aux autres acteurs et en s’auto labellisant Médiateur, en s’auto-invitant dans toutes les situations, mais surtout dans cette délicate tâche de médiation qui requiert de l’expertise, de l’expérience, qui ne sont souvent pas présentes, ces Osc perdent beaucoup de leur identité originelle, entament leur crédit et aggravent la fracture sociale. L’ambiguïté de leur jeu réside surtout dans cette posture confortable de neutralité portée en bandoulière, qui n’est rien d’autre qu’un aveu de sacrifice rituel de l’obligation de vérité pour les populations à l’autel de calculs de géopolitique interne. Les Osc doivent comprendre que dire la vérité ou se positionner par rapport à l’intérêt du pays sur la base de la conformité aux lois actuelles du pays ne signifie nullement pas prendre parti et que toute neutralité consistant à fermer les yeux sur ce que disent les lois est une posture de compromission. Une société organisée marche sur la base de ses lois et règlements jusqu’à ce qu’on procède à leur changement. Sinon on ouvre la porte au désordre et au chaos. Il n’y a ni paix ni justice ni progrès social sans le triomphe de la vérité qui tire sa source de la loi. Dans ce cadre, il est malheureux de constater encore les tendances erratiques dans la démarche de certaines organisations de la société civile qui font de la politique sans l’avouer, qui prennent position tout en affichant une neutralité. Celles en charge des droits humains ne sont pas en reste en réduisant les droits humains au droit de l’individu qui doit primer sur le droit de la collectivité ou du groupe, mais pis, elles cherchent à plaquer à la lettre les dispositions des textes internationaux, normes et conventions à des situations exceptionnelles et particulières au mépris de l’esprit générique de ces textes.

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Ainsi, convoquant l’article 25 de la Déclaration universelle des droits humains et du citoyen qui stipule que tout citoyen a le droit de vote et d’être candidat à des élections…, au cours d’un plateau de télévision, un représentant de la société civile a vite fait de conclure que tout le monde peut être candidat à la présidence de la République, (fussent-ils prédateurs des biens publics, criminels ou autres) ; cela, parce que les textes internationaux sont au dessus de notre arsenal juridique. Perception ne pouvait être plus hérétique et simpliste, mais dangereuse et pernicieuse, émanant de quelqu’un censé défendre l’intérêt général. L’on a eu envie de lui demander dans quel Etat au monde applique-t-on cette perception biscornue ? Pourquoi alors n’y a-t-il pas un seul Etat pour toute l’humanité ? Quelle est l’utilité des constitutions nationales ? Sait-il que les dispositions des textes internationaux adressent le statut du spécimen humain opposable au spécimen animal, d’un prototype d’individu, extirpé ou prémuni de toutes contingences politico-sociales, historiques ou géographiques alors que dès qu’il est impacté par l’une de ces situations, il n’est plus le citoyen originel, immaculé dont il est ici fait allusion ; d’où la source des exceptions, objet d’encadrement jurisprudentiel national, accepté comme précaution par toutes les institutions internationales qui respectent toutes la souveraineté nationale assise sur la Constitution et les lois d’un pays. Faut-il le souligner, même si une loi nationale est en contradiction avec l’ordre international, l’initiative de la changer pour l’adapter ne peut relever que de la souveraineté nationale : l’exemple malheureux de Myanmar et de certains pays d’Amérique Latine est patent. Ce qui est loin d’être le cas au Sénégal où la dernière réforme constitutionnelle sur l’éligibilité de tout citoyen vient de rétablir un ordre universel, en corrigeant un anachronisme qui était délibérément laissé dans la Constitution de 2001. Cela va de soi, on ne peut pas être éligible si on n’est pas électeur, moins encore si on ne jouit plus de ses droits civils et civiques, c’est universel et même dans une Assemblée ordinaire qui n’est pas membre n’est pas éligible et ne vote point. Il ne faudrait pas que les pratiques insolites et irrégulières, internes à un «parti politique», fût-il celui au pouvoir, puissent parasiter notre système électoral ou notre démocratie qui reste une des plus solides au monde. La position de la société civile ne doit souffrir d’aucun faux-fuyant et elle doit réfuter et condamner ces attitudes de compromission qui voudraient qu’on laisse qui veut se présenter et que les difficultés soient transférées au Peuple. Dans quel Etat sommes-nous ?

En conclusion, il faut le constater pour s’en désoler, les sociétés civiles africaines, potentiels remparts des Peuples et de la démocratie, sont encore dans le mirage et font dans le clair-obscur. Et faute de prendre à bras-le-corps les préoccupations des populations, elles finissent par devenir un bourrelet qui empêche de progresser. Les sociétés africaines ont vraiment besoin de sociétés civiles fortes, actives, bien ancrées dans les terroirs et dans les sociétés, indépendantes vis-à-vis des pouvoirs, des groupes de pression locaux et des lobbies étrangers, ce qui pose la question fondamentale de leur statut et de leur financement qu’il faudrait prendre en compte dans une réflexion globale du financement de tous les acteurs du développement à l’instar des partis politiques. Cela requiert un dispositif de contrôle et d’’évaluation des activités et de la couverture territoriale. Au-delà de l’ancrage et de l’indépendance, il faut mettre l’accent sur le développement des expertises, de la spécialisation et l’évitement des mélanges de genres. En fin, il faudra changer le paradigme du faire-faire en faire avec qui pourrait contribuer au règlement en partie de la question du financement ; le seul credo reste l’éveil des consciences, la mobilisation pour la défense des intérêts généraux, la justice, l’équité et le progrès social.

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Walmaak NDIAYE

Commission des cadres Benno Book Yaakaar

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